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[C’était mieux avant] Philippe Lebresne : «À un moment, j’aurais pu signer à Niederkorn»


(photo DR)

Avant le derby Progrès – FCD03, le milieu Philippe Lebresne revient sur une carrière marquée par 17 années au Luxembourg, dont 12 à Differdange, et qu’il continue d’étirer en France, à bientôt 47 ans.

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Quel est le meilleur joueur avec qui vous avez joué ?

J’hésite… Il y en a eu plusieurs à Differdange : Darío Soraire, Laurent Carème, Aurélien Joachim, Pierre Piskor… Je les mets tous au même niveau. Il y a aussi Omar Er Rafik! Un tueur. Il aurait peut-être pu aller plus loin, mais il faut dire aussi qu’il est arrivé un peu tard dans le foot. Mais c’était l’un des meilleurs joueurs du championnat. Avec tous ces mecs-là, mais aussi Mathias Jänisch, on avait une sacrée équipe, très solide. On était vraiment soudés, on avait un collectif bien huilé, et c’était très difficile de nous battre durant cette période-là.

Et contre qui vous avez joué ?

Il y en a pas mal aussi! Greg Adler (ex-Hostert, F91, Jeunesse, Strassen ou Swift, aujourd’hui à Villerupt-Thil) était vraiment très bon sur le côté. Il y avait aussi un ancien « ennemi » devenu ami : Jonathan Zydko. Quand il jouait à Käerjeng après avoir été pro à Sarrebruck, on s’est affrontés pas mal de fois. On avait à peu près le même rôle sur le terrain, et on ne s’aimait pas trop. On se mettait des boîtes! Mais toujours respectueux. Une fois ensemble à Mondercange, on s’est rendu compte que, finalement, on avait les mêmes passions en plus du football : la fête, bien manger, bien boire… On s’est retrouvés autour de ça et on est devenus très potes. Avec son travail de fromager, on s’est un peu éloignés, car Metz, ce n’est pas trop mon secteur, mais je passe le voir dès que je suis dans le coin et je suis toujours très bien accueilli!

Quelle est l’équipe la plus forte que vous ayez affrontée ?

En BGL Ligue, Dudelange régnait sous l’ère Becca. C’était toujours très compliqué contre eux, même si on n’avait jamais à rougir. Sinon, le duel avec Niederkorn était toujours très attendu au club, mais, ma foi, je crois qu’on a gagné plus de derbies qu’on en a perdu! C’était LE match référence, les jaunes contre les rouges !

Il n’y avait pas toujours beaucoup de football, c’était surtout « duel duel duel », mais il fallait gagner coûte que coûte. En Coupe d’Europe, j’ai aussi vécu pas mal d’épopées avec Differdange, et notamment ce troisième tour de Ligue Europa contre Paris (0-4, 2-0 en août 2011). Affronter un club français, en tant que Français, et des joueurs que tu retrouvais en équipe de France, et fouler la pelouse du Parc des Princes… ça fait ressasser pas mal de souvenirs! PSG – Real (4-1, mars 1993), France – Bulgarie (0-1, novembre 1993)… Pour l’anecdote, c’est lors du match retour que Javier Pastore a fait ses premiers pas sous le maillot parisien.

C’est votre plus beau souvenir ?

Mon plus beau souvenir est aussi le pire : en 2013, on aurait pu atteindre la phase de groupes de la Ligue Europa. On perd aux tirs au but contre Tromsø (Norvège) et, derrière, ils passent sur tapis vert contre Besiktas. En poules, ils jouent Tottenham, l’Anji Makhatchkala et le Sheriff Tiraspol. Ils n’ont rien fait, mais bon! En plus, on avait fait une prestation super solide, on méritait de se qualifier, mais sur les pénos, on est passés à travers… Ça aurait été quelque chose d’exceptionnel. Mais je me suis relevé très vite et j’ai continué mon chemin.

Ce n’est toujours pas fini, d’ailleurs ! Mes deux buts inscrits en Coupe d’Europe sont aussi de bons souvenirs. Notamment à Tallinn (victoire 0-1 et qualification au deuxième tour retour de Ligue Europa, en juillet 2011), face au Levadia : avant le match, j’avais trouvé une pièce de cinq centimes sur le terrain. Je l’ai lancée dans l’un des deux buts et ai dit aux gars autour : « c’est là que je vais marquer aujourd’hui ». Et ça n’a pas loupé : sur un corner, je mets la tête et le ballon va pile sur la pièce. But! C’est un truc de fou, quand même !

Quel est votre plus grand exploit ?

Au tour avant Tromsø, quand on a éliminé les Néerlandais d’Utrecht là-bas (2-1, 3-3), dans un super stade. C’était totalement inattendu. Yannick Bastos et Omar Er Rafik (un but et une passe décisive chacun) avaient fait une super partie au retour, et c’est d’ailleurs là que Bastos se fait repérer par Bolton. À la fin du match, les supporters d’Utrecht scandaient : « Déifferdeng, Déifferdeng ! ». On a fait un petit tour d’honneur, c’était vraiment sympa.

Les fans d’Utrecht scandaient : « Déifferdeng, Déifferdeng ! »

Vous qui aimez la fête, pouvez-vous nous raconter la plus marquante ?

Il y en a eu beaucoup (il rit), mais je n’oublierai pas celle qu’on a faite en Grèce après notre match contre l’Olympiakos Volou, en 2011. On perd (0-3, 3-0), mais on passe, car son président avait truqué des matches (NDLR : le club grec a été exclu des compétitions européennes pour trois ans).

On était encore en Grèce au moment du tirage et là on apprend qu’on joue Paris ! On a fait la bringue totale, sur la plage, avec toute l’équipe, et votre collègue aussi d’ailleurs ! Mais sinon, dans notre ancien stade du Thillenberg, on a vécu des fêtes mémorables. Après les matches de championnat, tout le monde restait, des plus jeunes aux plus anciens ! Ça chantait, ça dansait sur les tables… On sentait vraiment qu’on était une équipe, avec une sacrée cohésion. Ça, c’était bon !

Quels sont les entraîneurs qui vous ont le plus marqué?

J’ai rasé la moustache de Maurice Spitoni !

Maurice Spitoni (2006-2008, puis avril-juin 2011), le regretté Dan Theis (2009-2011, décédé en décembre 2022) et Michel Le Flochmoan (2012-2014, décédé en août 2021). Dan Theis était tellement passionné, un truc de fou ! Spitoni n’avait pas le même caractère que les deux autres, mais avec ses mots bien choisis, il avait l’équipe en main et savait en tirer le maximum. Maurice, c’est un personnage ! Un jour, avant un match, il me dit « si tu marques, tu auras le droit de raser ma moustache ». Et bing ! J’ai marqué ! Et pourtant, des buts, je n’en ai pas mis beaucoup ! Après le match, il s’est assis dans le vestiaire de lui-même, et je lui ai rasé la moustache. Il a tenu son pari ! C’est marrant comme on peut se dépasser quand il y a un pari en jeu.

Avez-vous souvenir d’un transfert qui ne s’est pas fait ?

À un moment, j’aurais pu aller à Niederkorn. Ils m’avaient sondé… C’était marrant parce que j’étais avec leur ancien président, Fabio Marochi. Il m’avait pris à l’entrée de Differdange et m’avait dit de baisser la tête dans sa voiture pour qu’on ne nous voie pas ensemble ! Je me suis retrouvé dans son bureau, mais ça ne s’est pas conclu : j’étais allé le voir juste comme ça, par courtoisie, mais j’étais très bien à Differdange et n’avais pas l’ambition d’aller ailleurs.

Aujourd’hui

Professeur d’EPS à l’école Vauban à Luxembourg-Gasperich depuis 2019, après avoir exercé durant 16 ans en France, à Villerupt, Philippe Lebresne enseigne le sport à des élèves âgés de trois à onze ans. Le reste du temps, il encadre notamment les jeunes de l’équipe réserve de l’ES Villerupt-Thil, pensionnaire du Régional 3 (8e division française), dont il est le capitaine, à bientôt 47 ans (il les fêtera en juillet).

Une longévité qui lui a permis de disputer quelques matches amicaux d’avant-saison avec son fils aîné de 18 ans, Timéo (âgé de 15 ans, son cadet Mathis joue quant à lui à Thionville). Mais quel est donc son secret? «Je suis forcément toujours en activité, confie-t-il. Je cours un peu, je m’étire, et je fais toujours un ou deux entraînements par semaine.» Plus souvent un que deux, d’ailleurs : «Le vendredi soir, je suis en bouffe», sourit-il.

Ses faits d’armes

Arrivé de sa Normandie natale à Villerupt début 2003 dans le cadre de sa profession d’éducateur territorial, c’est dans la commune voisine d’Audun-le-Tiche que Philippe Lebresne, alors âgé de 24 ans, prend une licence. Un an et demi plus tard, le milieu fait un essai concluant de l’autre côté de la frontière, à Differdange.

Le début d’une love story de 12 ans qui le verra disputer 235 matches (14 buts), dont 27 de Coupe d’Europe, et remporter quatre fois la Coupe de Luxembourg (2010, 2011, 2014, 2015) avec le FCD03. Passé ensuite par Mondercange (2016-2020), le Français raccroche les crampons en 2021 après une ultime pige à Sanem, en D1.

Pas pour longtemps : en 2022, il reprend du service, à 44 ans, avec l’équipe B de l’ES Villerupt-Thil, qui «cherche à se maintenir» en Régional 3, mais ne se gênera pas, si l’opportunité de monter se présente, pour «jouer la petite carotte».