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[C’était mieux avant] Luc Decker : «J’ai fait peur au bodyguard d’Albert en dansant»


Luc Decker, qui s’est retiré des bassins il y a vingt ans à l’Euro Meet 2005, revient sur sa longue et riche carrière.

L’adversaire qui vous a le plus impressionné ?

Luc Decker : Il y en a un certain nombre. J’ai assisté au meeting Mare Nostrum à Monaco où Alexander Popov avait battu le record du monde. À l’époque, ça devait être 48« 2. Et tu avais l’impression qu’il était relâché quand il nageait. Il donnait le sentiment de nager tranquillou alors qu’il était loin devant les autres. Et je me rappelle les JO de Sydney, le premier après-midi : j’étais allé voir les finales et j’étais sorti lessivé, car il y avait eu plus de records du monde que de finales. C’était la folie totale dans la piscine. Et je souviens également de la démonstration de Pieter van den Hoogenband qui avait pulvérisé en demi-finale le record du monde du 100 m que Michael Klim venait de battre en relais trois jours plus tôt (NDLR : 47« 84 contre 48« 18).  

Découvrez tous nos autres épisodes dans la rubrique dédiée «C’était mieux avant»

Votre meilleur souvenir ? 

Sur le plan de l’expérience, forcément les JO de Sydney. Les souvenirs sont complètement dingues. Avec cette piscine tellement immense qu’on ne voyait pas la fin des gradins. Et le village olympique où tous les athlètes partagent la même chose. C’était chouette. Sinon, sur le plan purement sportif, c’est quand je me suis qualifié pour les Jeux. C’était aux championnats de France, où j’ai nagé pour la première fois le temps de qualif. Si je n’avais pas été luxembourgeois, je me serais qualifié pour la finale. Et puis, j’ai fait une deuxième fois le temps aux JPEE au Liechtenstein. Là, j’ai aussi établi un nouveau record du 50 m pap alors que ce n’était pas une course officielle. Un Islandais voulait faire un temps et a demandé à nager cette distance. Pour que ce soit plus officiel, je lui ai dit que j’allais nager avec lui. J’ai nagé sous les 25 secondes, c’est un beau souvenir.

Une course qui vous a marqué ? 

Les championnats de France universitaires. Je nageais contre Sébastien Lequeux, qui avait été champion de France du 100 m pap. Et je le bats. Il y a aussi la médaille d’or sur 200 m pap pour mes derniers JPEE. Ce n’était pas ma spécialité, je n’étais pas non plus affûté. Je nageais contre un Monégasque, je savais qu’il allait partir vite. Il est devant aux 50, 100, 150 m et à partir de là, je le laisse sur place. Je n’avais pas vu un Andorran, qui était parti plus lentement et qui est revenu très, très fort, mais je suis resté devant. Et je bats le record du Luxembourg de trois secondes. Je n’avais pas été mauvais pour ma dernière apparition à Malte.

Votre plus belle émotion ?

Ma qualification pour les JO. À l’époque, le COSL fixait ses propres normes, entre les temps A et B, et il fallait le faire deux fois. Et quand je l’ai fait pour la deuxième fois au Liechtenstein, c’était une immense émotion.

À Sydney, c’était la folie totale dans la piscine

Votre plus grande déception ? 

Quand j’ai compris que je n’arriverais pas à me qualifier pour les JO-2004. Quand tu réalises que, bien que tu sois préparé, tu es loin du compte. Je ne me souviens plus de la course en elle-même, j’en ai tellement nagé. Mais je me souviens très bien de mon immense déception.

Une grosse fête ?

On en faisait toujours de très belles après les grosses compétitions notamment. Bien sûr aux JO. Et ce qui est bien, c’est qu’en tant que nageur, tu es en première semaine. Et après, tu as la deuxième pour faire la fête. Et on ne s’est pas privés.  On rentrait quand les autres se levaient. On dormait un peu et on allait voir les autres compètes. Sinon, je me rappelle qu’une fois aux JPEE, je dansais et j’ai fait peur au bodyguard du Prince Albert, qui dansait pas loin de moi.

Votre plus grave blessure?

Elle n’est pas directement liée à la natation. En 2001, on était partis à Rome avec les copains du Racing pour passer une semaine chez un pote. Un soir, on était trop nombreux pour tous rentrer dans la voiture. J’ai décidé de prendre un scooter pour les suivre. Je suis allé trop vite, je me suis rétamé et je me suis cassé le poignet. Et ça a certainement joué dans le fait que je ne réussisse pas à me qualifier pour les JO trois ans après. Tu mets quand même une bonne année à te remettre et à pouvoir à nouveau soulever des poids. Au début, tu nages juste avec les jambes. En plus, j’ai dû être réopéré au mois de décembre une deuxième fois. Pendant six mois, j’ai surtout nagé avec les jambes. J’étais out jusqu’en février-mars. Et même si j’ai réussi un excellent temps aux championnats d’Europe sur 50 m pap, sur le 100 m, j’étais un peu à la ramasse.

En janvier 2005, il y a vingt ans, je terminais ma carrière à l’Euro Meet. Ça ne me rajeunit pas

Quand avez vous compris que c’était fini?

Après 2004. Je savais qu’une fois que j’allais commencer à travailler, je n’aurais plus le temps de faire de la natation en même temps. Il faut quand même trouver le temps de nager. Alors, quand j’ai fini mon master, j’ai commencé à chercher du travail. Et en janvier 2005, il y a vingt ans, je terminais ma carrière à l’Euro Meet. Ça ne me rajeunit pas.

Une anecdote? 

Il y a quelques jours, j’ai croisé coup sur coup deux anciens nageurs luxembourgeois. Tom Stoltz, qui était de passage à New York. Et Roland Quetsch, qui nageait au Swimming. Il est devenu artiste et on a organisé un petit événement ensemble à l’occasion de son expo. En tant que nageur, on parcourt le monde. Et quand on est luxembourgeois, on est généralement dans une petite équipe, donc on ne reste pas juste entre nous. J’avais un ami nageur qui venait des Seychelles, Jean-Paul Adam. Il est devenu ministre des Affaires étrangères. Chaque fois que Jean Asselborn le voyait, il m’envoyait un message. Et on s’est revus à Shanghai quand les Seychelles ont inauguré leur consulat. Normalement, je n’allais pas trop à ces inaugurations, mais quand j’ai vu qu’il était là, c’était sympa : le ministre des Affaires étrangères qui rencontrait le consul général du Luxembourg.

Ses faits d’armes

Nageur du Swimming, Luc Decker a participé aux JO de Sydney en 2000 et a été membre de l’équipe nationale de 1993 à 2005. Présents à de multiples championnats du monde et d’Europe ainsi qu’aux JPEE, il a détenu tous les records en dos, en 4 nages, en pap et en crawl. Il a également remporté plusieurs titres de champion de France universitaire ainsi que de champion de France avec le Racing Panthéon-Sorbonne.

Photo : marcel nickels

Aujourd’hui

Luc Decker, âgé de 47 ans, marié et père de deux enfants, Arthur, 9 ans, et Louise, 13 ans, a eu une vie bien remplie après sa carrière de nageur. Il a commencé à travailler en janvier 2005 au ministère de l’Économie. En 2013, il est devenu consul général à Shanghai et directeur exécutif du Luxembourg Trade and Investment Office. Après sept ans à ce poste, il est rentré au Luxembourg. Et depuis le 1er septembre dernier, il occupe les mêmes fonctions à New York.