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[C’était mieux avant] Julien Jahier : «Vous allez voir, en face, il y a un grand con…»


Le prolifique attaquant s’est fritté avec l’Anglais Joey Barton, a préféré faire pompier à pro, et a perdu six mois à cause d’un triplé mythique sous cortisone.

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Le plus beau but de votre carrière?

Julien Jahier : C’est un peu cliché, mais tous les buts inscrits sur un derby le sont. Des Épinal - Thaon ou des Épinal - Raon, dans les Vosges. On avait l’amour du maillot, à l’époque. Maintenant, on reste trois ans maximum dans un club, alors fatalement l’esprit derby s’est perdu. Épinal, j’y suis resté neuf ans. Au bout d’un temps, ça fait partie de toi. Ah sinon, si, je me souviens d’un but que j’inscris à Mayotte au 8e tour de la Coupe de France, alors qu’on est à 1-1, à la 92e minute, dans un stade qui ressemblait à celui du RFCU, mais avec 10 000 personnes dedans!

Le plus beau match de votre carrière?

Mon triplé avec le F91 contre le Fola, qui nous offre le titre (NDLR : 3-0, le 18 mai 2014). Ce jour-là, je ne dois pas jouer. Je suis blessé, j’ai une pubalgie. Mais le club fait venir un médecin, j’ai une injection de cortisone. On était deux points derrière eux, on devait gagner, le stade était blindé et je marque trois fois de la tête. Sur le coup, ça en valait la peine, mais cela m’a coûté six mois d’absence derrière. Parce qu’une semaine plus tard, on fait la finale de Coupe et je refais la même chose… À 34-35 ans, forcément, le F91 m’a dit d’aller voir ailleurs – d’autant que c’est aussi un peu le meilleur ennemi du coach « Caza » (NDLR : Sébastien Grandjean) qui est arrivé et que moi j’étais un peu estampillé fils spirituel – puisque j’étais blessé la moitié de la saison. Mais j’ai apporté la meilleure réponse qui soit la saison encore après, puisqu’à 36 ans, au RFCU, je deviens le plus vieux meilleur buteur du championnat (NDLR : avec 25 buts en 2015/2016). Ça, ça a été une belle revanche.

Le joueur le plus fou avec lequel vous ayez joué?

Donovan Maury et moi, on était dans le même délire de gars en fin de carrière et qui jouent pour le plaisir. On était ouverts, naturels et pas les derniers à faire des conneries. Il ne se prenait pas au sérieux, rien n’était calculé et j’ai aimé jouer avec lui. Pascal Carzaniga était fou lui aussi. On avait une belle équipe de débiles.

Et le meilleur?

Thierry Steimetz! Il m’en a fait marquer, des buts, lui! J’ai eu un vrai coup de cœur. C’était un sanguin, quelqu’un de naturel, une vraie personne. Et qui fait du bon boulot comme coach à Hombourg-Haut.

Je n’ai jamais compris que Becca nous annonce qu’il limoge « Caza » deux minutes avant le coup d’envoi de la finale de de Coupe

L’adversaire avec lequel tu ne serais pas parti en vacances?

L’autre de la Jeunesse, là… Adrien Portier… Avec lui, sur le terrain, c’était la guéguerre. On ne s’appréciait pas. Après… on n’arrête pas de me dire « mais tu es calme et cool, hors du terrain! ». Comme si les gens voyaient une grande différence avec celui que je suis quand je joue. Donc, je me dis que c’était peut-être pareil pour lui. Je ne le connaissais pas. Mais moi, sur un terrain, j’ai ma tête de con. Je rentrais dedans. On est un peu con, quand on est compétiteur. Je me souviens qu’un coach de la réserve de Nancy disait à tous ses nouveaux joueurs : « C’est super, on joue contre Épinal, vous allez avoir en face un grand con qui va vous rentrer dans la gueule, ça va vous faire du bien! ». Je l’ai croisé, un jour. Il m’a dit : « J’adore jouer contre toi. C’est formateur pour mes jeunes ».

Quel est le plus grand regret de votre carrière?

Il y a eu le dépôt de bilan avec Rouen alors que cette année-là, on doit monter en Ligue 2. Mais la DNCG nous retire deux points et tout s’écroule. Mais sinon, je dirais que l’autre regret, ce sont les gens qui n’arrêtent pas d’en parler et de le maintenir en vie : c’est quand, à 23 ans, Metz me propose un contrat pro – et Reims la saison d’après – alors que je viens d’avoir mon concours pour devenir pompier professionnel et que je choisis de devenir pompier. On ne sait pas comment ça aurait tourné : j’aurais pu ne pas réussir et finir en 4e division, aussi…

Votre pire engueulade de vestiaire?

Didier Ollé-Nicolle (NDLR : père de Romain, ancien joueur du F91), à Rouen, au débrief du lundi, n’y allait jamais par quatre chemins pour te dire devant tout le monde ce qu’il avait pensé de ta prestation. Aujourd’hui, on dit qu’il faut être bienveillant? À cette époque, ça n’existait pas et lui te mettait plus bas que terre.

Justement : une consigne de coach que vous n’avez jamais comprise?

Je vais retourner la question en « un moment que je n’ai jamais compris ». Je n’ai jamais compris que Flavio Becca, à deux minutes du coup d’envoi de la Coupe, dans le vestiaire, au sortir de l’échauffement et alors qu’on est champions contre le Fola une semaine plus tôt, nous annonce qu’il limoge Carzaniga. Le coach, lui, l’avait appris pendant l’échauffement. Après, il a fait un speech nous demandant de gagner pour lui. Mais bon…

Quelle est l’équipe la plus forte que vous ayez affrontée?

Avec la Coupe, en France, j’ai eu la chance d’affronter les deux meilleurs clubs du pays, si on peut le dire comme ça. Le PSG du début de l’époque qatarienne avec Rothen, mais aussi l’OM de Valbuena et des frères Ayew. Et je m’étais bien pris la tête avec (NDLR : l’Anglais) Joey Barton pour un tirage de maillot.

Votre plus grosse fête?

Celle du titre conquis contre le Fola. On est arrivés à quarante chez un restaurateur gastro situé dans les bois, à Dudelange, bourrés, qui n’a pas eu d’autre choix que de nous accepter. Vous savez comment c’est avec Flavio Becca, il ne pouvait pas dire non…

Ses faits d’armes

Après neuf années passées à Épinal, allant jusqu’au National 1 en 2012, le natif de Saint-Dizier a rejoint Rouen, avec qui il aurait dû monter en Ligue 2 sans une décision administrative. Rapatrié dans la région, au F91, il va inscrire 21 buts en 22 matches sa première saison et conquérir le titre. Son départ pour le RFCU après une deuxième saison quasi blanche, sera couronné de succès : jusqu’à 38 ans, il disputera 64 matches de championnat et inscrira 50 buts, pour un succès en Coupe. Son bilan en DN : 93 matches, 74 buts.

Aujourd’hui

Toujours pompier professionnel, à Longwy, Julien Jahier n’entraîne plus, lui qui épaulait Grégory Proment en réserve du FC Metz. Désormais, à 44 ans, il joue encore comme vétéran à l’APM Metz et avec les pompiers de Meurthe-et-Moselle.