Désormais entraîneur au Basket Esch, Franck Mériguet a eu une – trop – courte carrière de joueur très riche.
Avant de devenir une figure bien connue du basket luxembourgeois, Franck Mériguet a été basketteur de très haut niveau en France. L’actuel coach du Basket Esch, qui affronte demain le surprenant promu Gréngewald, revient sur des moments marquants de son parcours.
Quel est le joueur le plus fort avec lequel vous avez joué?
Franck Mériguet : J’ai joué avec beaucoup de très bons joueurs. Mais le plus fort, je dirais que c’est Antoine Rigaudeau. Je l’ai côtoyé en équipe de France. J’ai partagé les mêmes entraînements et c’est là que tu vois la différence entre un bon joueur et un très bon joueur. Antoine, c’était un des premiers meneurs de grande taille (NDLR : il mesure 2 m). Il fait partie de ces mecs qui ont quelque chose en plus. Son surnom c’était le maestro, ce n’est pas pour rien. Il était capable de tout faire, de mettre de très bons shoots. Un joueur complet qui avait une énorme rigueur dans le travail et aux entraînements. Quelqu’un de très exigeant avec lui et les autres. En plus, c’était quelqu’un de très accessible, toujours positif. C’était très intéressant de recevoir des conseils de sa part.
Et le plus fort contre qui vous ayez joué?
J’aurais pu dire Tony Parker, que j’ai affronté juste avant qu’il parte en NBA. On voyait qu’il avait déjà de la maturité, une énorme vitesse, une finition hors pair et du charisme alors que c’était encore un gamin. Mais j’ai quand même joué à 17 ans contre les Lakers de Magic Johnson! J’étais à Limoges dans ma première saison pro. C’était à Bercy pour le McDonald’s Open devant 15 000 personnes. Je me souviens que quand je suis entré en jeu, directement je me suis retrouvé face à lui.
En tant que jeune basketteur, c’est forcément un souvenir qui reste gravé à tout jamais. Il avait dû terminer à quelque chose comme 20 pts et 15 passes. Je me rappelle une action en particulier : Magic, c’était un faux lent. Je défends sur lui, je le vois faire son premier dribble, on a l’impression qu’il ne va pas vite. Mais le temps que tu réfléchisses à ce que tu fais, OK il est déjà parti. J’ai tendu la main pour tenter de l’arrêter, mais il était déjà loin. C’était très impressionnant. Et un immense souvenir.
Né dans le Sud le 21 mars 1974 à Pézenas, Franck Mériguet est très vite repéré. Excellent tireur, il intègre l’équipe de France dès la catégorie cadets. Il sera champion d’Europe juniors en 1992 et vice-champion du monde espoirs l’année suivante. Il sera appelé à 13 reprises en équipe de France. En club, il remportera le titre de champion de France avec le PSG en 1997 avant d’être appelé pour la première fois en équipe de France seniors. Au total, il compte 13 sélections avec la sélection française.
Le joueur le plus méchant que vous ayez affronté?
Si j’y pense, il n’y a vraiment qu’un seul joueur qui était dans la méchanceté. C’est Micheal Ray Richardson, un super joueur qui avait été viré de la NBA pour des problèmes de drogue. Il était connu pour être toujours à la limite de la légalité. Il n’hésitait pas à mettre un coup ou deux alors que tu n’avais pas le ballon.
L’équipe la plus forte dans laquelle vous ayez évolué?
Je pense que l’équipe de France, c’est pas mal. Avec un concours de circonstances, je me suis retrouvé à faire toute la préparation pour les JO de Sydney en 2000. Je faisais donc partie des 14 retenus par Jean-Pierre de Vincenzi, le sélectionneur de l’époque. Je savais que je n’avais pratiquement aucune chance de faire le voyage en Australie, mais j’ai participé à tous les entraînements. Et un jour, juste avant le départ, je suis convoqué dans la chambre d’hôtel du coach qui m’explique qu’on est deux à ne pas y aller et que j’en fais partie. Ce n’est même pas une déception, il y avait quand même des gars comme Sciarra, Rigaudeau, Julian, Bonato, Risacher… J’ai tout suivi à la télé, comme un simple téléspectateur en leur souhaitant d’aller le plus loin possible. Mais après les matches, j’avais quand même deux ou trois mecs au téléphone. Ils ont créé la surprise en allant chercher l’argent.
Des regrets de ne pas être allé aux USA. Pas spécialement pour le basket mais pour ce que ça m’aurait apporté en terme d’enrichissement personnel et d’ouverture aux autres.
Votre plus gros regret?
J’avais 17 ans, j’étais à Limoges et Wake Forest, une grosse université (NDLR : celle d’où sortira un certain Tim Duncan), est venu me chercher. Ils se sont déplacés à Limoges pour me présenter le projet, ils m’expliquent qu’ils veulent me prendre à l’essai. À l’époque, ce n’était pas comme maintenant, on n’avait pas des tas de joueurs qui partaient pour les États-Unis. Je décide de ne pas y aller. De suivre un cursus « normal« . Et j’ai de gros regrets. Pas niveau basket, parce qu’on ne sait pas ce que ça aurait donné. Mais au niveau de l’enrichissement de la vie, de l’ouverture personnelle aux autres. Passer 4 ans aux États-Unis, ça aurait pu être sympa. Ils m’avaient offert un maillot et un short, que j’ai d’ailleurs toujours. Il y avait même une coupure dans la presse locale qui en parlait.
Votre pire blessure?
Lors d’une préparation pour les championnats d’Europe espoirs. Jean-Pierre de Vincenzi m’annonce qu’il me retient pour faire la préparation avec l’équipe de France A. Pour un jeune joueur, c’est forcément un moment marquant. L’idée, c’est de se préparer pour aller faire une tourner aux États-Unis. Pendant plusieurs semaines, je fais donc le stage et on m’annonce que je fais partie des 12. Le lendemain, lors du dernier entraînement avant de prendre l’avion, je me blesse en me faisant une sorte de claquage aux adducteurs. Du coup, pas de voyage pour moi. Je dois rester en France. Ce n’est pas forcément ma blessure la plus grave, mais c’est celle qui a eu les conséquences les plus lourdes.
Un mercredi, la Pitié Salpétrière m’appelle et me dit de m’y rendre tout de suite. On m’annonce que ma carrière est terminée
L’entraîneur qui vous a le plus marqué?
Là encore je peux citer deux noms. Un pour le côté négatif et l’autre pour le positif. Le premier, c’est Bozidar Maljkovic. Après le McDonald’s Open, les coachs sont virés et Limoges l’engage. Je me dis que je vais saisir ma chance, mais il ne me calcule pas et je quitte le club à la fin de la saison. En 1997, on est champions avec Paris, qui décide de le faire venir. On fait toute la préparation et le matin du premier match, je ne suis même pas dans les 12 alors que je suis en équipe de France. Je me dis qu’il doit avoir quelque chose contre moi. Je ne remets pas en cause le coach, qui a un palmarès exceptionnel, mais on n’a pas vraiment les mêmes valeurs.
En revanche, un coach qui m’a marqué positivement c’est Vincent Collet (NDLR : actuel sélectionneur de l’équipe de France et des Metropolitans 92 d’un certain Victor Wembanyama) quand j’étais au Mans. Il m’a vraiment impressionné par ses connaissances, son travail dans le détail absolu. Son sens tactique impressionnant. Quelqu’un de précis dans tout ce qu’il fait. Un passionné qui vit, dort et mange basket.
Après avoir été contraint de mettre brutalement un terme à sa carrière de basketteur, Franck Mériguet a rebondi et vit désormais sa passion sur le banc. Présent au Luxembourg depuis 2009, déjà à Esch, avec qui il est monté en Nationale 1, le technicien a occupé le poste de sélectionneur du Luxembourg entre 2013 et 2015. Revenu sur le banc eschois à la suite du départ de Sylvain Lautié, reparti à Nancy, Franck Mériguet a décroché l’an passé la Coupe de Luxembourg.
Le jour où vous avez décidé d’arrêter votre carrière?
Je m’en souviens d’autant mieux que je n’ai pas décidé. On a décidé pour moi. J’avais 30 ans et j’avais encore des offres en Pro A mais pour me rapprocher de mes filles, j’ai décidé de signer à Nanterre. Un projet ambitieux, un contrat sur plusieurs saisons. Bref, je signe. Je fais les tests physiques. Et je me souviens, un mercredi, je reçois un coup de fil de la Pitié Salpêtrière qui me dit de venir tout de suite. J’explique que je vais à l’entraînement et on me répond qu’il faut que je vienne tout de suite et qu’on ne peut pas me dire ce qui se passe au tél.
Quand j’arrive à l’hôpital, on m’annonce qu’on m’a détecté des problèmes cardiaques lors des tests à l’effort. Du coup, je dois passer une batterie d’examens. Et on m’annonce que ma carrière est terminée. Si je dépassais les 120 pulsations à la minute, j’entrais dans une zone de danger. Alors du jour au lendemain, je dois arrêter complètement toute activité physique. Tu prends une enclume sur la tête. J’ai passé sept ans sans faire de sport. Ensuite, j’ai repris tout doucement mais tout en étant suivi. Ce qui est sûr, c’est que je ne pourrai plus jamais faire un match de basket. Lors du jubilé de Cyril Julian, à Nancy, j’étais invité mais je suis resté sur le banc tout le match. En fait, cela fait 18 ans que je n’ai plus joué au basket.
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