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[C’était mieux avant] «En découvrant le Tour d’Italie, j’ai compris ce que voulait dire être pro»


L’ancien cycliste de 62 ans, Acacio Da Silva, qui possède la double nationalité luxembourgeoise et portugaise, a notamment remporté cinq étapes du Giro durant sa belle et longue carrière. Photo : Luis Mangorrinha

L’ancien cycliste de 62 ans, Acacio Da Silva, qui possède la double nationalité luxembourgeoise et portugaise, a notamment remporté cinq étapes du Giro durant sa belle et longue carrière. Il a aussi porté deux jours le maillot rose en 1989.

Votre plus belle victoire?

Acacio Da Silva : Mes cinq victoires dans le Giro et même mes trois victoires dans le Tour de France. Je les trouve toutes belles, même si la première est toujours la plus belle (il rit). Mais si je dois en retenir une, je retiendrais mon succès dans le Giro (NDLR : le 25 mai 1985, il avait remporté la 8e étape, entre Foggia et Matera, devant le Belge Frank Hoste et l’Italien Pierino Gavazzi). Je l’avais attendu, ce succès. Mon premier Giro, c’était en 1982, l’année où Bernard Hinault gagne. En découvrant le Tour d’Italie, j’ai compris ce que voulait dire être pro. Je trouvais que ça roulait vite. Ce premier succès à Matera m’a donné le goût pour mes autres victoires. Je dois ajouter mon succès dans le Tour (le 4 juillet 1987 à Stuttgart, où il s’est imposé devant le Suisse Erich Mächler). Une étape dans le Tour, ça marque toujours. L’année d’après, je bats (Steven) Rooks à Évreux et (Sean) Kelly finit troisième.

Le coureur le plus fort contre qui vous avez couru?

Je trouvais tous les champions très forts, mais j’ai été impressionné par Bernard Hinault. C’était un patron dans le peloton.  Quand il avait quelque chose à dire, il ne se gênait pas. Tous les coureurs le respectaient. Bon, des coureurs comme (Francesco) Moser ou (Giuseppe) Saronni étaient également respectés. Aujourd’hui, on ne voit plus ça, c’est du chacun pour soi, on se cache. C’est un autre cyclisme. Par rapport à avant, il manque quelque chose. À notre époque, on ne recevait pas ses consignes par oreillette et on courait plus par instinct, alors qu’aujourd’hui, les directeurs sportifs, qui restent dans leurs voitures, dirigent presque tout.

Le coureur contre qui vous n’aimiez pas courir?

Franchement, je n’ai pas souvenir. Je pense que j’étais bien vu par tout le peloton et il n’y avait pas de coureurs que je n’aimais pas.

Votre meilleur vélo?

Chez les professionnels, à notre époque, il n’y avait pas un grand choix. Alors, tant qu’ils marchaient bien et que les réglages étaient bons, alors ça nous allait. J’étais de l’époque des cadres en acier. Des tubes Columbus. Chez Kas, dans l’équipe de Jean de Gribaldy, on a commencé à avoir des vélos Vitus avec les trois tubes principaux du cadre en carbone, la fourche et les haubans en aluminium. C’était plus léger, mais les tubes avaient tendance à se décoller. Cela n’a cessé de s’améliorer ensuite. J’avais eu également un très bon vélo chez Carrera.

(À propos d’un Espagnol sur une étape du Tour) La cinquième fois, je savais qu’il était derrière moi et je lui ai mis un coup de patin de frein. Il avait failli se casser la gueule!

Votre plus grosse dispute sur un vélo?

Avec un Espagnol de l’équipe CLAS sur le Tour de France, à Pau. J’ai attaqué une fois, deux fois, trois fois et quatre fois. Et à chaque fois, il revenait me chercher. Toujours le même. La cinquième fois, je savais qu’il était derrière moi et je lui ai mis un coup de patin de frein. Il avait failli se casser la gueule! Après l’arrivée, il était fâché comme tout et on a eu une forte explication. Sans en venir aux mains, non plus. Je n’en ai plus jamais entendu parler.

Le coureur perdu de vue que vous aimeriez revoir?

Je suis toujours en contact avec Sean Kelly. Je suis toujours content de revoir des coureurs de mon époque, mais le Mexicain Raul Alcala, j’aimerais bien le revoir. Bon, je l’ai revu une fois, lors des championnats du monde à Louvain (2021). Cela m’a fait un grand plaisir.

Votre plus grosse fête?

Ce n’était pas en course, mais lorsque j’étais retraité, dans le Beaujolais. Une fête de trois jours avec tous les anciens champions… Vendredi, samedi, dimanche! Presque non-stop…

Un transfert qui aurait pu se faire?

J’ai été en contact avancé avec l’équipe Banesto, où Miguel Indurain était leader. Les dirigeants de l’époque recherchaient un coureur portugais, mais un coureur plus jeune que moi, alors que j’avais déjà 28-29 ans. Ils ont pris Orlando Rodrigues. C’est vrai que j’aurais aimé courir dans cette équipe.

Jean de Gribaldy faisait tout pour mettre ses coureurs dans les meilleures dispositions et nous payait même un avion privé pour rejoindre les courses

Votre jour le plus difficile sur un vélo?

Je me souviens d’une étape dans les Dolomites sur le Giro où il y avait de la neige sur les bas-côtés. Il faisait froid et c’était humide. On montait le Pordoi et l’arrivée était à Val Gardena. Cela n’a été qu’une galère de 200 kilomètres. Quand j’y repense…

Votre meilleur directeur sportif?

Dino Zandegù (son directeur sportif chez Malvor-Sidi). C’était le meilleur, on se parle encore parfois. Lui, il arrivait toujours à te donner le moral. Bon, je garde de très bons souvenirs également de Jean de Gribaldy (son manager chez Kas). Avec Sean Kelly, on avait une grande équipe. Il faisait tout pour mettre ses coureurs dans les meilleures dispositions et nous payait même un avion privé pour rejoindre les courses.

La consigne d’un directeur sportif que vous n’avez pas comprise?

Dans une étape pyrénéenne du Tour de France, je me souviens que Christian Rumeau, qui était notre directeur sportif chez Kas, nous a demandé de rouler alors qu’un leader, peut-être Laurent Fignon ou Greg Lemond, je ne m’en souviens plus très bien, venait de crever. C’était allé si vite. Je sais que je n’avais pas saisi pourquoi j’étais en train de rouler. Chez Carrera, j’avais eu aussi un problème sur l’une ou l’autre étape alors que j’étais devant et Claudio Chiappucci (NDLR : qui portait les mêmes couleurs) derrière. On m’avait demandé de ne plus rouler…