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C’est quoi exactement, un lieutenant-représentant ?


(Photo : sip)

C’était une journée historique ce mardi 8 octobre pour la monarchie luxembourgeoise. Le Grand-Duc héritier Guillaume a prêté serment au Palais grand-ducal et à la Chambre des députés pour devenir officiellement lieutenant-représentant de son père, le Grand-Duc Henri. Mais en quoi consiste réellement cette fonction ?

«Je jure d’observer la Constitution et les lois et de remplir fidèlement mes attributions constitutionnelles.» Main droite levée, le Grand-Duc héritier Guillaume s’est adressé aux députés présents à la Chambre ce mardi après-midi, pour prêter serment et assurer ses nouvelles fonctions en tant que lieutenant-représentant.

Cette nomination s’inscrit dans une tradition institutionnelle, qui vise à préparer le futur Grand-Duc à son rôle de chef d’État. Cette fonction, spécifique au Grand-Duché, n’existe d’ailleurs pas dans les autres pays et monarchies de l’Union européenne. L’idée qui la sous-tend est que le chef d’État peut déléguer certaines de ses responsabilités. Il s’agit donc d’une forme de procuration du Grand-Duc.

Elle permettra surtout à Guillaume de signer des lois et des arrêtés, entre autres responsabilités. Il sera autorisé à exercer l’ensemble des attributions que la Constitution réserve au Grand-Duc. Il n’y aura donc aucun document public ou confidentiel qui limitera ou énumérera ces attributions ou les tâches comprises dans cette délégation.

Un «apprentissage»

L’article 58 de la Constitution du Luxembourg confère au Grand-Duc Henri le droit de désigner l’un de ses héritiers directs comme lieutenant-représentant, délimitant lui-même les prérogatives de ce nouveau mandat. Il conservera ainsi le pouvoir, pour une période encore indéterminée, mais délèguera certaines de ses tâches à Guillaume. Après avoir prêté serment devant la Chambre des députés, le nouveau représentant peut donc agir, dans les limites prévues par ses fonctions, de la même manière que le chef de l’État.

«J’ai déjà un long parcours derrière moi, mais cette période de lieutenance me donnera la possibilité de m’impliquer davantage dans des dossiers auxquels je n’avais pas encore eu accès, comme l’accueil des ambassadeurs au Palais», a expliqué le Grand-Duc héritier dans le podcast enregistré par RTL et la radio 100,7 il y a quelques jours. «C’est tout un autre volet de responsabilités, se familiariser avec la politique internationale et la diplomatie, les arrêtés à signer, l’ensemble du volet législatif, que je ne connais pas non plus parfaitement. Bien sûr, nous avons eu l’occasion, la chance, de beaucoup échanger là-dessus. Cela fait partie de l’apprentissage», a-t-il poursuivi.

Si la lieutenance doit obligatoirement être limitée dans le temps, il n’existe pas de durée spécifique. Les deux dernières ont duré deux à trois ans, mais certaines se sont étalées sur près d’une trentaine d’années. «Pendant cette période de la lieutenance, je conserve les domaines dans lesquels j’ai été actif jusqu’à maintenant. Je continuerai les missions économiques, mes activités dans le domaine social ainsi qu’avec les jeunes, au sein des scouts», a précisé le prince, qui devra également quitter son poste au Conseil d’État, «incompatible» en raison de la séparation des pouvoirs.

Il y a eu cinq lieutenances au cours de l’histoire du Grand-Duché :

▪️ La première lieutenance a été celle du Prince Henri des Pays-Bas, nommé par son frère, le Roi Grand-Duc Guillaume III, le 5 février 1850 (prestation de serment le 24 octobre 1850). Elle dure près de 30 ans, jusqu’à la mort du Prince Henri le 13 janvier 1879.

▪️ La seconde lieutenance a été celle du Prince Guillaume de Nassau, plus tard Grand-Duc Guillaume IV, auquel son père, le Grand-Duc Adolphe, âgé alors de 85 ans, confie le 4 avril 1902 les pouvoirs du lieutenant-représentant (prestation de serment le 14 avril 1902). Elle prend fin par son accession au trône, à la mort du Grand-Duc Adolphe, le 17 novembre 1905.

▪️ La troisième lieutenance a eu lieu à partir du 19 mars 1908 (prestation de serment le 2 avril 1908), lorsque le Grand-Duc Guillaume IV, en raison de son état de santé, nomme lieutenant-représentant son épouse la Grande-Duchesse Marie-Anne. Cette lieutenance prend fin le 13 novembre 1908, par l’institution de la régence.

▪️ La quatrième lieutenance a été celle du Grand-Duc héritier Jean, nommé lieutenant-représentant de la Grande-Duchesse Charlotte le 28 avril 1961 (prestation de serment le 4 mai 1961). Elle prend fin le 12 novembre 1964 par l’abdication de la Grande-Duchesse Charlotte en sa faveur.

▪️ La cinquième lieutenance a été celle du Prince Henri, Grand-Duc héritier, depuis le 3 mars 1998 (prestation de serment le 4 mars 1998). Celle-ci a pris fin le 7 octobre 2000, avec l’abdication du Grand-Duc Jean en sa faveur.