Le pays étouffe sous les vagues de chaleur ces derniers jours et le secteur de la construction s’adapte tant bien que mal aux températures élevées. Reportage.
Il est midi, le soleil est à son zénith et le front suant, les ouvriers affluent autour des préfabriqués du nouveau bâtiment des archives nationales à Esch-Belval pour la pause déjeuner. «C’est intenable», soupire Sébastien, qui durant des heures à manier depuis le sol la grue qui surplombe le site.
Même s’il est arrivé une heure plus tôt, à 6 h 30, l’homme a affronté le soleil, casque vissé sur le crane, une bonne partie de la matinée avant que l’ombre ne le soulage. «Avec dix degrés en moins, ça serait plus supportable, mais on n’a pas de chance et surtout pas le choix», lance-t-il.
Depuis le début de la semaine, les alertes émises par MeteoLux passent du jaune au rouge au fil de l’escalade du mercure. Les températures ont allègrement dépassé les 35°C ce mercredi pour flirter avec les 38°C.
Une chaleur supportable sous les climatiseurs des bureaux, mais qui se transforme en fournaise suffocante pour celles et ceux qui travaillent sur ces chantiers mêlant surface bétonnée et structures métalliques.
Quitter les échafaudages
Le secteur de la construction a appris à composer avec la valse des canicules et la hausse des températures fait partie des paramètres primordiaux du volet organisation. «Il faut s’adapter. Les ouvriers commencent une heure plus tôt, dès 6 h 30 pour pouvoir travailler au frais.
Pour ceux qui sont à l’intérieur du bâtiment, la chaleur est supportable, mais pour ceux qui se trouvent sur les façades, c’est invivable à partir de 10 h», décrit Lucien, chef de chantier pour Solelec, sur le site du nouveau bâtiment des archives nationales à Esch-Belval.
L’homme voit les conséquences de ce brasier à ciel ouvert sur les organismes : «Ils travaillent au ralenti et ils sont moins efficaces». Des symptômes de surface qui peuvent augurer des coups de chaleur, de la déshydratation, des troubles cardiovasculaires et des accidents dus à la baisse de la vigilance, comme le rappelle l’OGBL dans un communiqué.
On cherche l’ombre et on tâche de tourner avec le soleil
Pour palier à cela, Lucien demande à ses hommes les plus exposés au soleil de revenir au sol, à l’intérieur, pour ne pas se mettre en danger. Dès dix heures, ceux qui sont sur les échafaudages redescendent et retrouvent certains de leurs collègues à l’abri de la chaleur.
«Ils sont sur les façades situées côté Est donc les ouvriers sont exposés dès le matin. Je suis monté les voir à 8 h, j’étais déjà en nage», souffle Lucien. Sur la soixantaine d’ouvriers présents sur le chantier, tous sont invités à boire abondamment et à travailler à l’ombre au maximum.
Un peu plus loin, nous rencontrons Nelson. Le front perlant, il a passé la matinée à plusieurs mètres du sol dans la structure métallique des échafaudages. Contrairement aux ouvriers sous les ordres de Lucien, lui n’a pas le choix. Alors il s’adapte : «On est très exposé, du coup on cherche l’ombre et on tâche de tourner avec le soleil».
Les mieux lotis sont ceux qui comme Elif s’activent à l’intérieur. Électricien, il a la chance d’intervenir à l’intérieur du bâtiment, où la température est moins élevée, voire carrément fraîche : «Je travaille au rez-de-chaussée ou au premier niveau, là, je ne suis pas embêté par les températures», indique-t-il. D’ailleurs, il avoue préférer la chaleur à la pluie et au froid de l’hiver.
Plus de protection pour les travailleurs
Dans un communiqué publié ce mardi, l’OGBL a rappelé les employeurs des travailleurs du secteur de la construction et de l’artisanat à leurs bons devoirs. «En période de fortes chaleurs, il doit mettre en place des mesures préventives adaptées, conformément aux recommandations de l’Inspection du travail et des mines (ITM), et en concertation avec la délégation du personnel, notamment avec le délégué à la santé et à la sécurité», souligne le syndicat.
Pour protéger les travailleurs, l’OGBL appelle les entreprises, les maîtres d’ouvrage et les pouvoirs publics à une collaboration active pour adapter les conditions de travail aux périodes de chaleur extrême.
«Il est essentiel de réviser les dispositions légales en la matière afin de permettre aux représentants du personnel et aux salariés concernés de demander la mise en œuvre du chômage intempéries, dans le but de protéger la santé des travailleurs».
Pour encadrer cela, le syndicat propose la mise en place de seuils maximaux de températures et d’autres critères météorologiques et revendique l’application obligatoire des dispositions de l’AAA et de l’ITM en cas d’intempéries. Le syndicat encourage aussi les travailleurs à signaler toute absence de mesures de protection.