Ceux qui ont une carrière mixte avec quelques années seulement passées en France renoncent parfois à réclamer leur dû à l’assurance retraite. Pour de multiples raisons.
Bernard a préféré renoncer à sa retraite en France. «Pour 250 euros par mois, ça ne vaut pas le coup et ça me ferait payer plus d’impôts en France.»
La convention fiscale entre la France et le Luxembourg qui devrait entrer en vigueur l’année prochaine a été longuement combattue par l’OGBL qui demande comme garantie que les impôts déjà payés au Luxembourg soient bien déduits de la totalisation des revenus pour l’application du barème d’imposition français, pour une vraie équité fiscale. Peine perdue.
Pas que des raisons fiscales
Dès l’année prochaine, le retraité qui perçoit une retraite des deux côtés de la frontière sera soumis fiscalement par chacun des deux pays au taux mondial. Il est dès lors compréhensible qu’un frontalier qui s’attend à recevoir 150 ou 200 euros de la France laisse tomber ce gain.
«Il n’y a pas que des raisons fiscales qui poussent certains frontaliers à renoncer à leur retraite en France», explique Christian Simon-Lacroix de l’OGBL, «et tout le monde n’a pas la chance de pouvoir y renoncer», ajoute-t-il.
En effet, si la carrière est largement majoritaire au Luxembourg et que les années travaillées en France sont de 4 ou 5 ans, beaucoup renoncent car ils perdraient sinon leur sécurité sociale luxembourgeoise, les allocations familiales et les bourses pour étudiants, selon la réglementation européenne sur la coordination des politiques sociales. Évidemment, pour celui qui a fait toute sa carrière au Luxembourg, rien ne va changer. Pour les carrières mixtes, le problème est tout autre.
Prolonger sa carrière… en France
La perte du statut de frontalier leur pose un problème. «J’ai eu le cas d’une personne qui devait prendre quotidiennement un médicament spécifique relativement cher que la sécurité sociale française ne remboursait pas et cela lui coûtait très cher. Finalement, ce monsieur a préféré renoncer à sa retraite française pour conserver son statut de frontalier en ne percevant que sa retraite luxembourgeoise», explique Christian Simon-Lacroix.
Ce cas est possible quand la carrière s’est majoritairement déroulée au Luxembourg. Pour les autres, tout se complique. Ils ne peuvent pas renoncer à 15 ou 20 ans de carrière en France et ces frontaliers perdent alors leur statut. S’ajoute à cela la réforme des retraites en France, passée au forceps, qui oblige les frontaliers à travailler quelques années de plus.
«Ils peuvent demander leur retraite à 60 ans si les conditions sont remplies pour les Luxembourgeois, mais beaucoup ne peuvent pas se passer du complément de retraite en France, donc ils sont obligés de prolonger leur carrière», explique le responsable de l’OGBL.
Achat rétroactif
Il existe encore la possibilité de racheter des trimestres, mais cela coûte très cher. «Je connais deux cas de frontaliers qui ont racheté un ou deux ans car cela leur permettait d’arriver à 40 ans de carrière au Luxembourg, mais il faut avoir les moyens.»
Ce mécanisme existe aussi en France pour ceux qui veulent racheter leurs années d’études. Contrairement au Luxembourg, ces années ne sont pas assimilées par le régime français pour le calcul de l’âge de départ à la retraite.
La Caisse nationale d’assurance pension (CNAP) nous a indiqué que l’achat rétroactif de périodes d’assurance est un phénomène «plutôt courant». En 2020, il y a eu 514 cas, contre 847 en 2021 et 771 en 2022. La CNAP précise qu’il ne s’agit pas nécessairement d’un achat de trimestres, mais de mois.
Les frontaliers sont également habilités à demander un achat rétroactif, si toutes les conditions sont remplies (raisons familiales établies, stage de 12 mois d’assurance obligatoire, pas le droit à une pension personnelle) et si le demandeur n’a pas dépassé l’âge de 65 ans.
Chaque fois que le Luxembourg signe un accord financier avec la France, il se fait avoir comme un bleu.
Un conseil: embauchez un reraité du fisc français; il vous expliquera toutes les entourloupes.