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Centres d’insertion socioprofessionnelle : une alternative pour s’accrocher


Les CISP participent à lutter contre le décrochage scolaire. L’encadrement de l’élève est fait sur mesure par des équipes pluridisciplinaires.   (Photo : fabrizio pizzolante)

Les centres d’insertion socioprofessionnelle sont là pour éviter que l’élève ne quitte le système scolaire sans formation. Visite au centre Formida à Esch-sur-Alzette, avec le ministre Claude Meisch.

Lara fait partie de ces jeunes qui, sans soutien sociopédagogique, risquent le décrochage scolaire et de se retrouver sans diplôme. Assise devant l’établi, elle se concentre sur l’interrupteur qu’elle va bientôt monter sur le câble électrique. Premiers éléments d’une future lampe. C’est aussi le premier jour de Lara qui esquisse un sourire timide avant de choisir un autre tournevis dans sa boîte à outils de compétition.

Dans le grand hall de montage, Justin installe l’électricité dans une petite cabane en forme de gloriette, que la directrice du centre appelle «tiny office, parce que c’est vraiment trop petit pour une tiny house». Entièrement conçue à base de matériaux de récupération, cette réalisation sert d’atelier pour Justin, un jeune homme de 18 ans qui a abandonné sa formation en mécatronique dans son internat en Belgique. La matière ne lui plaisait pas, une erreur d’orientation. Il s’est adressé au centre Formida pour obtenir une formation qualifiante d’électricien et suit parallèlement des cours au lycée Guillaume-Kroll deux matinées par semaine. Pour lui, le CISP, c’était la bouée de sauvetage parce qu’il ne sait vraiment pas ce qu’il aurait fait sinon.

Ce n’est pas l’école de la deuxième chance, qui est un autre dispositif, mais c’est une chance quand même pour ces lycéens, une centaine en tout, répartis dans les quatre structures existantes, de bénéficier d’un environnement qui leur fera éviter le décrochage scolaire. Les centres d’insertion socioprofessionnelle (CISP) font partie des programmes de soutien aux élèves en difficulté que le système rattrape avant qu’ils ne viennent grossir les rangs des NEET, ces jeunes de 15 à 34 ans sans emploi, ni scolarisés, ni en formation. Au Luxembourg, 25 % d’entre eux sont des immigrés de deuxième génération.

Chaque année, selon les études du ministère de l’Éducation nationale, environ 500 à 650 jeunes de moins de 18 ans décrochent du système scolaire. La plupart de ces élèves sont âgés entre 16 et 19 ans, avec un pic à 17-18 ans. «Souvent, ils passent sous tous nos radars une fois qu’ils ont quitté le lycée», souligne le ministre Claude Meisch. Au cours de l’année 2019/2020, 55 % des jeunes décrocheurs étaient de nationalité étrangère. Environ 12 % parviennent à exercer un emploi sans aucun diplôme, mais seuls 3 % en CDI. Les autres, 88 % de décrocheurs, sont déscolarisés et ont un avenir incertain, sinon devenir des NEET, à leur tour.

La particularité de ces centres de formation repose sur le statut du jeune qui reste un élève inscrit dans le lycée partenaire d’où il provient. Les CISP se mettent en place en collaboration directe avec les lycées et les gestionnaires du secteur de l’aide à l’enfance et à la famille. Un travail en commun particulièrement apprécié par tous les acteurs qui se concentrent sur les cas les plus difficiles.

Les élèves concernés ont connu le manque de motivation, le manque ou le mauvais choix de formation, la mauvaise orientation, ou encore des problèmes de santé. Il s’agit souvent de jeunes ayant une situation familiale difficile ou des problèmes de discipline, autant de signes précurseurs d’un décrochage scolaire. Ils trouvent dans ces centres «un encadrement individualisé et un lieu où l’apprentissage des compétences socio-émotionnelles va de pair avec l’enseignement formel», comme le décrit le ministère.

Découverte et créativité

Hier, Claude Meisch avait convié à une visite du centre Formida à Esch-sur-Alzette, dans les anciens bâtiments réhabilités de la menuiserie Lavandier qui offrent de beaux espaces propices à la créativité. C’est d’ailleurs aussi un lieu «de découverte, d’apprentissage et de participation, un pilier important dans l’éducation des domaines de la créativité, de l’artisanat et de la durabilité», comme décrit sur son site.

Ici, les portes sont ouvertes pour un large public. Les enfants ont le loisir de découvrir toutes sortes de matériaux à travers l’art, l’esthétique et l’expérimentation. La jeune Lara qui vient de débarquer dans le centre via le lycée Guillaume-Kroll de Belval, présentera d’ici peu une lampe originale, pièce unique dont les modèles les plus récents sont exposés dans les allées du bâtiment, où se trouvent les différents ateliers. Tout provient de la récupération et entre les mains de ces jeunes, ces matériaux reprennent vie dans une démarche artistique à laquelle les élèves semblent adhérer.

Ici, ils développent un projet de vie, encadrés par des personnels de l’enseignement formel et non formel. Dans les ateliers, un éducateur encadre des très petits groupes (ils ne sont pas plus de 35 élèves dans le centre) en soutien à l’artisan professionnel qui enseigne la matière. C’est un lieu de scolarisation alternatif, une chance de s’accrocher pour le jeune élève qui bénéficie, ici, de toute l’attention dont il a besoin. «C’est un travail entre l’école et le secteur de l’aide à l’enfance qui nous permet d’emprunter des chemins courts pour trouver les meilleures solutions avec nos équipes pluridisciplinaires. L’élève apprécie le lien différent qu’il tisse avec les personnels», témoigne la directrice de l’ASBL Arcus, gestionnaire du centre. Tous les centres sont gérés par le secteur de l’aide à l’enfance.

Relance et Reconnect

Le CISP s’adresse à des adolescents scolarisés dans l’enseignement secondaire à partir de 12 ans via les deux programmes Relance et Reconnect. Le parcours scolaire régulier s’étend sur sept ans, ce qui engendre une évolution des besoins et motivations. Les CISP s’adressent à des jeunes de deux tranches d’âge. Des élèves de 12 ans à 16 ans qui proviennent de la voie de préparation, de la voie d’orientation, des classes supérieures de l’enseignement général ou des classes de l’enseignement classique et des élèves de 16 à 24 ans accomplis qui ne sont actuellement plus sous obligation scolaire et qui sont en (risque de) décrochage. Pour ceux-là, l’orientation dans la formation professionnelle ou sur le marché du travail est envisagée. Chaque élève suit un enseignement individualisé qui tient compte de son projet scolaire/professionnel en accord avec son rythme, ses capacités, son niveau scolaire et sa situation sociale et psychologique.

L’admission dans les classes Relance ou Reconnect peut se faire à tout moment de l’année, indépendamment du calendrier scolaire. Dans chaque CISP, une commission d’admission et d’orientation se réunit régulièrement afin de discuter de l’admissibilité d’un nouveau bénéficiaire et de l’orientation ou la réintégration d’un jeune en cours de parcours. Des collaborateurs de l’Office régional de l’enfance (ORE) participent à la commission pour proposer, le cas échéant, des mesures de soutien en cas de difficultés familiales.

Les enfants ont le loisir de découvrir toutes sortes de matériaux à travers l’art, l’esthétique et l’expérimentation.