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Ce viticulteur partage son électricité avec des entreprises de l’Horeca


Le viticulteur partage l’excédent d’électricité produit par ses panneaux photovoltaïque de 29 kilowatts-crête, installés sur le toit de son hangar. (photos fabrizio pizzolante)

En Moselle luxembourgeoise, les panneaux solaires du domaine viticole A. Gloden et Fils alimentent en électricité des entreprises de l’hôtellerie et de la restauration dans tout le pays.

Voilà plus de 25 ans que Claude Gloden conduit le domaine A. Gloden et Fils sur les coteaux de Wellenstein et de Schengen, le long de la Moselle. Depuis un an et demi, en plus des cépages luxembourgeois classiques, il produit de l’électricité qu’il partage avec différentes entreprises du secteur de l’Horeca au travers du pays.

Des watts fabriqués sur le hangar par des panneaux photovoltaïques, puis consommés par les membres de son ASBL. Ce projet relève d’un groupe de partage national, l’une des deux formes que peut revêtir la communauté énergétique.

Ici, il n’y a pas de restriction géographique comme c’est le cas avec les groupes de partage locaux, mais il n’y a pas non plus d’exemption de la taxe d’utilisation de réseau.

«Au départ, je voulais juste mettre un petit panneau solaire sur mon balcon», rigole Claude Gloden. Mais à force de participer à des réunions d’information organisées par Klima-Agence et d’échanger autour de lui, le viticulteur a vite compris qu’il pouvait voir plus grand. Il a donc créé sa première installation photovoltaïque en juillet 2024.

Claude Gloden vend du vin… Et de l’électricité.

«J’ai créé une communauté énergétique à la base nationale pour partager l’énergie produite au domaine viticole avec les membres de la famille éloignés au-delà du niveau local de 300 mètres», explique-t-il.

L’idée initiale derrière la création de sa communauté énergétique a ensuite vite évolué. Il partage désormais son électricité avec vingt membres, pour la plupart des entreprises clientes de son domaine, comme l’hôtel Belle-Vue à Vianden. «Nous allons dépasser les 100 mégawatts partagés… C’est déjà pas mal pour une petite association.»

Son domaine ne consomme pas grand-chose des 29 kilowatts-crête générés par son installation : «Notre pic de consommation est en septembre quand toutes nos machines tournent en même temps. Le reste du temps, le domaine ne consomme pas plus qu’un ménage classique.»

Partager son électricité lui permet donc d’en vendre l’excédent. D’autant plus que les hôtels et les restaurants, quant à eux, sont de grands consommateurs d’énergie. «C’est gagnant des deux côtés», estime le viticulteur. Lui gagne de l’argent, et les entreprises en économisent. Le tout en pleine «prévisibilité».

Des freins administratifs

Si l’idée de partager l’énergie solaire paraît simple sur le papier, la réalité est bien plus complexe pour ceux qui, comme Claude Gloden, gèrent une communauté énergétique au quotidien. «Le grand défi, c’est la gestion», confie-t-il.

Pour sa communauté de vingt membres, il doit établir une facturation «correcte et adéquate» deux fois par an, un processus qu’il décrit comme extrêmement chronophage : «Actuellement on passe du temps énorme parce qu’on peut juste exporter un Excel.»

Cette lourdeur administrative empêche selon lui le développement de plus grandes structures et dissuade les agriculteurs de se lancer. «Si je regarde en Autriche, ils ont des communautés énergétiques de 200-300 membres. Mais gérer ça manuellement, ce n’est pas possible.»

L’absence d’outils numériques adaptés contraint les gestionnaires à bricoler leurs propres solutions : «Il n’y a pas de solution clé en main qui existe à l’heure actuelle», souligne Claude Gloden.

Pour lui, le Luxembourg accuse un retard dans la digitalisation des démarches. Même la création d’une ASBL, étape indispensable pour fonder une communauté énergétique, peut devenir un parcours du combattant. Il raconte avoir essuyé refus sur refus pour faire valider les documents : «Vous perdez une journée à chaque fois.»

Bien qu’il se dise passionné par la transition énergétique, la multitude d’étapes, de démarches et de vérifications nécessaires l’empêche d’aller aussi loin qu’il le souhaiterait. «Sans automatiser un peu, ça restera des petites communautés», résume-t-il.

Selon lui, tant que la gestion restera manuelle, les communautés énergétiques luxembourgeoises auront donc du mal à croître et à atteindre l’efficacité observée dans d’autres pays. En parallèle, il craint également que la baisse des tarifs de l’électricité annoncée pour 2026 rende l’autoconsommation collective moins compétitive.

Un concept nouveau et en forte dynamique

Le photovoltaïque séduit toujours plus de ménages et d’agriculteurs : Klima-Agence souligne un réveil généralisé face aux enjeux énergétiques. Pour Klima-Agence, la transition énergétique luxembourgeoise entre dans une phase où la production photovoltaïque devient un levier accessible à tous les groupes de population : particuliers, communes, entreprises et secteur agricole.

L’agence, qui accompagne ces acteurs en matière de conseils, de financement et de planification, constate une accélération notable. «La photovoltaïque, c’est le sujet qui intéresse le plus, parce que c’est un type de projet facile à réaliser et dont le retour est rapide», explique Fenn Faber, le directeur.

Au cœur de cette dynamique, deux concepts «relativement nouveaux» prennent de l’ampleur : l’autoconsommation et le partage d’énergie.

L’autoconsommation est définie simplement : «Le fait de consommer à l’instant l’électricité qu’on a produite soi-même», résume Gilbert Théato, chef de projets du département «Stratégie/conseil à la politique».

Cela permet d’éviter d’acheter de l’électricité sur le réseau et d’utiliser directement une énergie moins chère que celle vendue par les fournisseurs.

Le partage d’électricité est une extension du même principe. «C’est comme partager des tomates du jardin avec son voisin. Mais cette fois, c’est de l’électricité», illustre-t-il. Grâce à des plateformes virtuelles, aucune infrastructure supplémentaire n’est nécessaire.

Les participants se diversifient de plus en plus. Parmi eux, les agriculteurs y jouent déjà un rôle central. «C’est le secteur agricole qui nous a approchés, intéressé par l’optimisation de ses installations photovoltaïques», souligne Samuel Gillessen, responsable du département «Entreprises».

Beaucoup d’exploitations disposent déjà de grandes toitures et produisent davantage que ce qu’elles consomment, surtout lorsque leurs anciennes installations sortent du régime de tarif garanti. Pour eux, le partage devient «un moyen de prolonger la rentabilité de l’installation».

Une tendance loin de s’essouffler

La perspective économique reste un moteur fort : entre réduction des factures, meilleure valorisation de la production et complémentarité avec des usages tels que la mobilité électrique ou les pompes à chaleur.

«Les gens comprennent que la transition énergétique, c’est quelque chose pour eux aussi», affirment les représentants de Klima-Agence, citant l’exemple de particuliers devenus autoconsommateurs, puis acheteurs de voitures électriques pour optimiser leur propre énergie solaire.

Sur le plan structurel, le cadre légal luxembourgeois évolue pour encourager d’autant plus le partage. Et selon les représentants de Klima-Agence, la baisse annoncée des tarifs réseau devrait rendre encore plus attrayant le partage sur de larges distances, y compris à travers tout le pays.

La tendance est donc loin de s’essouffler : «On n’a pas de doute : la dynamique va continuer de croître.» En seulement deux à trois ans, 750 groupes de partage ont déjà vu le jour. Pour Klima-Agence, la clé sera désormais l’efficience et l’accompagnement, afin que chaque citoyen, entreprise ou exploitation puisse «mieux gérer ses coûts énergétiques» tout en contribuant à un système plus local, coopératif et résilient.

LE CHIFFRE
750

C’est le nombre de groupes de partage au Luxembourg. Tandis qu’ils sont plusieurs milliers de citoyens à pratiquer l’autoconsommation.

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