Il faut «combattre le sans-abrisme et non les sans-abri!», exige l’association «Solidaritéit mat den Heescherten», après la fin de l’Action hiver mardi.
Il y a deux jours, la «Wanteraktioun» a fermé ses portes. Les 300 personnes sans domicile à qui cette initiative avait offert depuis novembre un abri temporaire se retrouvent donc de nouveau à la rue. «Ceci constitue la parfaite illustration du manque de politique prévenant le sans-abrisme au Luxembourg», dénonce avec force l’association «Solidaritéit mat den Heescherten» dans un communiqué.
Joint par téléphone, Guy Foetz, le président de l’ASBL, ne mâche pas ses mots : «Ce que nous demandons, c’est une véritable politique de soutien aux personnes sans abri». Il résume les revendications de son association en quatre priorités : établir des statistiques fiables, mettre en place des structures répondant aux besoins essentiels (nourriture, hygiène, santé), abolir les barrières administratives à l’aide sociale (impossible d’avoir accès à l’aide sociale et médicale sans adresse) et créer des aides bas seuil couvrant logement, travail et vie sociale.
Pour lui, le Luxembourg reste dramatiquement en retard dans la prise en charge des personnes sans domicile. «Aucun plan national sur le sans-abrisme n’a vu le jour malgré les promesses du ministre Max Hahn, qui justifie ce retard en disant qu’il entreprend beaucoup de choses», s’insurge-t-il.
Autre problème pointé par «Solidaritéit mat den Heescherten» : l’absence de données précises. Le dernier recensement des sans-abri date de juin 2024, mais ses résultats sont contestés. «Les chiffres sont partiels parce qu’ils ne couvrent pas tous les lieux où les personnes sans abri se réfugient. Certaines dorment dans des forêts, des bâtiments abandonnés, etc., pas seulement dans les rues des centres-villes», explique Guy Foetz. Selon ce que lui rapportent les acteurs du terrain, le nombre officiel peut être multiplié par deux.
Inefficace et liberticide
La fermeture de la «Wanteraktioun» est une complication de plus dans un contexte déjà difficile. L’association rappelle qu’une personne sur cinq et un enfant sur quatre basculent dans le risque de pauvreté, tandis que chaque mois, 15 expulsions de locataires en moyenne ont lieu. Certaines structures d’accueil de réfugiés sont insalubres. Le centre Don Bosco au Limpertsberg et l’ancien bâtiment Creos à Mersch sont «non conformes aux normes exigées par le Haut-Commissariat pour les réfugiés». «Les gens qui y vivent doivent payer un loyer», ce qui aggrave encore leur précarité, s’insurge Guy Foetz.
Et quelles sont les réponses apportées? «Nous constatons avec consternation que la réaction actuelle du gouvernement à la montée du sans-abrisme et de la pauvreté se résume au projet de loi « Platzverweis renforcé »», écrit l’ASBL. Éloigner les sans-abri et les mendiants des centres urbains est une mesure «liberticide» qu’elle juge particulièrement inefficace.
«Au lieu de combattre la mendicité, ce gouvernement tend à combattre les mendiants et au lieu de combattre le sans-abrisme, ce gouvernement tend à combattre les sans-abri», résume «Solidaritéit mat den Heescherten». L’association appelle donc le gouvernement à tenir les engagements pris lors de la signature le 21 juin 2021 à Lisbonne d’une déclaration ayant pour objectif l’éradication du sans-abrisme jusqu’en 2030.
La fermeture annuelle de la «Wanteraktioun» (WAK) a suscité chez certains des bénéficiaires de Médecins du Monde un stress évident dû à l’angoisse de se retrouver à la rue, explique l’ONG par voie de communiqué. Médecins du Monde (MdM), qui a assuré une permanence médicale hebdomadaire à la WAK, souhaiterait «une ouverture annuelle, comme dans d’autres villes telles que Bruxelles par exemple». Cela éviterait aux personnes sans domicile «cette peur d’un retour à la rue que les canicules qui se multiplient ne rendent pas moins pénible en été», a précisé Stéphanie Gardini, responsable du service social de MdM.
«Cela permettrait surtout l’intensification d’un travail d’accompagnement des personnes, ce qui est une condition indispensable à la sortie de la rue et à l’intégration dans la société auxquelles elles aspirent fondamentalement», a-t-elle ajouté. Et, tout comme «Solidaritéit mat den Heescherten», elle en appelle au gouvernement.
Sans détour. «Au-delà des efforts des uns et des autres que nous reconnaissons, nous avons le sentiment que la WAK reste le service minimum qu’un État digne de ce nom se sent obligé d’offrir pour éviter qu’on lui reproche une forme de non-assistance à personne en danger», estime-t-elle enfin.