L’opposition relève des incohérences, des déclarations qui lui paraissent vraiment «bizarres» venant de la part des membres du gouvernement. Frieden, Bettel et Margue au tableau.
La commission spéciale Caritas a entendu, lundi, les derniers acteurs du dossier Caritas avant d’attaquer la rédaction de son rapport qu’elle doit remettre le mois prochain. «La difficulté consistera à le faire adopter, une fois rédigé, car les partis de la majorité vont soutenir le gouvernement», déclarait la semaine dernière, déjà, la vice-présidente de la commission, Djuna Bernard (déi gréng).
Hier, pour le dernier round, c’est précisément les membres du gouvernement qui se sont présentés devant les députés. Le Premier ministre, Luc Frieden, le vice-Premier ministre, Xavier Bettel, et la ministre de la Justice, Elisabeth Margue, sont venus dire que le gouvernement avait travaillé tout l’été sur le dossier. Du moins, avec les moyens humains encore disponibles en juillet et août.
«Ils nous ont dit avoir été informés de la création de HUT via la presse», témoigne Taina Bofferding (LSAP), rapporteuse de la commission. «Je trouve cela vraiment étrange alors qu’une semaine plus tôt, il déclarait qu’une solution intra-Caritas pouvait être envisagée», poursuit-elle. C’est d’autant plus étrange dans la mesure où les membres fondateurs de la nouvelle entité sont tous des proches des partis de la majorité CSV/DP.
Bettel, fidèle à lui-même
Luc Frieden a confirmé aux députés qu’il n’avait pas eu la volonté de réunir tous les acteurs (Caritas, banques, archevêché, gouvernement) autour d’une table, mais qu’il était en contact avec chacun d’eux séparément. «Il nous a déclaré que ce n’était pas évident de rentrer en contact avec les banques par ce que ce n’était pas très « propre« juridiquement», explique Taina Bofferding, encore une fois sidérée par cette réponse. «Nous savons pertinemment que des membres du gouvernement sont en contact avec des banques à travers toutes les rencontres qu’ils organisent sur de nombreux sujets, mais pour la Caritas, la volonté n’y était pas», ajoute la rapporteuse. Le gouvernement maintient qu’il ne pouvait pas interférer dans la relation des banques avec leur client.
Quant à Xavier Bettel, il est resté fidèle à lui-même. Il a refusé le contact avec Christian Billon, à la tête de la cellule de crise. Il a déclaré aux députés qu’il ne disposait pas d’informations, pas de chiffres et ne voyait pas l’intérêt, dès lors, de le rencontrer. «Encore une fois, c’est incompréhensible, alors que Christian Billon était une personne neutre dans ce dossier», explique Taina Bofferding.
La vice-présidente de la commission spéciale, Djuna Bernard, est encore plus interloquée par la prestation des ministres. «Xavier Bettel, cela reste pour moi la plus grande défaite dans ce dossier», lâche-t-elle, sans ménager le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération. «Caritas International, c’était quand même une des ONG les plus importantes du secteur de la coopération et Xavier Bettel vient nous dire qu’il a réussi à sauver un ou deux projets en septembre. C’est vrai, mais il a fait ça sous la pression de l’opposition», ajoute Djuna Bernard. `
«Tierce complicité»
Xavier Bettel reste le plus grand absent de ce gouvernement, selon la députée écolo, estimant qu’il ne prend pas cette affaire «au sérieux». Elle n’a pas été plus convaincue par la prestation du Premier ministre, Luc Frieden. «Il y a une contraction dans ses déclarations au sujet de la solution intra-Caritas qui a finalement été écartée, car il percevait Accueil et Solidarité comme étant passible de « tierce complicité« dans ce dossier, alors que le gouvernement a continué à soutenir financièrement Jeunes et Familles qui a exactement les mêmes statuts que l’ASBL Accueil et Solidarité», explique Djuna Bernard. `
Quant à Elisabeth Margue, la ministre de la Justice a été mise au courant du vaste détournement de fonds (61 millions d’euros), douze heures avant le Premier ministre, mais n’a pas jugé utile de l’avertir plus tôt. Enfin, Djuna Bernard retient que Pit Bouché, président de Caritas Accueil et Solidarité, a été nommé chef de cabinet de la ministre Elisabeth Margue, en avril 2025. Or il savait que la radio 100,7 allait révéler que l’ancien directeur opérationnel de la Fondation Caritas le mettait en cause pour avoir négligé les informations qu’il lui avait fournies sur la situation financière. «Elisabeth Margue nous a affirmé que Pit Bouché ne lui en a pas fait part, il a été nommé au poste de chef de cabinet deux semaines avant la sortie du podcast de 100,7», souligne la députée écolo.
La commission spéciale attend que le gouvernement lui remette les avis juridiques qui ont amené le gouvernement à poursuivre son soutien à d’autres ASBL satellites de la Fondation Caritas, et à en abandonner d’autres. «J’espère que l’on va les recevoir», conclut de son côté Taina Bofferding.