C’est l’hécatombe après le temps de la floraison. Les fermetures de commerces proposant sur leur carte des produits au cannabidiol (CBD), dérivé du cannabis, s’enchaînent sous la pression des autorités. C’était le cas à Marseille, à Dijon, Paris, Reims… C’est le cas maintenant en Lorraine.
Elie a baissé le rideau à Saint-Julien-lès-Metz après avoir reçu deux fois la visite de la police et il a rapatrié son stock de marchandises au Luxembourg, où il se dit « tranquille ». Sabrina a retiré tous ses produits dérivés des rayons de son épicerie, place des Charrons à Metz. Le gros hic, c’est qu’elle avait un business plan carré et cette épicerie devait lui permettre d’ouvrir son restaurant attenant au mois de septembre. « J’ai tout retiré, j’ai trop peur des perquisitions, d’une garde à vue et de perdre la marchandise. »
Dans le viseur de la justice
À Thionville, les autorités judiciaires ont frappé vendredi après avoir découvert dans la presse l’ouverture de deux nouvelles officines, dont celle de Christophe Kolerski. Deux commerçants ont passé quelques heures en garde à vue hier. Ces entrepreneurs, qui ont surfé sur les incertitudes juridiques, se retrouvent désormais dans le viseur de la justice.
Les instructions sont tombées de la Chancellerie. Une note datée du 23 juillet met fin en quelque sorte au flou général et fixe un cap. Le procureur général de Metz, Jean-Marie Beney, le résume très simplement : « Tout ce qui est à destination des particuliers est interdit. C’est l’analyse faite par le ministère de la Justice. Nous appliquons les consignes. » Avec pertes et fracas pour ce que l’administration appelle les coffee-shops, une dénomination d’ailleurs peu goûtée par les gérants car trop liée à la drogue hollandaise. « Un gradé m’a dit que cette législation n’était pas clair », soupire Me Xavier Iochum, qui défend l’un des mis en cause.
Déboussolés par la situation – « on nous a laissés nous installer et maintenant on nous tape dessus en nous faisant passer pour des trafiquants de drogue » – fragilisés économiquement, certains commerçants mosellans tentent d’établir le contact avec les autorités.
« Pas le cartel de la défonce »
Ils viennent de créer le Syndicat des compagnons du CBD, « pour leur permettre d’être un interlocuteur et d’engager le dialogue », avance l’avocat de l’association, Me Vincent Guiso. Ses clients espèrent « obtenir un cadre réglementaire pour travailler. Preuve de leur bonne foi, ils ont défini des bonnes pratiques pour faire partie de leur association. C’est, par exemple, ne pas se présenter comme un coffee-shop, ne pas tromper les clients, ce qui sous-entend de ne pas présenter leurs produits comme quelque chose de thérapeutique… Non, leurs fleurs ou tisanes, qui ne sont pas des produits stupéfiants, ne soignent pas mais apaisent.
L’association veut également travailler avec une filière de production sûre. » Deux producteurs font partie de la nouvelle entité. « Ce n’est pas un cartel de la défonce ! Ces personnes veulent travailler comme une organisation professionnelle. C’est une activité principale pour certains, secondaire pour d’autres. Dans tous les cas, il y a des enjeux économiques et il faut trouver une solution. »
Sabrina intervient : « À cause de cette situation, tous mes projets tombent à l’eau. Je ne pourrai pas ouvrir mon restaurant puisque mon épicerie est à l’arrêt. J’avais déjà trois employés… C’était un concept avec des salades à l’huile de CBD, des gâteaux… C’est une catastrophe. »
Leur avenir se jouera peut-être au niveau européen. Me Guiso : « Sur le fond, il n’y a pas d’argument décisif permettant de dire que le droit français est cohérent, sur ce sujet, avec le droit européen. Il y a, aujourd’hui, une vraie opposition avec le droit communautaire. Nous saurons défendre nos droits. »
Kevin Grethen (Le Républicain Lorrain)