Christiane Baltes, art-thérapeute depuis près d’une vingtaine d’années au Luxembourg, accompagne des patients atteints d’un cancer. Elle nous explique le rôle et les bénéfices de cette thérapie bien spécifique.
À première vue, le cabinet de Christiane Baltes ressemble à un atelier d’artiste. Sur sa grande table, on trouve des crayons de couleur, des pinceaux, des craies, de la peinture et des feuilles de papier. Et pourtant, nous ne sommes pas là dans le recoin caché d’un dessinateur ou d’un peintre, mais bien dans un lieu thérapeutique.
C’est ici que la Luxembourgeoise accueille ses patients pour une séance bien particulière. Depuis 18 ans, Christiane Baltes pratique l’art-thérapie. Une médiation thérapeutique où l’art revêt toute son importance.
«L’idée de cette thérapie n’est pas de faire de mes patients des artistes, mais de voir vers quel chemin le dessin ira. Le plus important est le processus artistique qui se déroule pendant la séance», souligne la spécialiste.
Avant chaque début de séance, Christiane Baltes essaie de travailler sur l’objectif thérapeutique du patient. «Cela peut être l’expression des émotions, d’une angoisse, de douleurs physiques. Le but est de trouver une façon de le mener à exprimer ce qui ne va pas», précise-t-elle. Durant une heure et demie, il va ainsi se laisser guider par ce qu’il ressent.
L’art laisse une trace, un ancrage dans la mémoire
«Cela peut être une expression libre ou guidée. Nous faisons ensuite ensemble l’analyse du contenu du dessin. Nous regardons ce qui s’est passé, ce que l’on voit sur le papier, la couleur qui a été utilisée. Mon rôle n’est pas d’interpréter», souligne l’art-thérapeute.
Pour réaliser son œuvre thérapeutique, le patient peut avoir recours à différentes techniques. «On peut faire un dessin, de la peinture, de la sculpture, de la poterie, du collage, de la poésie, de l’écriture. C’est très varié», précise la spécialiste.
Tout l’objectif de cette thérapie est de permettre au patient d’essayer d’exprimer ses maux, quand le verbal n’est pas ou plus possible.

«Quand on réalise une œuvre, on a quelque chose de concret devant soi. Souvent, cela participe à augmenter la confiance ou l’estime de soi. Dans certaines situations, le fait que le patient ait réussi à reproduire quelque chose et qu’il puisse l’emmener chez lui est une preuve qu’il est encore capable», explique la thérapeute.
Mais l’idée de cette thérapie n’est pas que le patient puisse reproduire des œuvres seul chez lui. «Généralement, ils me disent que l’art les détend. J’ai des patients qui sont très artistiques et d’autres qui découvrent ce domaine.»
Une qualité de vie améliorée
Depuis plus d’une quinzaine d’années, Christiane Baltes intervient dans le domaine de la rééducation, de la pédiatrie, mais aussi auprès de patients atteints d’un cancer. Avec l’association Europa Donna, elle rencontre également des femmes touchées par le cancer du sein.
«J’en vois quelques-unes dans mon cabinet. Le processus est le même que pour les autres patients. Dans ce cas de figure, les thématiques sont souvent liées à la maladie. Certaines femmes viennent pendant les traitements de chimiothérapie. D’autres après leurs soins, pour essayer de regagner confiance en elles, de parler des peurs de la récidive, des contrôles réguliers post-traitement ou des effets secondaires de la chimiothérapie ou radiothérapie», précise l’art-thérapeute.
«Il y a aussi beaucoup d’inquiétudes pour la reprise du travail. Beaucoup de femmes ont peur de devoir assurer le même rythme de travail qu’avant alors que généralement ce n’est plus possible. Même si la volonté est là, le corps ne suit plus», poursuit-elle.

Parler de ses maux à travers l’art est, pour Christiane Baltes, très bénéfique pour une femme atteinte d’un cancer du sein. «On voit des améliorations au niveau du bien-être (…). Le problème, c’est qu’en art-thérapie, tout est très subjectif. Ceci dit, il y a quand même des études universitaires qui ont été menées. Les résultats ont montré que des changements avaient été mesurés sur le traitement émotionnel, mais aussi sur la qualité de vie des patients.» Et pour certains, les résultats sont notables.
«J’ai suivi un patient qui avait de gros problèmes neurologiques après un accident de voiture. Il avait une mémoire très défaillante. Il ne se souvenait plus de son repas du midi, mais se rappelait précisément son dessin. C’était quelque chose d’assez incroyable. On voit ainsi que l’art laisse une trace, un ancrage dans la mémoire.»
Une profession non reconnue
Thérapie par l’art, la musique, la danse ou par le biais des animaux. Elles sont nombreuses, les méthodes permettant aux patients souffrant physiquement ou psychiquement de s’apaiser.
Pourtant, les personnes qui les mettent en œuvre n’exercent pas une profession reconnue ou réglementée au Luxembourg. Les séances, qui coûtent autour d’une centaine d’euros, ne sont pas remboursées par la CNS. «Je milite depuis plusieurs années pour que notre profession soit reconnue dans le domaine de la santé. C’est le cas par exemple dans certains pays. Aujourd’hui, pouvoir exercer exclusivement en libéral est quelque chose de quasiment impossible», regrette celle qui est aussi présidente de l’Association luxembourgeoise des art-thérapeutes diplômés (ALAtD).
Avec les musicothérapeutes, environ une soixantaine d’art-thérapeutes exerçant dans le pays ont une autre activité en parallèle. «Certains sont infirmiers, psychologues.» Et la demande est bien présente. «Beaucoup de structures de santé engagent des art-thérapeutes», note Christiane Baltes.
«Les dessins des enfants peuvent être révélateurs d’un problème»
Avant de devenir art-thérapeute, la Luxembourgeoise Christiane Baltes a exercé le métier d’institutrice. «J’ai toujours été fascinée par les dessins des enfants. Une histoire m’avait marquée. Un petit garçon m’avait expliqué une situation difficile qu’il vivait par un dessin. J’ai pu comprendre le comportement qu’il avait en classe. Les dessins des enfants peuvent être parfois révélateurs d’un problème. D’ailleurs, ils sont souvent plus riches que ceux des adultes. Car ils n’ont pas encore cette norme, ce filtre de la société.»
Il y a plus de vingt ans, elle décide de se lancer dans cette profession. Elle entame alors une formation dans le domaine en France, puis décroche un master à Hambourg. Aujourd’hui, Christiane Baltes exerce cette activité à mi-temps.