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Camion dortoir à Hollerich, une réussite pour Inter-Actions 


Nelson Dos Reis, responsable de Premier Appel, et Virginie Giarmana, directrice adjointe d’Inter-Actions. (photo Hervé Montaigu)

Dans la prolongation du service Premier Appel de l’ASBL Inter-Actions, un camion dortoir accueille depuis un an, à Hollerich, les personnes sans abri.

En décembre 2023, Inter-Actions installait, avec l’aide de la Ville, un camion dortoir derrière l’église de Hollerich pour y accueillir des sans-abri. Un projet qui venait renforcer le service Premier Appel créé en 2017 par l’ASBL. Un an après l’installation de ce dispositif, Nelson Dos Reis, responsable de Premier Appel, et Virginie Giarmana, directrice adjointe d’Inter-Actions, font le bilan. 

Pouvez-vous décrire le travail que vous effectuez dans ce camion depuis un an ?

Nelson Dos Reis : Le camion a été ouvert en décembre 2023. Les gens ne viennent pas ici par eux-mêmes, ils doivent toujours passer par le service Premier Appel pour fixer un rendez-vous. Ensuite, c’est ce même service qui va les conduire jusqu’ici. Nous voulons éviter qu’il y ait des soucis ou du vandalisme, notamment sur le parking à côté du camion. C’est donc nous qui allons chercher les personnes avant de les conduire ici. Nous avons un numéro fixe où ils peuvent nous appeler. Aujourd’hui, les gens savent que l’on se trouve ici. L’information est passée et les gens nous appellent.

Comment se déroule une nuit ici?

N. D. S. : Les portes du camion ouvrent dès 19 h. Les personnes sans abri arrivent au camion accompagnées par l’équipe du service Premier Appel et un éducateur est présent sur place pour les accueillir. L’éducateur est là de 19 h à 1 h accompagné de l’agent de sécurité. Les personnes sont contrôlées par l’agent de sécurité pour voir s’ils n’ont pas d’arme.

Ensuite, les personnes vont s’installer et vont signer un contrat. Celui-ci explique le règlement dans lequel est notamment inscrit qu’il est interdit de ramener de la nourriture dans le camion, de fumer dans le camion ou de venir avec un animal à l’intérieur.

Une fois que le règlement a été signé, les personnes peuvent s’installer parmi les huit lits numérotés. Les gens peuvent également prendre une douche. Elles sont ouvertes jusqu’à 23 h. On leur met aussi à disposition un pyjama pour la nuit. On ouvre à 19 h, mais les personnes ont libre accès jusqu’à 21 h 30. À 21 h 30, on demande à tout le monde de revenir pour éviter le bruit par rapport aux habitants. L’agent de sécurité reste toute la nuit et, généralement, les gens partent vers 8 h le lendemain.

Il n’y a pas eu de gros soucis, nous sommes satisfaits de cela

Quel bilan tirez-vous après un an de présence ici ?

Virginie Giarmana : Il n’y a pas eu de conflits, il n’y a pas eu de gros soucis, il n’y a pas eu de grosses disputes et on a pu accueillir les gens, nous sommes satisfaits de tout cela!

N. D. S. : Aussi, les habitants du quartier, ils sont assez contents, ils nous ont même remerciés. Ils sentent une certaine sécurité, notamment grâce à la présence, toute la nuit, d’un agent de sécurité. Nous avons un éducateur sur un temps et puis un agent de sécurité qui reste toute la nuit. De fait, il y a toujours quelqu’un en plus des personnes sans abri qui est là. Nous sommes passés par une petite agence pour pouvoir discuter avec les gardiens, faire une formation pour eux, leur expliquer vraiment ce qu’on voulait, les former sur ce que c’est que de travailler avec les personnes sans abri.

Comment fonctionne le service Premier Appel ?

V. G. : Le service Premier Appel, on est ouvert sept jours sur sept et de 17 h à 1 h. Dans le détail, nous fonctionnons sur deux tranches horaires. De 17 h à 22 h, une équipe est sur le terrain pour faire une tournée et rencontrer les personnes sans abri, qui sont dans la rue et en difficulté. Cette équipe est là pour essayer de les aider au mieux. La deuxième tranche horaire s’étale de 17 h à 1 h. Durant cette période, un éducateur est présent dans le camion pour accueillir les personnes que l’équipe qui est sur le terrain va ramener pour y passer une nuit. 

Le service n’a plus de bureau pour l’instant

Quelle est la situation actuelle du service ?

V. G. : Lorsque nous avons démarré Premier Appel, nous ne gérions pas un centre d’hébergement, le service dépendait vraiment d’autres institutions. Premier Appel existe depuis 2017. Jusqu’alors, nous avions des bureaux où nous ne faisons pas d’accueil du public. Il y a trois ans, on s’était dit qu’il serait intéressant d’avoir une structure fixe où on peut, nous-mêmes, loger des personnes, soit ouvrir notre night shelter à Luxembourg. Il y en a déjà, mais ils sont pleins et que l’on continuait à recevoir des demandes. Il y avait un réel intérêt.

Maintenant, cela fait trois ans et demi qu’on est à la recherche d’un lieu pour ouvrir un night shelter pour dix lits, qui se répartirait entre six lits pour hommes et quatre lits pour les femmes. Nous avons eu des opportunités, mais toujours au dernier moment, pour des raisons différentes, ça n’a pas pu se faire.

On se retrouve aujourd’hui sans night shelter, alors que le projet est validé par le ministère de la Famille, qu’il y a un financement possible, etc. Il y a non seulement ça, mais entretemps, les bureaux où nous étions, ont été vendus à un promoteur qui compte détruire l’espace pour y construire des immeubles. Donc le service n’a plus de bureaux pour l’instant et nous sommes vraiment à la recherche d’un local. 

Comment avez-vous vu évoluer le nombre de personnes à aider ?

N. D. S. : Lorsque nous travaillions avec différentes structures qui nous mettaient des lits à disposition, nous gardions toujours trois lits d’urgence, mais cela était vraiment trop peu. Nous avions plus ou moins une vingtaine de demandes par jour et c’était très compliqué. Avec ce camion, nous avons huit places, c’est beaucoup mieux. Au niveau des appels, même s’il y a des variations, nous avons à peu près le même nombre de personnes qui nous appellent ou qui nécessitent une intervention, soit une vingtaine.

V. G. : Par intervention, on entend, soit une personne qui a besoin d’un lit ou d’un endroit pour dormir, mais aussi quelqu’un qui va avoir besoin qu’on l’amène jusqu’à l’hôpital, ou avec qui il va y avoir une discussion et qui voudrait avoir quelque chose de chaud pour pouvoir se réchauffer. L’équipe de Premier Appel tourne dans les rues de la Ville de Luxembourg et des villes avoisinantes, et il va à la rencontre des personnes sans abri.

Quand il y a des tournées, ils vont à la rencontre des personnes, même si celles-ci n’ont rien demandé. Juste pour dire bonjour et demander comment ça va, si elles ont besoin de quelque chose. Est-ce que le public a évolué ces derniers temps? Si je me fonde sur ce que Nelson raconte, et sur le recensement des personnes sans abri qu’on a fait les dernières années, on ne voit pas une énorme évolution du nombre de personnes qu’on recense.

Lorsque vous faites des tournées, comment êtes-vous reçus par les personnes que vous rencontrez ?

N. D. S. : On est confrontés à différents types d’accueil. Dans tous les cas, nous comprenons que des personnes ne soient pas disposées à discuter avec nous. On le respecte. À l’inverse, des personnes viennent vers nous. Elles sont plus ouvertes à discuter et à nous demander de l’aide. Ça peut être quelque chose pour manger ou des vêtements ou un endroit où elles peuvent se reposer.

Comment expliquez-vous les refus de l’aide que vous apportez ?

N. D. S. : C’est important de dire que c’est loin d’être la majorité des personnes. Les personnes qui refusent notre aide sont très souvent des gens qui ne connaissent pas notre travail. Aussi, il y a beaucoup de personnes qui sont à la rue depuis des années et qui refusent notre aide parce qu’elles ont du mal dès qu’il y a des règles à respecter. Elles préfèrent tout simplement rester dehors.