Le procès des six hommes poursuivis pour avoir commis une série de 88 cambriolages au Grand-Duché s’est terminé hier avec le réquisitoire du parquet en l’absence de José R., qui avait pu être relié à 94 % des faits. Les coprévenus ont tenté de sauver leur peau, mais pour le parquet, trois d’entre eux sont tout autant des cambrioleurs « chevronnés » ou « professionnels ».
« Difficile de trouver des circonstances atténuantes envers José R. On le décrit comme violent manipulateur. Il a causé un énorme dommage. S’il reconnaît les faits, c’est à cause de ses traces ADN. » Dans son réquisitoire, le premier substitut n’aura pas épargné le « grand absent » du procès.
L’homme poursuivi pour au moins 79 cambriolages et dont les traces ADN ont pu être retrouvées sur 42 lieux de crime sera resté absent tout au long du procès. Attestant par le biais d’un certificat médical qu’il souffre d’un état de stress post-traumatique, José R. (55 ans) s’est fait représenter par son avocate, qui aura tenté de sauver les meubles. « Son objectif n’était pas de mettre sur pied une bande. S’il avait été un spécialiste, il aurait porté des gants », avait argué Me Claire Lidolff.
Une véritable entreprise
« On ne peut se limiter aux traces ADN. Il y a aussi eu les observations, les écoutes téléphoniques, les déclarations des coprévenus… », a rappelé hier après-midi le premier substitut, demandant de retenir la circonstance aggravante de l’association de malfaiteurs. Car les hommes qui ont gravité autour de José R. auraient agi à l’instar d’une entreprise moderne : « Personne n’est irremplaçable. Quand l’un est absent, il y a un autre qui intervient. » Le modus operandi aurait toujours été le même. Leur cible: l’argent liquide des cafés, restaurants, agences de voyages… D’abord, ils espionnaient les lieux, pour ensuite passer à l’action.
Les enquêteurs avaient fait le calcul: entre mars 2014 et fin 2017, 169 872 euros et 2 000 dollars avaient ainsi disparu. À cela s’ajoutent des chèques-repas et cigarettes. « Sans doute n’est-ce que la partie émergée de l’iceberg », a considéré la parquetière, avant de requérir dix ans de réclusion contre le quinquagénaire actuellement en détention préventive.
En son absence, les cinq coprévenus (27 à 62 ans) avaient tenté tant bien que mal de sauver leur peau. Plus d’un avait avancé ses périodes d’incarcération à l’étranger comme alibi. Ils n’auront pas convaincu le parquet: « Fitim B. a participé avant son incarcération à des cambriolages. Et à sa sortie, il reprend de plus belle. Il est prouvé qu’il a participé à 59 faits. » Ne disposant pas de certificat médical, il n’a pas tenu compte de son actuel mauvais état de santé (réel ou supposé) pour la peine. Il a requis sept ans de réclusion contre le « cambrioleur chevronné ». En précisant: « Un sursis est exclu au vu de ses antécédents judiciaires. »
« Le gentil papy… qui conteste l’incontestable »
Même développement pour le propriétaire de l’Opel Zafira poursuivi, lui, pour 36 des faits. « Son véhicule a été retrouvé dans l’entourage immédiat des infractions. Le fait qu’il arrête, c’est parce que la police saisit sa voiture à Christnach mi-septembre 2016 », a appuyé le premier substitut.
Ce n’était pas pour autant la fin de la série de 88 cambriolages. Un moment, c’est Naim B., au volant d’une Audi A4, qui a occupé la fonction de chauffeur. Pour les 18 faits qu’on lui reproche en l’espace de moins de trois mois, le parquet demande 5 ans de réclusion ferme. Et puis il y a eu António P. (62 ans). Son avocat aura eu beau le qualifier de « gentil papy » qui n’a pas sa place sur le banc des prévenus, pour le parquet, le sexagénaire « conteste l’incontestable ». Par application de certaines circonstances atténuantes, il a requis 42 mois de prison. Il ne s’oppose pas à un éventuel sursis partiel.
La peine la moins élevée requise –18 mois ferme– est finalement pour Ivo G., poursuivi uniquement pour le cambriolage d’un hôtel, place de la Gare, à Luxembourg, en 2014. La réservation d’une chambre à son nom la nuit des faits avait attiré les soupçons sur lui. À la barre, il avait contesté les faits : « Qui cambriole un hôtel en ayant réservé une chambre à son nom ? » « Il ne pouvait savoir qui était à la réception. S’il avait dit s’appeler Patrick Bruel, cela aurait été encore plus suspect », a soulevé le premier substitut. La circonstance de l’association de malfaiteurs ne serait toutefois pas à retenir à son encontre.
La 13e chambre criminelle rendra son jugement le 12 juillet.
Fabienne Armborst