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Bruxelles surveille en silence le feuilleton présidentiel français


Voilà des semaines que la campagne française, ses rebondissements, ses affaires, ses sondages, tiennent la bulle bruxelloise en haleine. (photo AFP)

Le Pen les effraie, Macron les fascine, Fillon les embarrasse. À Bruxelles, dirigeants, diplomates et fonctionnaires européens observent dans l’incertitude la campagne présidentielle française mais se gardent de toute ingérence.

Micro ouvert : silence radio. Dans le quartier européen de la capitale belge, là où se concentrent les institutions, personne ne se risque à « sauter dans un débat national », selon l’expression du porte-parole de la Commission européenne, Margaritis Schinas.

Pas question de donner du grain à moudre aux candidats eurosceptiques, majoritaires. Ni de causer du tort aux europhiles.

La Commission se donne seulement le droit, notamment via un site internet –Les Décodeurs de l’Europe– d’ « établir » sa vérité, quand « il y a des mythes » ou « des mensonges », explique M. Schinas.

Voilà pourtant des semaines que la campagne française, ses rebondissements, ses affaires, ses sondages, tiennent la bulle bruxelloise en haleine. « On n’arrête pas de m’en parler! », souffle un diplomate français.

« Au début, il y avait l’inquiétude d’un enchaînement Brexit, Trump, puis (la candidate d’extrême droite Marine) Le Pen élue en France », poursuit-il. « Mais les élections aux Pays-Bas », mi-mars, où l’extrême droite a finalement terminé en deuxième position, « ont calmé ça ».

L’intérêt de ses collègues s’est depuis tourné vers le centriste Emmanuel Macron, le plus pro-européen des 11 candidats, dont l’élection « pourrait signifier un renouveau du moteur franco-allemand ». « Ca les fascine pas mal », observe-t-il.

Le candidat d’En Marche! est le premier, et l’un des rares, à avoir fait le voyage jusqu’à Bruxelles, fin octobre, quelques jours avant l’annonce officielle de sa candidature. Il s’était affiché aux côtés de la commissaire européenne à la Concurrence, Margrethe Vestager, la Danoise qui réclame à Apple le remboursement de 13 milliards d’euros à l’Irlande.

Pas de rencontre, en revanche, avec le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker. Mais les deux hommes « se sont vus à Paris à deux reprises », précise une source européenne.

Seuls François Fillon (Les Républicains) mi-décembre, puis le socialiste Benoît Hamon en mars, ont partagé cet honneur. Comprendre: Macron, Fillon et Hamon sont des candidats « fréquentables » pour la Commission.

« On fera avec »

Les autres, y compris les députés européens Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon, n’ont de toute façon pas fait de déplacement de campagne à Bruxelles.

« S’il y a quelqu’un qui est un risque vrai et identifié, c’est Le Pen », qui prône une sortie de la zone euro et de l’Union après référendum, témoigne une source au Conseil de l’UE, l’institution qui représente les 28 Etats membres. « Tout le monde a un peu peur de la révolution. »

La candidate du Front national, parfois donnée en tête des intentions de vote au premier tour, est même parvenu à faire sortir la Commission de sa réserve.

D’abord par la voix de Jean-Claude Juncker lui-même, qui a promis de « porter des vêtements de deuil » si elle l’emportait, puis via le commissaire aux Affaires économiques, le Français Pierre Moscovici –« Voter Le Pen, c’est quitter l’euro, (…) une folie mortifère ».

Critique envers l’Union européenne, le candidat de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, considéré à Bruxelles comme proche du parti Syriza au pouvoir en Grèce, n’engendre pas les mêmes craintes. « À partir du moment où le type est démocrate et pas complètement anti-européen, on fera avec », résume la source au Conseil de l’UE.

Reste le cas François Fillon. Son programme « est bien vu » au sein des institutions, résume Charles de Marcilly, de la Fondation Schuman, mais les affaires qui le touchent ont entraîné « des interrogations sur les moeurs politiques françaises ».

Selon une source au Parti populaire européen (PPE), qui regroupe les partis de droite dans l’UE, certains parlementaires étrangers, mais aussi français, lui préfèrent Emmanuel Macron.

La rencontre du candidat d’En Marche! avec la chancelière allemande Angela Merkel et les déclarations de son puissant ministre des Finances, Wolfgang Schäuble — « si j’étais français (…) je voterais probablement pour Macron »– ont semé le trouble parmi ces eurodéputés.

Pour Charles de Marcilly, MM. Fillon et Macron gardent « plutôt les faveurs de Bruxelles », qui les juge capables de mener « les réformes » pour permettre à la France de respecter durablement les stricts critères budgétaires de l’UE.

Le Quotidien / AFP

Ce que les cinq principaux candidats proposent sur l’UE

La question européenne bouscule les clivages traditionnels : voici les principales propositions sur l’Union européenne dans les programmes présidentiels des 11 candidats français.

François Fillon, Les Républicains

– Création d’un directoire politique de la zone euro

– Relance du couple franco-allemand

– Renégociation des accords de Schengen pour contrôler davantage les frontières de l’UE

– Contestation des règles de la CEDH (Cour européenne des droits de l’Homme) sur le droit d’asile ou la GPA (Gestation pour autrui)

– Abrogation des sanctions économiques contre la Russie

Benoît Hamon, Parti socialiste

– Doter la zone euro d’une assemblée et de son propre budget, grâce à une taxe sur les transactions financières

– Mutualisation des dettes européennes

– Instauration d’un salaire minimum européen

– Suspension immédiate de l’application du CETA (traité de libre-échange UE-Canada)

– Révision de la directive sur les travailleurs détachés

Marine Le Pen, Front National

– Négocier à Bruxelles la sortie de l’euro et le retour des frontières nationales en sortant de l’espace Schengen. A l’issue des négociations, référendum sur l’appartenance à l’UE

– Supprimer la directive des « travailleurs détachés »

– Refuser les traités de libre-échange CETA et TAFTA (traité de libre-échange UE- Etats-Unis)

Emmanuel Macron, « En marche! »

– Lancement dans toute l’Union européenne, après les élections allemandes de l’automne 2017, de conventions démocratiques, qui aboutiront à un projet adopté par tous les pays le souhaitant

– Un budget, un Parlement et un ministre des Finances pour la zone euro

– Limiter à un an la durée autorisée de séjour d’un travailleur détaché

– Création d’une force de 5.000 garde-frontières européens

– Réserver l’accès aux marchés publics européens aux entreprises localisant au moins la moitié de leur production en Europe

– Fonds européen de défense qui financera les équipements militaires communs

– Contrôle des investissements étrangers en Europe

Jean-Luc Mélenchon, « La France insoumise »

– Négocier avec l’UE la refonte des traités européens: fin de l’indépendance de la Banque centrale, abandon du pacte budgétaire européen, dévaluation de l’euro par rapport au dollar

– « Plan B »: si les négociations échouent, sortie des traités européens après référendum

– Dénonciation de l’accord CETA

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