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Brexit : « lassitude » et « frustration » gagnent l’Irlande du nord


À Belfast, les habitants sont lassés des atermoiements autour du Brexit (Photo d''archives : AFP)

« Lassitude » et « frustration » : après l’échec des dernières discussions entre Londres et Bruxelles sur le Brexit, incapables de s’accorder sur le sort de la frontière irlandaise, le ras-le-bol s’amplifie dans la province britannique d’Irlande du Nord, au passé violent.

Les Nord-Irlandais ressentent « lassitude, frustration et confusion », estime Lyn Sheridan, une habitante de la capitale Belfast interrogée par l’AFP devant l’Ulster Museum, qui accueille en ce moment une exposition sur les 500 km de frontière séparant la province britannique de la République d’Irlande voisine, membre de l’Union européenne.

Les négociations sur les conditions du divorce bloquent sur la question de cette délimitation, appelée à devenir la seule séparation terrestre entre l’UE et le Royaume-Uni après le Brexit, prévu le 29 mars 2019.

Londres comme Bruxelles veulent éviter le rétablissement d’une frontière physique dans l’île afin de préserver l’Accord de paix du Vendredi Saint qui avait mis fin, en 1998, à trente ans de conflit sanglant entre unionistes majoritairement protestants et républicains catholiques en Irlande du Nord.

Mais leurs points du vue sur la manière d’y parvenir sont restés irréconciliables lors du sommet européen des 17 et 18 octobre à Bruxelles, qui était présenté comme décisif.

Solution raisonnable
En Irlande du Nord, la population s’impatiente. « Ils en ont juste marre de toutes ces discussions et ils veulent que les négociations se poursuivent pour parvenir à une solution raisonnable », confie à l’AFP Jim Wilson, un retraité de 72 ans qui habite Belfast.

La solution proposée par l’UE prévoit de maintenir l’Irlande du Nord dans l’union douanière et le marché unique, si aucune autre solution n’est trouvée. Londres propose que l’ensemble du Royaume-Uni reste aligné sur les règles douanières de l’Union jusqu’à la signature d’un accord de libre-échange plus large.

« Comme dans beaucoup de situations similaires, il faut un compromis et un peu de concessions de part et d’autre », raisonne Jim Wilson.

L’Irlande du Nord a voté à 56% en faveur du maintien du Royaume-Uni au sein de l’UE lors du référendum du 23 juin 2016, à contre-courant du vote majoritaire (52%) de l’ensemble des Britanniques en faveur du Brexit.

Dans cette province, les résultats ont été largement influencés par cette question de la frontière, selon des analystes politiques, véritable poudrière de violence durant les trois décennies de conflit.

Personne n’a demandait aux Nord-irlandais ce qu’ils désirent

John Garry, professeur de comportement politique à la Queen’s University Belfast, souligne que personne n’a jusqu’ici demandé aux Nord-Irlandais ce qu’ils désirent.

« On parle d’eux plutôt qu’on ne discute avec eux », relève-t-il. Et que veulent-ils majoritairement, selon lui? Pas de Brexit du tout ou, à défaut, un Brexit doux maintenant le Royaume-Uni dans l’union douanière et le marché unique européens.

D’après lui, ces desiderata se retrouvent tant chez les protestants, favorables au maintien de l’Irlande du Nord dans le Royaume-Uni, que les catholiques, partisans d’une réunification avec l’Irlande. Mais plutôt que de s’unir, la crainte est forte de voir les habitants se replier chacun dans leur camp, ravivant les divisions.

La situation est envenimée par l’échiquier politique britannique. La majorité absolue de la Première ministre britannique Theresa May au Parlement dépend des voix des députés du DUP, petit parti unioniste et ultra-conservateur nord-irlandais, opposé à toute solution offrant un statut particulier à l’Irlande du Nord après le Brexit.

« La position forte du DUP n’est pas représentative de la population, et même des électeurs du DUP », estime le professeur Garry.

Dans la rue, Sorcha Eastwood, 33 ans, qui travaille pour un député du parti non confessionnel Alliance Party à l’Assemblée régionale, distribue des tracts appelant à manifester en faveur du maintien dans l’UE, devant l’hôtel de ville de Belfast samedi.

« Les gens ont peur », affirme-t-elle. « Ils ne sont pas sûrs de leur avenir ».

AFP