Le nouveau Premier ministre britannique Boris Johnson a demandé jeudi à l’Union européenne de rouvrir les négociations du Brexit, qualifiant d' »inacceptable » l’accord conclu par Theresa May.
« L’accord de retrait a été rejeté trois fois (…) Ses termes sont inacceptables pour ce parlement et ce pays », a déclaré Boris Johnson, lors de sa première allocution devant les députés britanniques depuis sa prise de fonction mercredi.
Le dirigeant conservateur, qui s’est entouré d’une garde rapprochée résolument eurosceptique, a en particulier réclamé « l’abolition » du « filet de sécurité » irlandais, destiné à éviter le retour de contrôles à la frontière entre la province britannique d’Irlande du Nord et sa voisine la République d’Irlande après le Brexit. Et s’il ne devait pas obtenir satisfaction, il a annoncé avoir demandé à Michael Gove, chancelier du duché de Lancastre, une fonction prestigieuse au sein du gouvernement, de faire des préparatifs pour une sortie sans accord sa « priorité absolue ».
« Nous ne rouvrirons pas l’accord »
« Je préférerais que nous sortions de l’UE avec un accord », a-t-il dit, soulignant être « prêt à négocier, en toute bonne foi, une alternative ». Côté européen, la réponse est cependant inchangée: « nous ne rouvrirons pas l’accord », a déclaré la porte-parole de la Commission européenne Mina Andreeva.
Boris Johnson, qui a pris l’habitude de moquer les esprits « grincheux » et « pessimistes », a promis de sortir de l’UE d’ici au 31 octobre, pour faire de son pays « l’endroit le plus génial au monde ». « Nos enfants et petits-enfants vivront plus longtemps, plus heureux, en meilleure santé et plus riches, » a-t-il affirmé.
« Le gouvernement le plus à droite depuis les années 1980 »
Un discours que l’ex-Premier ministre Theresa May a boudé, préférant assister à un match de cricket. Dans la matinée, son successeur avait réuni son premier conseil des ministres. Il s’est débarrassé d’une très large partie de l’équipe de Theresa May, opérant un virage à droite et nommant aux postes clés de fervents Brexiters comme Dominic Raab, 45 ans, qui a hérité de la diplomatie, Priti Patel, 47 ans, nouvelle ministre de l’Intérieur, ou Jacob Rees-Mogg, 50 ans, chargé des relations avec le Parlement.
« C’est la purge la plus brutale de l’histoire politique moderne », affirmait le quotidien conservateur Times.
Ce gouvernement est « le plus à droite depuis les années 1980 », soulignait le Daily Mirror (gauche). « Wahoooooou! Nous reprenons le contrôle et vainquons l’establishment pro-Remain (rester dans l’UE, ndlr) » !, s’est de son côté félicité Darren Grimes, un membre de la campagne pro-Brexit lors du référendum de juin 2016, sur twitter.
Estimant que le nouveau dirigeant britannique « met la barre extrêmement haut », Anand Menon, professeur de politique européenne au King’s College de Londres, juge « difficile de voir, cependant, comment il peut atteindre ses prétentions ». « Et pratiquement impossible de voir comment il peut le faire dans les délais qu’il a fixés », ajoute-t-il dans une tribune au quotidien de gauche The Guardian. Car l’échéance du Brexit est dans 98 jours et Boris Johnson a exclu tout nouveau report.
Il a annoncé jeudi que le Royaume-Uni ne nommerait pas de nouveau commissaire européen. « Suggérer qu’il puisse y avoir un tout nouvel accord, négocié en quelques semaines ou mois n’est absolument pas réaliste », a réagi mercredi le Premier ministre irlandais Leo Varadkar.
Boris Johnson devra aussi compter sur la résistance du parlement, où il ne dispose que d’une majorité de deux voix -en comptant les élus de son allié nord-irlandais DUP- et où des élus conservateurs, favorables au maintien de liens étroits avec l’UE, ont promis de lui mener la vie dure. Ainsi, l’ex-ministre des Finances Philip Hammond a annoncé qu’il était prêt à « tout » pour empêcher un Brexit sans accord.
Jeremy Corbyn, le chef du Labour, principal parti d’opposition, a lui appelé à une manifestation jeudi soir pour demander la tenue d’élections législatives anticipées. Une éventualité peu probable. John Curtice, professeur en politique à l’université de Strathclyde, estime que ce serait une « terrible erreur pour les Tories » de le faire, dans une analyse publiée sur le site du quotidien conservateur The Telegraph. Ils atteignent à peine 25% des intentions de vote selon de récents sondages, souligne-t-il, rappelant qu’aux élections européennes, les électeurs ont plébiscité le Parti du Brexit de Nigel Farage, suivi des europhiles du Parti libéral-démocrate.
LQ/AFP