Dix équipes de trois jeunes ont relevé le défi d’écrire et d’illustrer chacune un livre pour enfants en trois jours. Ils seront ensuite distribués gratuitement.
Le mot d’ordre, c’est de s’amuser», sourit Andy Genen, un des sept professionnels encadrant le Bookathon. L’évènement vient de clôturer hier sa troisième édition. Le concept est désormais bien rodé et n’a jamais changé de format : dix équipes de trois jeunes relèvent le défi de concevoir, en seulement trois jours, un livre jeunesse de 32 pages, dont 24 pages d’une histoire originale illustrée. De lundi à hier, les locaux du Forum Geesseknäppchen sous la houlette de Cathy Saraiva du Service national de la jeunesse (SNJ) ont vibré au rythme de la création.
Chaque groupe réunit un auteur, un illustrateur et un graphiste. Ces trois talents complémentaires sont chargés respectivement de l’écriture, des images et de la cohérence graphique. Les dix groupes avaient pour mission de produire un album destiné aux tout-petits, de 0 à 4 ans. Un évènement qui s’inspire de l’esprit du modèle sud-africain Book Dash, qui depuis 2014 vise à offrir des livres illustrés et produits en 12 heures gratuitement pour les enfants.
Sept experts pour les accompagner
Le recrutement était ouvert aux 14-27 ans et a attiré «une diversité de profils impressionnante» indique Cathy. Les auteurs devaient envoyer leurs idées d’histoires, tandis que les illustrateurs et graphistes soumettaient leurs créations personnelles sur le site du SNJ. Cette année, le service est même allé directement dans des établissements scolaires, comme l’Atert-Lycée de Redange, pour faire connaître le concours. Pour cette édition, la moyenne d’âge tournait autour de 19 ans et les participants étaient des artistes autodidactes, ou issus de sections artistiques. Tous partageaient une envie commune : créer un livre qui parle aux enfants, mais aussi «donner une partie de soi et exprimer leur sensibilité» précise l’organisatrice à propos des candidatures. Les albums réalisés seront distribués gratuitement dans les écoles et les associations, ainsi qu’aux particuliers qui en font la demande.
Le Bookathon débute chaque année par un coup d’envoi fait une semaine avant le début des travaux. Les jeunes se rencontrent, découvrent les lieux, se forment aux logiciels et constituent leurs groupes. Les auteurs présentent alors leur idée et les deux autres membres se greffent à lui pour la réaliser. Sept experts les accompagnent tout au long du processus. Le projet est aussi multilingue, avec des livres produits dans les trois langues officielles du pays, et désormais aussi en anglais mais disponible seulement en ligne.
«Un rêve d’enfant qui se réalise»
Dans le premier groupe, Raquel, 22 ans, graphiste déjà présente lors de la première édition, travaille avec Nami, 15 ans, autrice, et Yulie, 19 ans, illustratrice. Leur livre raconte l’histoire d’un capybara qui déménage au Luxembourg et découvre qu’ici, ils l’appellent «cochon d’eau». Il se sent d’abord à part avant de comprendre que, sous ce nom, il reste le même animal. «L’idée m’est venue naturellement parce que j’aime simplement ces rongeurs», plaisante Nami, fière de voir sa première idée originale bientôt publiée. Ce matin du dernier jour, le groupe estimait être à 50 % du travail. Autodidacte, elle travaille avec un logiciel différent de celui proposé par le Bookathon. C’est ce qui «a été le plus dur à mettre en place», raconte-t-elle à propos de l’adaptation aux outils mis à disposition et la cohésion de groupe. «Mais pas de stress!» assure Yulie qui peint à l’aquarelle, alors que la majorité travaille en numérique. Mais elle explique être fière de cette singularité. Raquel ajuste ensuite les couleurs, la netteté et conclut que «ce mélange de styles, c’est ce qui va rendre notre livre unique».
Juste à leur droite, séparées par un tableau exposant un story-board de 32 pages, un deuxième groupe composé de Kelly 17 ans, Léa 16 ans et Sara 17 ans, explique en être à 70 %, ce matin. Elle nuancent tout de même ce chiffre en indiquant avoir encore «beaucoup de détails à régler». Ces dernières s’affairent autour d’une histoire de lion végétarien. «Il est rejeté par les autres car il ne mange pas de viande, mais à la fin, sa différence devient sa force», raconte Kelly, l’auteure de l’idée. L’équipe s’est formée par le désir de réaliser un récit porteur d’une morale, «un message d’acceptation et de tolérance» insiste Kelly.
Pour ces jeunes créatrices, l’expérience est aussi une leçon de collaboration. «Parfois, c’est difficile d’attendre que les autres avancent», admet Sara, «mais justement ça nous apprend à communiquer et à nous organiser. Et au final, dès la première matinée, on savait déjà quand on devait finir telle tâche.» Kelly, qui rêve de devenir vétérinaire, confie que voir son nom sur un livre est «un rêve d’enfant qui se réalise». Les deux autres membres souhaitent poursuivre dans cette voie et pratiquer un métier «pour sûr en rapport avec de la créativité» évoque Sara, qui étudie déjà au Lycée des arts et métiers.

«Notre rôle, c’est de les soutenir»
Pour Andy Genen, un des sept experts encadrant les groupes, l’essentiel était de s’effacer au maximum. «Notre rôle, c’est de les soutenir, pas de leur imposer une méthode académique à respecter.» Présent depuis la première édition, il souligne la persévérance des participants : «chaque année, tout le monde termine son livre, et c’est impressionnant, car même des professionnels auraient du mal à tout boucler en si peu de temps.» Le mot d’ordre, selon lui, reste de s’amuser.
La seule exigence technique porte sur la lisibilité, qui est essentielle pour un public de très jeunes lecteurs (0 à 4 ans). «On leur apprend à penser à l’enfant qui découvrira leur histoire. Il faut que tout soit clair et direct.» Cependant il insiste sur le fait de seulement les mettre sur la voie car «il existe une infinité de solutions et on veut qu’ils utilisent la leur». Andy constate également que cette supervision va dans les deux sens. «Leur énergie brute de création nous nourrit aussi. On apprend d’eux autant qu’ils apprennent de nous. Ce regard neuf, c’est une vraie source d’inspiration.»
Le Bookathon est aussi un évènement qui suscite des vocations. Andy reçoit parfois des messages d’anciens participants lui demandant des conseils et même «des anciens candidats qui arrêtent leurs études pour se consacrer à cet art». Avec Cathy Saraiva, cette manifestation continuera de se produire. «Ça marche très bien, et ça va continuer !» assure-t-elle avec enthousiasme. Lors de cette édition 2025 après trois jours intenses, ce seront, comme depuis deux ans, dix nouveaux livres jeunesse qui rejoindront bientôt les mains des enfants.
