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Bommeleeër bis : mémoire à géométrie variable


La défense évolue dans les méandres de ce qui est son seul véritable argument.

Pierre Reuland et Marcel Weydert doivent être acquittés. Leurs avocats ne voient pas d’autre issue possible. Sans le fin mot de l’affaire, il serait difficile de juger de leur probité.

Comment se souvenir avec précision d’un épisode parmi d’autres survenu il y a 20 ou 40 ans quand on ne se souvient parfois plus de ce qu’on a mangé la veille?

Les souvenirs et la mémoire ont fait un retour peu surprenant dans ce procès Bommeleeër bis. La défense évolue dans les méandres de ce qui est son seul véritable argument pour espérer sauver la réputation et les états de service de ses clients.

Une fois n’est pas coutume, les faits jugés sont tellement anciens que le doute peut être permis en matière d’amnésie ou de mémoire qui flanche.

Les six prévenus alors témoins lors du procès Bommeleeër ont pu mentir sciemment ou inconsciemment à la barre de la chambre criminelle. Tout comme leur souvenirs ont pu leur être induits. Comme cela semble être le cas pour Marcel Weydert.

«Marcel Weydert était un bon policier. Cela ne fait pas de lui un bon témoin», a indiqué l’avocat de l’ancien membre fondateur de la brigade mobile et ancien commissaire en chef.

«Il n’a pas compris comment ces attentats ont pu se produire dans son dos, ni qu’il ait pu faire partie d’une association criminelle à son insu.» Depuis 2004, il a rassemblé toutes les informations au sujet de l’affaire, tout noté jusqu’à envahir tout son domicile de notes ou de coupures de presse.

Cela ne l’aurait pas empêché de se laisser influencer par une légende photo erronée et des propos «suggestifs» de Marc Scheer à son sujet. Convaincu malgré les évidences du contraire, il aurait continué à affirmer qu’il se trouvait sur les lieux d’un attentat et figurait sur une photographie prise après l’explosion.

Une erreur, pas un mensonge ou le faux témoignage dont on l’accuse, selon Me Wies. Une erreur qu’il n’aurait pas commise sans le concours de Marc Scheer et de la légende.

L’acquittement pur et simple

Me Wies a requis l’acquittement de son client, comme le parquet l’avait fait avant lui jeudi dernier. Sa représentante avait réclamé des peines de 5 ans à 18 mois de prison à l’encontre des six prévenus du procès bis pour faux témoignages dans le cadre de l’affaire Bommeleeër. Hier, les avocats des prévenus ont commencé leurs plaidoiries.

Me Assa dégaine ensuite le libellé obscur, le dépassement du délai raisonnable, l’impossibilité des poursuites, entre autres. Le décès de témoins comme Jos Steil et «des responsables du parquet de l’époque» ne permettrait plus de restituer fidèlement les éléments d’enquête de 1985 reprochés à Pierre Reuland, ce qui constituerait un obstacle pour sa défense.

L’avocat critique également le déroulement de la procédure d’instruction. On aurait essayé de mettre des bâtons dans les roues à son client en la clôturant trop tôt, en l’empêchant de consulter le dossier et de demander des devoirs complémentaires.

Pierre Reuland nie avoir été informé de la filature de Ben Geiben. Guy Stebens, qui y a participé avec des agents du SREL, prétend ne plus s’en souvenir.

Jos Steil, adjudant-chef de la brigade mobile et proche de Ben Geiben, avait rencardé ses collègues, mais Geiben ne se serait pas rendu au rendez-vous qu’il avait avec Steil ce jour-là. Le soir même, le 20 octobre 1985, une bombe explosait au palais de justice de Luxembourg sous les fenêtres du juge d’instruction en charge du dossier Bommeleeër.

Il avait émis une commission rogatoire internationale auprès des autorités belges une semaine plus tôt pour espionner Ben Geiben à Bruxelles, où ce dernier vivait depuis qu’il avait quitté la gendarmerie.

Les agents du SREL ont immédiatement pensé avoir été mis sur une fausse piste par Jos Steil pour laisser le champ libre à Ben Geiben afin qu’il pose sa bombe.

«Un dossier pourri»

La mémoire des témoins en matière judiciaire n’est pas une science exacte, enchaîne Me Assa. «Quelle est la valeur du serment de dire toute la vérité, rien que la vérité?», demande l’avocat.

«Ce qui en ressort est la vérité du témoin.» Une vérité qui tant que l’enquête n’est pas résolue serait difficile à infirmer. Exemples du dossier à l’appui, il prouve que tout est possible en fonction des affirmations des uns et des autres.

«Ce dossier est aussi pourri que possible. Il faut que cela cesse», lance-t-il en soulevant ses contradictions. Son client n’a pas commis de faux témoignage.

De plus, pour Me Assa, les déclarations de Pierre Reuland «n’ont pas d’incidence» sur les deux prévenus du premier procès de l’affaire Bommeleeër, «car nous ne connaissons pas leur position», le procès ayant été interrompu avant que les anciens gendarmes aient pu s’exprimer à la barre.

«C’est à la partie poursuivante de prouver qu’il a pu mentir sciemment et que son mensonge a pu avoir une incidence sur eux.» L’avocat réclame «l’acquittement pur et simple» de Pierre Reuland. Nul besoin d’argumenter sur des circonstances atténuantes.