Les avocats de la défense sont tombés à bras raccourcis sur la représentante du parquet. Ils l’accusent de camper sur sa version du secret, malgré l’absence de preuves matérielles.
Ça chatouille, ça gratouille, ça griffe, ça pique et ça irrite, mais le fin mot de l’affaire n’explose toujours pas au grand jour. Les parties civiles veulent à tout prix obtenir une réaction des six prévenus, stoïques, muets et, disent Mes Lehnen et Hirsch, sourds et aveugles depuis le début de l’affaire judiciaire il y a près de 20 ans.
Juste capables de mettre de la poudre aux yeux et de créer un écran de fumée derrière lequel cacher la vérité. Le duo d’avocats est bien décidé à tout prix à éviter «la plus grande erreur judiciaire» à leurs deux clients.
Chaque remarque est retournée à son envoyeur. Un réquisitoire à charge en guise de réplique. Une volée de bois vert à l’adresse des prévenus qui «ne s’offusquent pas de passer pour des incompétents», eux qui étaient responsables de l’enquête ou des forces de l’ordre à l’époque des attentats et n’ont pas poussé plus loin leur curiosité ou leur devoir pour tenter de l’élucider dans les années 1980.
Le duo cite Prosper Klein, le juge d’instruction au moment des attentats, qui était convaincu que le Bommeleeër «était une affaire d’État qui ne devait pas être élucidée».
«Vous arriverez jusqu’à un certain point et puis ce sera fini», avait prédit Pierre Reuland. La représentante du ministère public est persuadée que les six prévenus se présentent «comme des cancres» pour protéger un secret «qu’ils ne peuvent pas dévoiler» :
«Un cercle d’initiés protège Pierre Reuland pour qu’il n’ait pas à avouer ce qui a été découvert à Bruxelles et à Luxembourg». La fameuse piste Geiben abandonnée soudainement sans que personne ne se souvienne pourquoi, ni qui en a donné l’ordre.
De nombreuses questions restent ouvertes. Notamment sur le rôle exact des deux suspects actuels. Par leur «rétention d’informations», les protagonistes de l’affaire «sont tous responsables de la situation actuelle», selon le parquet.
«Ils oublient que l’ordre public est la véritable victime.» Vingt et un attentats, pas uniquement sur des pylônes électriques, ont fait trembler la population et ont créé un sentiment d’insécurité.
«Des investigations alibi»
Les avocats des six accusés de faux témoignages avaient reproché à la magistrate de ne pas avoir suffisamment circonstancié son réquisitoire et d’être restée trop vague.
Lundi après-midi, en cette treizième audience du procès bis, elle a répliqué et expliqué sa «tentative de neutralité». «J’ai voulu cuisiner ce dossier sur la petite flamme. (…) Tout ce que je dis à présent est repris dans mon réquisitoire.»
Toutes sortes de pistes ont été explorées. «Des investigations alibi», indique la magistrate qui ne perd pas un mot sur la fameuse mémoire des témoins. Tout aurait été verrouillé pour éviter les fuites.
«Au vu et au su de tous, on a tenté de cacher la vérité à la justice. C’est une énorme saloperie! Et c’est le travail de chaque parquetier de faire en sorte que cela ne se reproduise plus», a conclu la procureure adjointe.
Me Assa rétorque en ressortant la carte de la mémoire trompeuse. «Le dossier est vide.» Les prévenus n’auraient jamais eu l’intention de nuire ou de porter préjudice aux deux poseurs de bombes présumés en tentant de tromper la justice, répète à nouveau l’avocat qui regrette l’absence de «faits matériels précis».
Leur défense aurait fait «une erreur stratégique» à l’époque – accepter la surséance à statuer – et «tactique» à présent. «Il est probable qu’ils ne voient jamais la fin de ce procès», ajoute l’avocat. «Il est grand temps qu’on en finisse.»
Le ton monte avec Me Pierret. Il critique «l’insouciance» et «l’inconscience» du parquet en 2013 qui aurait fait perdre du temps à tout le monde au lieu de juger les deux prévenus.
Des accusations d’entrave à la justice au lieu des faux témoignages auraient fait perdre moins de temps à l’affaire. «Dites-nous ce que nous savons et que nous taisons si vous le savez!», s’emporte-t-il. «Qu’est-ce que le parquet reproche concrètement à mon client?»
«Mon opposant, ici, s’appelle parquet», note Me Harpes qui en remet une couche en critiquant «sa légèreté» tout en l’accusant «d’illogismes». Tous se braquent contre les autorités judiciaires qui n’auraient pas davantage fait leur travail que les forces de l’ordre à l’époque et les enquêteurs. Preuves à l’appui. Le serpent se mord la queue à travers tout le dossier et la magistrate actuelle ramasse les pots cassés.
Les six prévenus demandent à être acquittés. Leurs avocats ont annoncé leur intention de se battre jusqu’à la Cour européenne des droits de l’homme si besoin. Ce qui retarderait encore davantage l’issue du procès principal reportée aux calendes grecques.
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