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Blocage sur la Moselle : entre plan B et chômage technique


Les sociétés d’affrètement fluvial sont dans la sidération après le grave accident à l’écluse de Müden. Les prochains mois s’annoncent très difficiles. (Photo : archives editpress)

Face au blocage du trafic sur la Moselle, tout le monde n’est pas dans le même bateau. Tandis que les clients peuvent s’en remettre au train ou à la route, les transporteurs fluviaux sont, eux, face à une impasse.

À Müden, au sud de Cologne en Allemagne, la péniche chargée de ferraille n’a pas seulement mis à mal la porte de l’écluse. Tout le trafic fluvial a pris un coup derrière la tête avec cet obstacle qui se dresse désormais en aval pour le Luxembourg, la France et la Sarre. Jusqu’aux réparations, annoncées pour mars 2025, la rivière est donc coupée en deux, ce qui oblige les entreprises et les transporteurs à revoir leurs plans.

Au Grand-Duché, le port fluvial de Mertert et ses clients devraient être les principales victimes de cette interruption du trafic. Et parmi les secteurs économiques dont l’activité passe par la plateforme logistique trimodale, où se rejoignent les transports fluvial, ferroviaire et routier, la sidérurgie se trouve en tête. Chaque année, la société Luxport, principal exploitant du port, expédie 380 barges, dont 200 pour l’acier, soit 400 000 tonnes d’acier.

Impact limité pour ArcelorMittal

Naturellement, les regards se tournent vers ArcelorMittal Luxembourg. Le géant sidérurgique se veut rassurant. «L’accident survenu sur une des écluses situées sur la Moselle en Allemagne devrait avoir un impact limité sur l’activité d’ArcelorMittal au Luxembourg», annonce le porte-parole du groupe. Et pour cause, «seulement 10 % des approvisionnements en mitraille qui alimentent les fours électriques d’ArcelorMittal au Luxembourg et 10 % des expéditions transitent par le port de Mertert».

Malgré tout, le sidérurgiste luxembourgeois ne reste pas passif. Il réfléchit à des solutions logistiques alternatives, «tant à court terme qu’à moyen terme, pour compenser cette perturbation des flux entrants et sortants». Pour les importations, l’une des solutions envisagées se trouve dans le port de Coblence, à une quarantaine de kilomètres au nord de Müden, où les volumes de ferraille seraient réceptionnés, puis acheminés par camion ou wagon jusqu’aux sites luxembourgeois du groupe. Pour les expéditions, le rail est, à ce jour, la piste privilégiée pour envoyer les sections d’acier et les palplanches jusqu’au port d’Anvers.

Pour ArcelorMittal et les entreprises luxembourgeoises qui adopteraient la même stratégie, le blocage de la Moselle jusqu’en mars ne devrait donc pas être une plaie ouverte dans leurs comptes. Les transporteurs, eux, ne peuvent pas en dire autant. «C’est une catastrophe», confie, abattu, le responsable d’une société d’affrètement fluvial. «On parle de la troisième écluse, donc quasiment toute la Moselle est coupée du monde.»

«On est pris au piège»

Actif dans le secteur depuis une vingtaine d’années, il n’en revient pas qu’un accident avec de telles conséquences ait pu se produire : «Un blocage annoncé d’une durée comme celle-là, c’est du jamais vu. Parfois il y a des crues, de la glace ou des bateaux qui se renversent, mais c’est une histoire de jours.»

Privé de son lieu de travail pour trois mois, le Luxembourgeois et son équipe sont donc à l’arrêt. «Pas de rentrée d’argent, donc chômage technique.» Bien que «des contacts et des discussions (soient) en cours» avec les autorités pour parer à ce blocage, il se montre peu optimiste quant aux plans B évoqués. «Si vous prenez Metz-Rotterdam, un bateau va mettre cinq jours pour livrer 3 000 tonnes. En camion, pour livrer en cinq jours, c’est l’opération commando et pas le même prix.»

L’impact pour ses clients, pour qui il transporte surtout des produits sidérurgiques, des matériaux de construction, des céréales, serait donc financier, mais aussi logistique avec un encombrement sur les routes que les bateaux évitent. Le risque est donc que ses clients «achètent leur marchandise ailleurs, car ils ne sont pas liés à la Moselle».

Même si tel n’était pas le cas, la solution que constituerait le train porterait de toute façon un coup à certains transporteurs fluviaux du Grand-Duché. «Les contrats de transport ferroviaire sont en général pour de gros volumes et réguliers. Donc, ce qui va partir dans le ferroviaire, on ne le reverra plus, ou du moins plus pendant un moment.»

«On est pris au piège», résume ce transporteur, qui craint en outre une mauvaise publicité pour le transport fluvial : «Quand il y a un train qui déraille, ça ne prend pas trois mois pour réparer la voie.»

Une écluse provisoire dans un mois ?

Les autorités allemandes plancheraient sur la mise en place d’une écluse provisoire. L’installation, qui serait opérationnelle dans un mois, permettra un fonctionnement dégradé. Ces informations ont été données mardi par le ministre de l’Économie, Lex Delles, à la Chambre des députés lors d’une séance de questions d’actualité. Le gouvernement luxembourgeois a proposé un soutien logistique aux autorités allemandes.

L’accident à l’écluse de Müden aura bien évidemment un impact sur les exportations et importations de marchandises. Les principaux produits arrivant au Luxembourg par le port de Mertert sont de la ferraille, destinée à la sidérurgie, des matériaux de construction, du pétrole et, dans une moindre mesure, des céréales. Pour les réserves de pétrole, il n’y a pas d’inquiétude à avoir selon le ministre : seulement 20 % des livraisons arrivaient via la Moselle. Il n’y aura pas de conséquences dramatiques sur les réserves stratégiques du pays.

Concernant le port de Mertert, il a l’avantage d’être trimodal (rail, route, fluvial), mais la fermeture de l’écluse aura forcément une répercussion négative. Le trafic de marchandises sera basculé sur le rail et la route avec forcément plus de camions traversant le pays, a annoncé Lex Delles.

En 2023, près de 7 millions de tonnes de marchandises ont été transportées par environ 4 500 bateaux sur la Moselle canalisée entre Coblence et Thionville.