L’annonce de la reprise anticipée du trafic fluvial sur la Moselle pour février fait le bonheur des entreprises en chômage partiel mais reste fragile et pose tout de même quelques questions.
Le 8 décembre dernier, lorsque les portes de l’écluse de Müden sur la Moselle, au sud de Cologne en Allemagne, sont arrachées accidentellement par un cargo, tout un écosystème boit la tasse face à l’ampleur des dégâts.
D’après ses premières estimations, l’Office des voies navigables et de la navigation (WSA) Moselle-Sarre-Lahn annonce que la navigation sur la Moselle risque d’être impossible pendant trois mois, jusqu’en mars 2025. Interrogé dans nos colonnes cinq jours après l’accident, le responsable d’une société d’affrètement fluvial luxembourgeoise parle d’une «catastrophe» face à la durée de l’interruption.
«Un blocage annoncé d’une durée comme celle-là, c’est du jamais vu», s’exclame-t-il alors. Finalement, la donne a changé. Fin décembre, la WSA informe que ses techniciens «exploitent toutes les possibilités afin de pouvoir rouvrir la navigation via l’écluse de Müden le 1er février 2025», soit un mois plus tôt que prévu.
«C’est quand même une bonne nouvelle de passer d’un trimestre à un mois et demi, on ne s’en sort pas si mal», se réjouit le transporteur.
80 % des salaires remboursés
Pour lui et son équipe, le bout du tunnel se rapproche doucement. Depuis le 8 décembre dernier, «nous faisons du bricolage et nous occupons de problème informatique mais niveau affrètement, c’est zéro».
«On a essayé d’affréter des bateaux ailleurs, mais ce n’est pas évident de débarquer là où on n’est pas le reste de l’année, surtout avec 70 bateaux en plus qui n’étaient pas prévus», explique-t-il, en référence aux 70 embarcations bloquées sur la Moselle du 8 au 27 décembre.
Pour limiter les dégâts, il s’est tourné vers le Comité de conjoncture, sous la présidence du ministère du Travail, afin de bénéficier du dispositif du chômage partiel en cas de force majeure. Comme lui, deux autres entreprises ont également fait la démarche à cause de l’écluse.
«Pour l’instant, sur le papier, on nous a dit d’accord», fait-il savoir, les discussions ayant abouti sur une prise en charge de 80 % des salaires de janvier par l’État.
Impatience et questionnements
Jusqu’au 1er février et la remise en service de l’écluse, le transporteur ronge son frein : «On est dans les starting-blocks, même si on a encore trois bonnes semaines à attendre avant de pouvoir affréter».
D’ici là, optimiste et inquiétude s’entremêlent. «Tout va se jouer dans les trois prochaines semaines et il ne faudrait pas qu’il y ait le moindre retard car je ne sais pas s’ils ont prévu de la marge mais si c’est le cas, ils n’en ont pas beaucoup.»
Ces derniers jours, le calendrier des travaux de restauration a été menacé par une hausse des crues causées par les récentes précipitations, la neige et le dégel. Le 1er janvier, la WSA précisait sur son site qu’«il ne restait qu’environ 80 cm d’espace sous l’eau jusqu’au bord supérieur du sas d’inspection. Si l’eau s’écoulait dans la chambre via le sas de visite, cela retarderait considérablement l’avancement des travaux».
Le stress promet donc de durer pendant encore un mois, tandis que d’autres questions demeurent.
En décembre, le transporteur faisait part de ses craintes quant à un transfert des contrats de transport fluvial pour le transport ferroviaire, voire la désertion d’acheteurs pour d’autres pays. «Pour les céréales, je pense que certains clients sont partis ailleurs, déjà que nous avions la concurrence de l’Ukraine et du reste du monde», glisse-t-il.
Lors de la réouverture, «on verra bien s’il y a un effet de retour mais je suis incapable de le dire aujourd’hui».
Éviter une hausse des prix
Le volume de demande en février est donc un facteur inconnu avec lequel le Luxembourgeois va devoir jongler. «Notre problématique sera de trouver le bon bateau, aux bonnes dates et au bon prix pour le transporter.» Dans le cas où le trafic sur la Moselle peinerait à reprendre, une hausse des prix de transport pourrait survenir selon lui.
«Traditionnellement, au début de l’année, on commence à baisser les frets. Et si les bateaux viennent en Moselle à un prix moyen et qu’ils repartent à vide parce qu’il n’y a rien ou parce que cela ne paye pas, la semaine d’après, les prix vont monter.»
Pas de quoi l’inquiéter plus que de raison pour autant. Avec 20 ans d’expérience dans le secteur, «on a l’habitude, c’est l’offre et de la demande, on travaille toujours comme cela». Principalement axé sur le transport de sidérurgie, il compte principalement sur les entreprises du milieu afin de remplir les bateaux et repartir de bon pied.