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Bilan de l’ABBL : une année 2024 satisfaisante, mais loin d’être rassurante


De g. à d. : Ananda Kautz, Yves Stein, Jerry Grbic et Camille Seillès ont présenté le rapport 2024 de l’ABBL qui fait état d’une année satisfaisante malgré le contexte mondial. (Photo : julien garroy)

Bien que les résultats financiers 2024 soient globalement meilleurs qu’en 2023, l’ABBL insiste sur les enjeux qui pèsent sur le secteur bancaire, entre attractivité, simplification et cybersécurité.

Au premier coup d’œil sur le rapport annuel 2024 de l’Association des banques et banquiers Luxembourg (ABBL) présenté mercredi, la santé du secteur bancaire luxembourgeois semble de fer. Alors que l’ASBL avait appelé à la vigilance dans son rapport précédent, l’exercice 2024 présente une hausse de 10 % du résultat net en un an, passant ainsi de 6,6 milliards d’euros à 7,2 milliards d’euros de bénéfice. À hauteur de 937,4 milliards d’euros l’an dernier, le total des banques a lui aussi augmenté de 17,4 milliards d’euros (+1,89 %) par rapport à 2023.

Alors, les qualificatifs qu’emploie Yves Stein, président de l’ABBL, pour désigner les deux années précédentes peuvent surprendre : «2023 était exceptionnel et l’année 2024 est une année très satisfaisante». Pour cause, malgré «des résultats bancaires supérieurs à ceux de 2023», le chairman retient surtout que «2024 nous a apporté beaucoup d’imprévisibilité, un contexte géopolitique incertain et une concurrence entre des grands blocs économiques».

Il faut également rappeler qu’entre 2022 et 2023, les banques luxembourgeoises avaient presque doublé leur marge d’intérêts de 6,083 milliards d’euros à 10,268 milliards, augmentant ainsi de 67,3 % leurs résultats nets. En comparaison, l’année 2024 et ses 10,754 milliards d’euros n’ont donc rien d’exceptionnel mais permettent de prouver la solidité, ô combien importante, de la Place luxembourgeoise face à l’instabilité mondiale.

«Tout cela reste fragile»

L’instabilité, Yves Stein l’a rappelée maintes fois lors de la présentation du rapport. «Nous voyons des signes positifs dans certains secteurs économiques, mais on sait que tout cela reste fragile», annonce-t-il. Parmi les bons points de 2024 au Grand-Duché, l’ABBL liste, entre autres, la bonne tenue des revenus nets de commissions, la légère baisse des frais généraux ainsi que les stabilisations du montant des provisions et des impôts directs payés (voir le tableau).

L’objectif est donc d’au moins maintenir ces résultats solides dans un contexte délicat, car «nous avons certainement un consensus pour dire que le monde est devenu un peu plus compliqué», affirme le CEO d’Edmond de Rothschild (Europe) en évoquant la compétitivité accrue entre les blocs économiques tels que les États-Unis et la Chine. Pour éviter les dommages collatéraux, «notre plus grande priorité est, in fine, notre agilité afin de pouvoir se préparer à des incertitudes».

Afin d’être agile, l’ABBL réclame une prise de conscience au niveau européen. Camille Seillès, secrétaire général qui s’occupe entre autres des affaires juridiques, fiscales et réglementaires, assure que «l’Europe doit se simplifier (la tâche) pour rester dans la course». Ce dernier identifie notamment trois défis de simplification réglementaire afin d’augmenter le potentiel d’action des banques : faciliter l’ouverture de comptes aux entreprises, l’accès aux marchés financiers pour les particuliers et l’investissement dans la finance durable.

Attirer les talents à Luxembourg

À l’échelle nationale, l’enjeu est double puisqu’il s’agit aussi de maintenir l’attractivité financière du Luxembourg. «Vous savez que nous sommes en concurrence avec des places comme Dublin, Paris ou Francfort», lance Jerry Grbic, CEO de l’ABBL. «L’attractivité des talents est donc un sujet important pour nous.» Avec 26 148 employés pour 115 banques en 2024, l’emploi dans le secteur reste stable (26 285 en 2023) et ses acteurs cherchent à en faire davantage.

Des membres ABBL ont notamment été jusqu’à Varsovie l’an passé afin «de remettre la place financière de Luxembourg sur la carte de ces jeunes étudiants et de les intéresser à venir». Dans ce sens, l’ASBL a pour but d’améliorer le cadre légal pour les stagiaires et étudie la possibilité de «créer du logement abordable pour des jeunes talents qui rejoignent le Luxembourg».

Pour les particuliers, l’ABBL souhaite continuer de lutter contre les cyberattaques, 2024 ayant connu une hausse de 20 % du nombre d’escroqueries en ligne selon la police grand-ducale. Face à ce fléau, «nos membres ne restent pas les bras croisés», a fait savoir Ananda Kautz, responsable de l’innovation, des paiements et de la banque numérique.

L’ASBL organise notamment la préparation des banques au règlement DORA, une réglementation européenne afin d’accroître la cyber-résilience des organisations financières ainsi que l’arrivée du «Verification of Payee» au Grand-Duché. Ce dernier permettra aux clients de vérifier les informations du bénéficiaire avant un virement instantané à partir d’octobre prochain. Déjà en vigueur aux Pays-Bas, il a permis de «réduire de 70 % le nombre de fraudes».

L’ABBL en 2024

En 2024, «la petite PME qu’est l’ABBL», dixit Jerry Grbic, a attiré 25 nouveaux membres, a organisé 41 évènements réunissant plus de 4 000 participants, a répondu à 23 consultations publiques de l’Union européenne, a réalisé huit études sectorielles, trois guidelines du marché et a donné 50 interviews ainsi que son opinion sur trois projets de loi nationaux.

Majoritairement stables, les chiffres de l’année 2024 ont permis d’avoir un résultat solide malgré les incertitudes économiques mondiales. Illustration : abbl