Le 30 mai 2012, vers 4 h, plusieurs individus avaient cambriolé une bijouterie située rue de la Libération, à Schifflange. Ils s’étaient enfuis avec des bijoux d’une valeur de 37 000 euros. Les traces ADN retrouvées sur les lieux ont permis d’identifier deux hommes. Le premier a été jugé fin 2016. Le second, extradé en juillet dernier d’Espagne, comparaissait jeudi après-midi devant la 13e chambre criminelle. Un troisième individu, au moins, court toujours.
Ils ont vu les trois bacs à fleurs jetés du bord de la fenêtre à l’étage. Ils ont entendu l’alarme de la bijouterie se déclencher. Ils ont vu le bijoutier dévaler les escaliers avec une batte de baseball. Tout cela n’a pas stoppé les malfrats cagoulés dans leur entreprise. Ils se sont enfuis à bord de leur Opel Astra avec des bijoux d’une valeur de 37 000 euros.
Réveillé par un gros fracas, le bijoutier ne s’était pas laissé faire cette nuit-là. «Je suis sorti de mes gonds. Car ce n’est pas le premier vol dont je suis victime. Déjà en 2010 et 2012, j’ai été cambriolé. Quatre semaines auparavant, l’assurance venait toute juste de me rembourser 140 000 euros», a-t-il témoigné, jeudi après-midi.
Avec sa batte de baseball, qu’il avait attrapée au passage, il voulait empêcher les cambrioleurs de prendre la fuite. Après avoir brisé les fenêtres conducteur et passager de leur voiture, il avait littéralement roué de coups l’individu cagoulé qui avait jailli de la vitrine. In extremis, ce dernier avait réussi à embarquer sur le siège passager de la voiture.
«Ce sont les risques du métier»
Un voisin avait filmé la scène avec son portable. Ce qui a permis de la visualiser jeudi à l’audience. Les coups de batte sur la chaussée étaient bien audibles. «Ce sont les risques du métier», a remarqué la présidente quand l’avocat du prévenu a insisté sur la «réaction disproportionnée» de la victime.
Toujours est-il que le prévenu, Dragan P. (47 ans), ne s’est pas longuement épanché sur les séquelles qui lui restent de cette mésaventure. Il ne s’en souvient plus, dit-il. Tout comme le reste de l’expédition, d’ailleurs. «J’ai fait partie du cambriolage.» Ses aveux s’arrêtent là. À part exprimer ses regrets, il n’en dira pas plus.
C’est grâce à ses traces ADN retrouvées du côté passager de la voiture et à une trace de sang au sol qu’il a été identifié. Le véhicule des fuyards avait été retrouvé par une patrouille de police une heure après le cambriolage, à plusieurs centaines de mètres à Schifflange. À côté de la masse et de la pierre ayant servi au cambriolage, les agents avaient également retrouvé deux lampes de poche.
La voiture avait été déclarée volée un mois plus tôt dans la région de Francfort. «C’est un hasard. On ne savait même pas qu’on était au Luxembourg et à Schifflange», a expliqué le quadragénaire en tentant de convaincre les juges. La petite part du butin dont il aurait hérité lui aurait simplement permis de s’approvisionner en cocaïne.
«À l’époque, j’avais beaucoup de problèmes de drogue», appuie-t-il. Quant à ses acolytes, il ne les connaît pas plus que cela, dit-il. «Il ressemble à un chanteur très connu en Serbie», avait-il ainsi déclaré quand l’enquêteur lui avait présenté la photo de Ljubinko D. (52 ans), le premier homme identifié grâce aux traces ADN et jugé fin 2016.
Absent lors de son procès, le quinquagénaire avait écopé de six ans de réclusion ferme. La décision de justice n’a toutefois pas encore acquis force de chose jugée, étant donné qu’il n’a toujours pas été retrouvé par les autorités.
Jeudi après-midi, la représentante du parquet a requis la même peine contre le prévenu Dragan P. Extradé d’Espagne, le quadragénaire se trouve depuis dix mois en détention préventive. Alors que son avocat Me Eric Says a demandé à la chambre criminelle de prendre en considération la «peine naturelle» qu’il a reçue sur les lieux du crime, la représentante du parquet a soulevé que la réaction du bijoutier ne pourrait pas être retenue comme circonstance atténuante.
«Dragan P. était animé par une véritable énergie criminelle et de sang-froid, soulève-t-elle. Le bijoutier a juste défendu ses biens.» Selon le parquet, le prévenu n’aurait pas non plus fait des aveux précis et circonstanciés.
Prononcé le 8 mars.
Fabienne Armborst