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Bibliothèques : «Cette loi va permettre d’aller mieux, mais il va manquer encore un peu»


Le projet de loi prévoit un soutien financier accru aux bibliothèques. (Photo : archives editpress/tania feller)

L’Albad a examiné le projet de loi 8523 portant sur les bibliothèques. Il y a sans conteste du mieux, mais…

Comment se portent les bibliothèques dans le pays? «On va bien, mais si on avait plus, on pourrait faire des choses incroyables et aller beaucoup mieux», résume dans un grand sourire Estelle Beck. La présidente de l’Association luxembourgeoise des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (Albad) a récemment rendu un avis sur un projet de loi à la Chambre. Estelle Beck a bien voulu commenter pour Le Quotidien ce texte législatif qui vise à renforcer et structurer le paysage des bibliothèques au Luxembourg.

Dans les 15 bibliothèques publiques que compte le Luxembourg, «le public est au rendez-vous», constate-t-elle. Idéalement, il faudrait, reprend Estelle Beck, «plus de bibliothèques à l’Ouest (NDLR : cette zone du pays représente une zone blanche), plus d’annexes, plus de belles bibliothèques de quartier, plus de ressources, plus de bâtiments adaptés, plus de personnel… Et ça marcherait du tonnerre», assure-t-elle, enthousiaste.

Déjà examiné à deux reprises en commission, le projet de loi 8523, élaboré par le ministère de la Culture, prévoit de soutenir davantage financièrement les bibliothèques publiques et spécialisées par le biais d’un système d’aides financières «plus flexible». Par exemple, l’indexation devrait faire son apparition – le montant des aides n’avait pas bougé depuis 2010.

Quant aux budgets, ils seront séparés par «pots» : un financement pour le fonctionnement, un autre pour les acquisitions ou la numérisation, au lieu d’une enveloppe unique où il fallait parfois choisir entre dépenser pour des livres, payer un salaire ou financer un événement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : de 677 000 euros prévus en 2025, les aides étatiques grimperaient à 1 373 500 euros en 2026.

Différence entre les bibliothèques

Pour densifier le réseau des bibliothèques sur le territoire, l’État proposera 100 000 euros à la création d’une bibliothèque et 50 000 euros à l’ouverture d’une annexe dans une grande commune. «On s’est quand même posé la question de savoir si 100 000 euros étaient suffisants. Parce que si on considère tout le mobilier, les livres et ne serait-ce qu’un salaire d’un bibliothécaire, ça va assez vite», souligne Estelle Beck. Le texte prévoit aussi l’attribution de 25 000 euros d’aides annuelles pour les achats, mais jusqu’à combien et sur quels critères? Sans barème transparent, des décisions inégales sont possibles, regrette-t-elle.

Quant aux aides de fonctionnement (45 000 euros pour les grandes bibliothèques, 70 000 euros pour les petites structures), elles enverront une bouffée d’oxygène, c’est certain. Estelle Beck reprend : «Aider ceux qui ont le moins de moyens potentiels nous a paru également assez logique», mais «45 000 euros, ce n’est même pas un salaire dans une structure qui compte souvent huit ou neuf personnes», pointe-t-elle encore.

Autre point que l’Albad aimerait voir démêlé avant l’adoption du projet de loi : l’amalgame de deux types de bibliothèques, les publiques et les spécialisées. L’association aurait souhaité deux projets de loi distincts. «Là, c’est une grande ratatouille alors que, concrètement, les missions d’une bibliothèque spécialisée ne sont pas tout à fait les mêmes que celles d’une bibliothèque publique.»

Le texte, s’il a de nombreux points positifs, semble donc présenter des insuffisances. «Cette loi va permettre d’aller mieux, mais il va manquer encore un peu», conclut Estelle Beck. Elle n’est pas la seule à se poser des questions. Le Conseil d’État a pointé en juin des «lacunes» et son avis comprend de nombreuses oppositions formelles. Le débat en séance plénière devrait avoir lieu en avril 2026.

La bibliothèque idéale

Pour Estelle Beck, la bibliothèque idéale, c’est un établissement situé en pleine ville. Central, mais surtout confortable. «Mes collègues et moi n’arrêtons pas de le répéter, plus la bibliothèque est belle, plus sa fréquentation sera grande», comme l’a prouvé la Bibliothèque nationale au Kirchberg. «Il suffit d’aller voir aux Pays-Bas, ils ont une extraordinaire politique en matière de bibliothéconomie (NDLR : c’est l’ensemble des techniques de gestion et d’organisation des bibliothèques). Les bibliothèques là-bas sont top, elles ont les ressources nécessaires. Et ça marche du tonnerre. Les gens restent, s’installent, discutent, travaillent… parfois il y a un café. C’est fini le public qui vient, emprunte et repart aussitôt. Les bibliothèques ici au Luxembourg sont toutes demandeuses de ça.»

Et si l’on parle vraiment d’idéal, alors il faudrait plus de bibliothèques. «Au moins une par commune de X habitants et ça serait un bond formidable. Mais on ne peut pas proposer ça, parce que c’est une question d’autonomie communale», soupire la jeune femme.

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