Pascal Casel, directeur plateforme et diversification chez RTL, a pris du temps pour nous expliquer le projet de streaming porté par son service, qui pourrait révolutionner le foot grand-ducal et son image.
Dans le passé, RTL a pu avoir certains différends avec les clubs de l’élite, qui lui reprochaient de venir filmer leurs matches dans leurs stades sans contrepartie et en exigeant qui plus est que lui soient fournies des conditions optimales pour produire des images pour son propre intérêt. Tout est oublié, tout est pardonné. Le développement du foot luxembourgeois est visiblement devenu une priorité immédiate pour tout le monde. Et lors du vote de lundi, au Verlorenkost, RTL, déjà privilégié par la FLF, s’est vu ouvrir une voie royale pour modifier en profondeur les habitudes de consommation du football au Grand-Duché. Cela méritait bien une interview avec Pascal Casel, parce qu’accoler foot et télé au Grand-Duché, cela devient vite passionnant.
Vous avez quasiment fait l’unanimité lors du vote de lundi soir auprès des clubs de DN et PH, autour de l’appel d’offres sur l’installation de caméras dans les stades et du streaming qui va avec. Une belle victoire ?
Pascal Casel : Tout à fait. C’est notre projet dans sa totalité, le concept, la technologie, la plateforme que l’on met à disposition… qui ont séduit. Et puis, ces dernières semaines, nous avons fait nos preuves, avec l’installation des caméras tests. Et puis, il y a notre notoriété. Vous savez, RTL est le site le plus visité au Luxembourg par le monde du sport, surtout les jours de matches. Il ne nous manquait vraiment plus que la vidéo, avec des live, des replay, différents formats, mais aussi des reportages. C’est vraiment un projet global. Qui d’ailleurs ne s’arrêtera pas au seul football. Nous allons toucher plein d’autres sports, on discute avec plusieurs fédérations. C’est une liste qui peut s’étendre et tout le monde est convaincu que l’on aura du succès.
On n’a toujours pas bien compris quelle était la durée du contrat…
On est partis sur… plusieurs années.
C’est-à-dire ?
Plusieurs années.
Ce qu’il y a de plus basique dans le contrat ?
Une caméra par stade de DN ou de PH pour démarrer. Et un « coaching pool », un outil d’analyse des équipes, à destination des entraîneurs.
Et des statistiques ?
Pas besoin de statistiques.
Et tout sera équipé pour le 23 août ?
Si vous avez lu l’article de vos confrères du Tageblatt, j’ai dit « le plus vite possible ». Je n’ai pas dit le 23 août. Tout dépend des prochains jours, des rendez-vous que nous aurons avec les communes pour parler des infrastructures. Il nous faut des autorisations. Certaines ne sont encore même pas au courant. Donc, on va lancer tout ça ces prochains jours. Il nous faut aussi garantir une certaine connectivité, car on aurait beau avoir des caméras hyper-performantes, si on n’a pas la connectivité… Mais on est associés à la Poste dans cette aventure et il n’existe aucune autre société mieux lotie à ce niveau.
Vous êtes-vous lancé dans cette aventure avec la certitude d’obtenir un retour sur investissement ? Avez-vous prospecté pour savoir si cette affaire faisait sens ou y avez-vous juste répondu parce que c’était presque une obligation ?
Moi je suis persuadé que cette démarche s’inscrit dans un écosystème de communication, et ça, c’est notre métier ! On met en avant la promotion du sport. On est une maison de médias et notre but, c’est d’apporter de l’image et de l’info aux gens. Là, il y avait une nouvelle opportunité. Ça entre comme une belle pièce dans un grand Lego. C’est une construction et c’est logique. Je suis persuadé aussi que cela aura un double effet positif. Le premier, c’est que le streaming va booster le foot parce qu’on produit déjà du streaming depuis un certain temps (NDLR : sur un match par journée de championnat) et que cela a du succès. Le second, c’est que contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, cela ne va pas entraîner une désertification des stades. Bien au contraire. Nous allons rendre les clubs plus visibles, plus présents. Et comme rien ne remplacera jamais l’ambiance d’un stade, cela risque d’attirer les gens. Ils vont mieux suivre leur équipe et le feedback que l’on reçoit de l’étranger nous le dit.
Quelques milliers de personnes suivent nos streamings actuellement
Vous parliez de vos audiences sur le match unique proposé en streaming depuis quelques années. De quoi parle-t-on, exactement ?
Quelques milliers de personnes. Pas 10 000, mais quelques milliers en tout cas. Tout dépend de l’affiche.
Qui la choisissait ?
C’était notre choix, à RTL. Même si la FLF pouvait nous faire des suggestions et que nous avions des discussions.
Rentrons concrètement dans ce qui sera proposé aux gens. Fuchs Sports nous avait expliqué qu’il voulait mettre en place une plateforme dédiée et répercuter l’intégralité des contenus sur les sites des clubs. Vous, que proposez-vous ?
Tous les streamings seront disponibles sur RTL.lu. Et si un club a besoin de ses images, bien évidemment, il peut les avoir pour son site. Pareil pour la fédération d’ailleurs, si certaines images l’intéressent. L’émission Goal continue et on en produira d’autres sur d’autres sports également. Mais pour le foot, nous produirons également d’autres formats. Une des idées qu’on a, par exemple, c’est de mettre en place une sorte de but de la semaine, ou du mois, ou de l’année… Maintenant, c’est quelque chose que l’on pourra proposer, puisqu’on aura absolument tous les buts.
Des résumés après les matches ? Oui, pas de souci. C’est prévu
Des résumés après les matches ?
Des résumés après les matches ? Oui, pas de souci. C’est prévu.
Longtemps après ?
Je ne vais pas vous donner un timing à la minute près, mais assez rapidement.
Cela demande un staff conséquent pour RTL ?
(Il sourit) On aura le staff nécessaire, ne vous inquiétez pas. Ça fonctionnera.
Vous aussi avez trouvé le positionnement de la FLF, 72 heures avant le vote et clairement pro-RTL, légèrement maladroit ?
Ce n’est pas à nous de juger.
Il se murmure qu’il aurait de toute façon été difficile de ne pas vous choisir vu le contrat de sponsor que vous possédez avec elle…
La fédération a pris position d’une certaine façon. Je dirais que seule notre offre a fait la différence, rien d’autre.
Tout ce beau projet est venu de la Ligue de football luxembourgeoise. Si cela semblait si nécessaire à RTL d’aller dans ce sens, pourquoi ne pas l’avoir fait plus tôt, de vous-mêmes ?
Mais on y pense depuis quelques mois à ce projet. Les discussions ont été entamées depuis plus d’un an.
Mais ce n’est pas venu de vous.
Mais l’important, c’est que la technique a évolué. Les premières caméras que nous avions pu voir pour un tel projet ne nous satisfaisaient pas. Il fallait un minimum de qualité pour des reportages. Alors oui, oui, on aurait pu démarrer quelques mois plus tôt. Mais avec quels moyens l’aurait-on proposé ?
Tiens, puisqu’on parle des caméras, Fuchs Sports a bâti une partie de son argumentaire, pour vous passer devant, sur le fait que ses caméras étaient plus performantes. C’est de bonne guerre ou légèrement erroné ?
Je ne peux pas juger de la qualité de leurs caméras : je n’ai pas vu ce dont elles sont capables. Oui, j’ai vu les vidéos commerciales qui tournent sur leur site de présentation, mais c’est du marketing, ce n’est pas assez pour juger. Nous, on a testé nos caméras, en long, en large et en travers. Nos experts en interne en connaissent un rayon et, croyez-moi, elles sont adaptées pour ce projet et, croyez-moi, elles seront au moins aussi bien que celles de Fuchs.
C’est un gros investissement pour RTL ?
Oui, c’est un gros investissement. Je ne vous dirai pas combien.
Ces caméras sont équipées de l’intelligence artificielle et elles couvrent tout le terrain en permanence
Mais ces caméras, elles sont fixes et ne nécessitent plus que vous envoyiez des équipes sur place, non ? C’est la logique de la chose ?
Non, effectivement, on ne doit plus se déplacer sur chaque match. Ces caméras sont équipées de l’intelligence artificielle et elles couvrent tout le terrain en permanence. Tout est filmé, mais nous, sur le streaming, on ne montre que ce qui concerne l’action. Par contre, tout le terrain reste à disposition. Si un entraîneur veut par exemple montrer à sa défense qu’il estime qu’elle n’a pas bien joué le contre, il pourra le faire en sélectionnant la partie de terrain qui montre, justement, comment sa défense était positionnée.
Il était question, fut un temps, de mettre aussi à la disposition des clubs des caméras qui couvrent les terrains d’entraînement pour filmer les entraînements. L’idée est encore d’actualité ?
Démarrons déjà avec une caméra, la suite, on verra après. Je vous avoue, j’aurais préféré que nous trouvions cet accord il y a six mois, pour avoir déjà plus avancé. Surtout si les caméras sont très nécessaires parce qu’on se retrouve dans des conditions de huis clos.
On parle de streaming au sens le plus strict du terme ? Il n’y aura pas de ralenti sur les actions de but par exemple ?
Non, pas de ralenti pour l’instant.
Et avez-vous prévu des formations pour les gens qui s’occuperont de la gestion de votre matériel pour les clubs ?
Bien sûr. Mais ce ne sera pas très compliqué ni très long : c’est un système très intuitif.
Les clubs espéraient pouvoir retirer un peu d’argent de ce nouveau système, grâce à la publicité. Fuchs leur garantissait plusieurs milliers d’euros par an grâce à sa régie. RTL va-t-il mettre la main au pot ?
Tout le monde demande toujours beaucoup. De notre côté, on a conservé notre stratégie de bout en bout et les clubs auront des retombées.
Faut-il comprendre que sont celles qu’ils se créeront eux-mêmes ?
Quand vous posez la question de savoir s’ils auront des retombées supplémentaires, vous répondez vous-même à la question. Nous, on a notre régie publicitaire, notre stratégie et on va la mettre en place. Ce système de streaming, pour les clubs, c’est un argument supplémentaire, un attrait qui plaira aux annonceurs. Oui, ils auront plus d’opportunités.
Tiens, d’ailleurs, pourquoi, d’un coup, la PH a-t-elle été associée au projet alors qu’il n’était question que de la DN dans un premier temps ?
Parce que cela fait sens. Le but n’a jamais été d’exclure qui que ce soit. Finalement, on a pris la PH en compte.
Une équipe de PH qui descend en D1 perdra-t-elle sa caméra ?
Non, elle ne les perd pas. Ni le système pour l’aide au coaching. On ne va pas les pénaliser. Le but, c’est de pérenniser. On ne va pas s’amuser à démonter la caméra de celui qui descend pour aller la remonter chez celui qui monte.
Avez-vous l’impression que ce que vous allez mettre en place ces prochains mois va révolutionner le football grand-ducal ?
J’espère que les joueurs joueront encore mieux en sachant que les caméras sont là en permanence. Ce serait cool. Je pense que cela va amener une nouvelle dynamique. En tout cas, cela sera plus valorisant pour tout le monde. Nous voulons promouvoir l’écosystème sport, migrer vers une nouvelle ère, changer l’image qu’il peut avoir auprès des fans de sport.
Pensez-vous que vous aurez quelques sueurs froides en début de championnat ?
(Il rit) Non. On a l’expérience, c’est notre métier. Je ne sais pas si j’aurai des sueurs froides les premières journées de championnat que nous ferons, mais ce n’est pas prévu, non.
Entretien avec Julien Mollereau