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[BGL Ligue] Le coach d’Hostert, vieux mais efficace : «C’est le meilleur Thomé qu’on ait jamais vu»


Vieux ? Lui ? (Photo : mélanie maps)

S’il s’impose à Rosport, dimanche, Hostert et son budget de 300 000 euros sera officieusement maintenu. Un petit chef-d’œuvre réalisé par le plus vieux coach de DN, et de loin.

Vous vous amusez ?

Marc Thomé : Je passe vraiment une super saison, même si ce n’était pas prévu. Pour moi, c’est une surprise. On a été la première équipe de PH à éliminer une DN en barrages depuis 2017 (NDLR : Käerjeng, 1-3, après prolongations, sachant que le dernier club de PH à avoir remporté ce genre de match était déjà Hostert), puis on a eu la chance de bien se renforcer. Mais surtout, on a une équipe qui avait déjà l’expérience de la DN, contrairement à Rodange ou Bettembourg, qui étaient loin devant nous la saison passée, mais qui sont loin derrière nous cette saison. Bon, et puis on a un Avdusinovic qui marque comme il respire. Je lui demande, des fois, comment c’est possible? Avant, il avait marqué quoi? Huit buts en cent matches de DN (NDLR : en fait, quatre en quatre-vingt-trois matches)?

Il y a trois ans, j’aurais pris leur radio et je l’aurais balancée par la fenêtre

Est-ce que la réponse à cette interrogation de savoir ce qui se passe pour Avdusinovic, cela pourrait être… vous? Marc Thomé ?

J’ai toujours eu la chance d’avoir des attaquants assez exceptionnels. Bensi à Rumelange, Soladio à Rosport, Luisi à Differdange ou Esch, Louadj à Grevenmacher… Je pense que ce qui les a rendus aussi prolifiques à ces moments-là, c’est la liberté que je leur laissais et que d’autres ne leur auraient peut-être pas donnée. Et la confiance. Parce qu’un Kenan, ce n’est pas facile à gérer, hein! Il veut tout le temps marquer! Je le mets sur le côté gauche et souvent, il se retrouve en position d’avant-centre! Et son travail défensif, la même chose qu’avec Luisi : c’est limite! Moi, j’accepte. D’autres coaches ne le font pas. J’accepte et je l’explique à l’équipe et on travaille pour lui. Après, la seule fois où cela n’a pas vraiment marché pour moi avec un grand attaquant, c’est avec Abreu à Differdange, qui était souvent douzième homme. Mais quand il y a la concurrence d’Er Rafik ou Caron et la pression du résultat, ce n’est évidemment pas la même chose. C’est plus facile de laisser un Kenan jouer à Hostert…

C’est souvent un enjeu de coaching, le rapport aux nouvelles générations ainsi que la façon de les gérer. C’est encore plus dur quand on a passé les soixante ans ?

J’ai quand même une certaine renommée auprès des joueurs. On dit souvent que je suis un fou, mais on peut rigoler avec moi. Je continue de bien m’entendre avec mes joueurs, même si ils sont toujours sur leurs portables et que ce n’est plus comme de mon temps, quand tous les joueurs sortaient ensemble. Sinon, il y a toujours deux ou trois clowns dans une équipe et certains entraîneurs ne supportent pas ce genre de profils. Moi, je pense que j’accepte même de rigoler de moi-même. Par exemple, je sais très bien que les joueurs imitent ma façon de marcher, de boîter, mais attendez quand j’aurai mon nouveau genou!

Votre nouveau genou ?

Je vais me faire opérer dès que la saison sera terminée. J’ai attendu toutes ces années pour ne pas avoir à me faire réopérer une deuxième fois. Mais dès que ce sera fait, je vais reprendre la musculation, la course et bientôt, je pourrai faire des exercices à l’entraînement avec eux. Je ne veux pas qu’ils puissent penser « il est nul le vieux, il ne sait pas de quoi il parle« . Je veux qu’ils voient ce que je valais quand j’avais leur âge. Même si l’arrivée de la vidéo en DN nous aide bien aussi à leur prouver nos compétences en pointant par l’exemple ce qu’on leur dit. En général, ils nous répondent que ce n’est pas vrai, mais maintenant, on a les images.

Êtes-vous souvent confronté à des gens qui vous disent que vous êtes trop vieux ?

Bien sûr que je l’entends beaucoup. Tout le monde le dit : «qu’il reste à la maison, il continue de s’entraîner à l’ancienne!»

Et ?

Et c’est faux. Je m’entraîne totalement différemment qu’il y a trois ans. Déjà parce que j’aime m’entourer de collaborateurs plus jeunes qui m’apportent des choses, mais aussi parce que je passe beaucoup de temps sur internet à observer ce qui se fait. Moi, je dirais que c’est le meilleur Thomé qu’on ait jamais vu.

Le coach est donc différent d’« il y a trois ans« . Et l’homme ?

Une anecdote : dimanche dernier, avant le F91, j’ai fait un discours qui disait que je n’avais pas envie qu’on signe un troisième non-match consécutif après Bettembourg et le Fola (NDLR : même si ce dernier s’était soldé par un succès). Et que font mes joueurs avant le match? Ils mettent la musique et ils dansent! Il y a trois ans, j’aurais pris leur radio et de rage, je l’aurais balancée par la fenêtre. Vous voyez, j’ai changé…

Je dis souvent à Henri d’arrêter de faire la gueule. Cela prouve bien qu’il est vieux et que moi, je suis jeune!

Et la nouvelle génération d’entraîneurs ? Comment la trouvez-vous ?

J’aimais beaucoup un Marco Martino, même si on a écrit beaucoup de choses sur lui qu’il ne mérite pas. Et d’ailleurs, je tiens à dire que je trouve fou qu’on vire un entraîneur qui a des résultats. En général, les jeunes coaches me paraissent très différents de nous et cela dépend bien évidemment beaucoup non pas de l’endroit d’où ils viennent, mais de leur corps de métier. Certains n’ont même pas l’UEFA A, ce que je trouve incompréhensible et d’autres font beaucoup de travail vidéo parce qu’ils ont fait de l’analyse avant. Ils voient le foot très différemment. Mais en même temps, et c’est aussi à ça que je me rends compte que je vieillis : de moins en moins de gens me connaissent. Les quatrièmes arbitres, par exemple, viennent de plus en plus des divisions inférieures. Même s’ils sont briefés sur moi et qu’on leur dit « celui-là, tu me le calmes direct parce que c’est un fou« , je vois bien qu’ils ne me connaissent pas. Les jeunes… Mes joueurs, quand on a affronté le Fola, ne savaient même pas qui était Ronny Souto, le coach eschois. Alors que c’était un joueur incroyable et cela fait combien de temps qu’il a arrêté? Cinq ans? Je trouve ça grave. Nous, à notre époque, on connaissait encore les joueurs qui avaient arrêté trente ans avant notre époque. Les jeunes ne sont pas accros au foot. Certains ne suivent même pas les matches. Ils ne connaissent pas les résultats de la Ligue des champions!

Pour revenir à vos pairs, avez-vous eu l’impression que le « vieux«  Marc Thomé a fait la nique, tactiquement, à certains, cette saison ?

Oui, j’ai eu cette impression, grâce à certains changements notamment, opérés pendant les matches. Il m’est arrivé, souvent, de mettre des joueurs sur le banc alors qu’ils auraient dû être sur le terrain, dans le onze de départ. Des joueurs que je rentre au moment où le match se décide, comme j’ai pu le faire la saison passée avec M’Barki. Oui, cette saison, on a remporté certaines rencontres en fin de partie grâce à des garçons qui auraient dû être sur le terrain en début de match.

Hostert, ce sera forcément votre dernier club ?

Quand j’étais plus jeune, je voulais toujours aller plus haut. J’ai quitté Rumelange pour Grevenmacher parce que c’était mieux. Puis j’ai quitté Grevenmacher pour Differdange… Mais maintenant, je me dis que oui, cela pourrait être mon dernier club – je me disais aussi ça de Käerjeng avant qu’on me vire par manque de patience – : je suis retraité, je pense foot 24 heures sur 24, ma santé est bonne et le stade sera bientôt un bijou. En plus, on me fait confiance ici et je ne l’oublie pas. Quant à l’âge… Henri Bossi a six ans de plus que moi et il était encore sur un banc la saison passée. La dernière fois que le club s’était maintenu aussi tôt dans la saison – si on y arrive –, c’était avec lui, mais c’était seulement à quatre journées de la fin. Cela prouve que je suis meilleur que lui (il rit). Je pourrais lui dire, mais il va encore ronchonner. Je lui dis souvent d’arrêter de faire la gueule. Cela prouve bien qu’il est vieux et que moi, je suis jeune!