Dimanche, Differdange a remporté son match contre Bissen sur un exploit individuel invraisemblable de sa recrue camerounaise, Boris Mfoumou. Et s’il marquait la DN de son empreinte?
C’est un moment suspendu dont les 850 spectateurs du Parc des sports d’Oberkorn se souviendront parce qu’il est finalement assez rare, en Division nationale, d’entendre un stade gronder pour autre chose qu’un but ou une grosse faute. On joue la 36e minute de la reprise, c’est un FCD03 – Bissen et Boris Mfoumou vient, enfin, de commencer à écrire son histoire personnelle au Grand-Duché.
Élastico, double-contact, extérieur…
Il a déjà fait mal à Brandon Soares sur un premier coup de rein. Après avoir fait mine d’attaquer la passe appuyée de Juan Bedouret et l’avoir laissé filée entre ses jambes pour mieux se retourner et attaquer la profondeur. Mais le long de la ligne de touche, l’ancien défenseur de la Jeunesse décroche la caravane et parvient à revenir. Pour mieux se refaire éliminer, juste derrière : «élastico» ronaldesque qui se transforme en petit pont.
Un geste dingue qui est l’une des spécialités de Mfoumou et que le pourtant expérimenté défenseur n’a même pas la présence d’esprit d’interrompre en retenant le bras du Differdangeois. Mystifié, Soares. Mfoumou s’attaque alors à la deuxième partie de son bijou : incruster aussi Lenny Almada dans sa petite légende perso. Ça tombe bien, voilà justement l’ancien Racingman qui arrive pour l’intercepter dans la surface. Et qui se prend, lui, un crochet coup de vent à la limite du double contact. Il le laisse sur place et à trois mètres du ballon, avant le centre en retrait impeccable… de l’extérieur du pied droit, pour la reprise de Franzoni.
Une fois que le ballon a franchi la ligne et que le FCD03 a ouvert le score, ce n’est pas vers le buteur qu’Andreas Buch et Rafa Pinto vont se diriger. L’instinct les conduit directement vers… Mfoumou, «simple» passeur. Pendant que, juste à côté, Soares vient seulement de revenir et finit par s’écrouler au sol, terrassé par le sublime enchaînement dont il est la plus grande victime.
Trente secondes plus tard, Mfoumou, sobrement… applaudira la tribune. Pour lui, c’est un commencement. Depuis son arrivée, ce genre de provocations balle au pied, il les a multipliées. Pas mal sont passées, mais jamais aucune n’avait jusque-là été suivie d’effet. Aucun but, aucune passe décisive, pour un garçon de son talent, capable de gestes comme ceux-là, c’est pire que tout : cela énerve tout le monde plus que cela n’enchante.
Les adversaires comme les coéquipiers. Ou les dirigeants, qui paient moins pour le spectacle que pour les résultats. Le Camerounais lui-même l’a reconnu : «Ça fait du bien. Ce genre de geste, pour moi, c’est naturel, j’aime provoquer et prendre des risques. Mais là, je n’avais pas encore été décisif et ça me dérangeait.»
«C’est un Achraf Drif qui va vite»
Il n’y avait pas encore de malentendu. Et pourtant, on a l’impression que c’est ce qui vient d’être levé : ce garçon a tout pour rendre les gens fous, au Grand-Duché. Les défenses adverses comme les spectateurs, qu’ils soient supporters du FCD03 ou pas. Pour Artur Abreu, qui s’y connaît en élimination de défenseurs, Boris Mfoumou est «un Achraf Drif qui va vite» et avec cette caractéristique troublante de ne jamais donner d’indication sur la direction qu’il prendra dans son dribble.
«En tout cas, il n’y en a pas beaucoup eu, des comme ça. Vu de la tribune, qu’est-ce que c’était beau ce qu’il a fait… Il va faire très très mal.» Et il a même le loisir de prendre son temps pour remettre le couvert, appuie Geoffrey Franzoni, son capitaine : «Sur mon but, c’est lui qui fait tout le boulot. Sur cette action, on a vu toute sa qualité. Il va en faire plein des comme ça. Même si cela ne passe qu’une ou deux fois par match, qu’il continue! Qu’il ne s’arrête pas!»
Les dirigeants differdangeois avaient littéralement perdu le sens de la mesure quand ils sont parvenus à un accord avec Boris Mfoumou, mais il y avait de quoi, finalement. De mémoire, le mot «pépite» a été utilisé. C’était juste avant que le club du Fortuna de Mfou (à croire qu’il avait été baptisé en son honneur) ne se rende compte qu’il aurait peut-être dû se montrer plus gourmand, alors qu’au moment où se scellait le départ de son ailier, les Lions indomptables l’appelaient subitement pour deux matches.
C’est avec cette encombrante réputation de néo-international de la 51e nation mondiale qu’il a débarqué. Il vient de la justifier complètement en un raid de quarante mètres. Qu’il nous ressorte encore deux ou trois monuments de la sorte d’ici à fin août et l’on risque de ne plus parler beaucoup de Guillaume Trani et Jorginho, cet automne.