Karim Idha fait une recrue hivernale décisive avec un Bettembourg qui se reprend à rêver de maintien. Dire qu’Olivier Baudry l’a débusqué sur un test organisé par… Rodange!
Olivier Baudry était un peu hors de sa zone de confort et de son image traditionnelle quand, d’un coup, il s’est montré mystérieux à l’évocation du recrutement de Karim Idha, quelques mois plus tôt. «Je l’ai vu sur un match test à Rodange», a-t-il distraitement lâché, sur un ton énigmatique, mais pas dénué non plus d’espièglerie. D’où la question : À Rodange, ou DE Rodange? «Disons que j’ai appris qu’ils organisaient ce match, cet hiver, avec énormément de joueurs à l’essai et j’y suis allé discrètement, en me cachant un peu, pour regarder. Ils n’étaient pas trop contents quand ils m’ont découvert.»
L’histoire est cocasse. Drôle, sans aucun doute. Et pour Bettembourg, surtout très rentable. De l’espionnage industriel de haute volée qui débouche sur une réussite totale. Signé la veille de la fin du mercato, arrivé avec un genou à soigner, intégré lentement juste avant que ne commence le ramadan, l’ancien Montpelliérain est déjà devenu incontournable… en plein jeûne : trois buts et une passe décisive sur les trois dernières journées de championnat. Avec lui à la baguette, le promu vient de battre Mondercange (2-1) et Hostert (1-3), deux candidats dans la lutte au maintien. Et alors que vont se présenter Rosport, Rodange et Wiltz à l’occasion des 23e, 25e et 26e journées, soit autant de finales à remporter, il serait tentant de se dire que le barragiste, pointé à un petit point de Wiltz, a trouvé son facteur X.
Rodange pour l’été, Hostert pour tout de suite
Ce n’était pourtant pas du tout le profil que recherchait initialement Bettembourg. Rodange non plus d’ailleurs, qui envisageait de signer le garçon, mais seulement en été, puisqu’il avait des impératifs hivernaux sur d’autres postes, en défense centrale notamment. Hostert, qui l’a essayé aussi dans la foulée, était chaud et il y avait presque un contrat sur la table, mais c’est le garçon, cette fois, qui a décliné «parce que certaines choses ne m’avaient pas trop plu». Qu’est-ce qui a convaincu Baudry d’y aller franco, lui qui recherchait un avant-centre et se retrouve avec un milieu de terrain formation «6» ou «8», qu’il a aussi utilisé en «10» quand son état de forme ne l’autorisait pas à jouer ailleurs? «Une vraie maturité dans le jeu. Il amène de l’envie pour ce qui est de la création et de la qualité à la récupération du ballon.»
L’envie, c’est bien, les points, c’est mieux. Et Idha amène des statistiques aussi, puisqu’il est impliqué sur quatre buts en trois titularisations et 241 minutes. En général, les clubs recrutent des joueurs à la relance en hiver avec l’espoir souvent déçu de les voir faire des différences susceptibles d’infléchir le destin de leur équipe, déjà bien tracé par la phase aller. À Bettembourg, c’est en train de marcher. Mais le joueur lui-même, les 21 ans pas déconnectés des réalités d’une lutte pour éviter la relégation, demande le calme dans la foulée de son coach («Pas d’euphorie, qu’on ne s’enflamme pas») : «Tout se passe bien, on est tous très contents, mais c’est trop tôt pour se réjouir. Ce ne sont que trois rencontres. Là, arrive Rosport qui est LE match le plus important de notre fin de saison. Trois des quatre matches qui arrivent, c’est ça notre championnat!»
Benzema aussi, aimait bien le ramadan
Passé par toutes les catégories d’âge de l’équipe de France, formé à Montpellier avec Elye Wahi (OM, Francfort…) où «le soleil, c’est quand même autre chose qu’au Luxembourg» (sous-entendu, les matches sont plus éprouvants sous les latitudes méridionales de la France), Idha a fait son trou en plein ramadan, donc. Alors que son corps est censé être affaibli par les privations diurnes. «Oui, mais Karim Benzema, par exemple, était plus fort à ce moment-là, rit-il. Non, mais le spirituel m’a aidé, tout le mois de mars. Maintenant, espérons que ce soit encore mieux en avril!»
Donovan Bonet, qui était un peu le métronome de ce groupe jusque-là, va sans doute devoir y contribuer. À 36 ans, il a vu son coach agiter devant lui la carotte de la passation de flambeau, de la transition dans la douceur et surtout dans un corporatisme nécessaire au bien de l’équipe : «Il y a un âge où il faut regarder les choses en face. On doit savoir se rendre disponible pour les jeunes, on doit les aider. Quand on dit qu’on a besoin de tout le monde, c’est aussi pour ça. On est tous passés par ce moment. Moi aussi.»