Le Quotidien Indépendant Luxembourgeois
Rémy Manso, directeur sportif de Differdange, parle de sacrifice fait par son club quand il a autorisé le départ de Jorginho Monteiro pour Almaty.
Jorginho Monteiro s’est officiellement engagé avec le Kairat Almaty ce week-end. Avez-vous clairement l’impression que cela met en danger votre deuxième partie de saison ?
Rémy Manso : J’aurais préféré le garder. C’est une garantie de buts. En même temps, je suis content pour lui parce que je suis persuadé que, la saison prochaine, il jouera une phase de groupes de Coupe d’Europe et qu’en plus Jorginho va faire de grandes choses là-bas – des fans ont déjà manifesté leur plaisir de le voir débarquer sur les réseaux sociaux.
C’est pour lui et uniquement pour lui qu’on a fait ça. Le président en tout premier, puis le coach m’ont appelé pour me dire que vu la taille de l’offre qui lui était faite, on n’avait pas le droit de lui refuser ça. En vrai, au niveau salaire, il va faire « fois dix ».
Et Differdange, combien « fait« -il dans l’opération ?
Aux alentours de 100 000 euros. Mais je vous le redis : si ce n’avait pas été pour lui, si cela n’avait pas été une véritable opportunité dans sa carrière, même si Kairat avait mis 400 000 euros sur la table, on n’aurait pas dit oui. On aurait préféré le garder trois mois pour qu’il parte gratuit cet été. Bon, voilà, il part, et la vie continue comme elle a continué après le départ de Bertino ou celui de Naïfi ou celui de Castro…
L’avez-vous laissé partir, aussi, pour la publicité que cela vous fera au moment de négocier avec d’autres joueurs ?
Oui. Parce que c’est réel. Nous, on envoie des gars dans le monde pro. Mais c’est exclusivement parce qu’ils se sont montrés en Coupe d’Europe. Malheureusement je dirais. Un seul match de Coupe d’Europe pèse plus qu’un championnat entier. Jorginho, il part au Kazakhstan non pas parce qu’il est impliqué sur 40 buts par saison, mais parce qu’il a fait une bonne double confrontation contre Ordabasy en été.
Il faut donc aussi comprendre que, financièrement, cela reste plus intéressant d’aller décrocher un titre et la Ligue des champions que de transférer un garçon, même dans un championnat comme le Kazakhstan, qui a les moyens ?
Ah on gagne beaucoup plus en étant champions qu’en indemnités de transferts. De toute façon, on est encore loin d’être champions.
Justement : dans tout ça, qu’allez-vous faire de Guillaume Trani si une opportunité aussi intéressante que celle proposée à Jorginho surgit ? Rester fidèle à cette ligne directrice du « tout pour le joueur » ? Ou préserver à tout prix les intérêts du club, qui aurait du mal à surmonter deux départs aussi importants ?
Ce serait important que Guillaume reste.
Mais encore ?
J’ai envie de lui demander d’être patient : il trouvera aussi bien que Jorginho. Mais si en plus de Jorginho, tu nous enlèves aujourd’hui notre joueur le plus régulier des deux dernières années, le plus important même, je dirais, on aura du mal. Son moment viendra.
Même si j’ai encore du mal à comprendre pourquoi d’autres ont réussi à partir avant lui, qui le mériterait tant. Maintenant, c’est à nous de faire quelque chose pour lui, d’entamer des discussions avec des coaches, avec des clubs…
On a de très bonnes relations, je suis sûr qu’on trouvera quelque chose pour lui sans même avoir besoin de recourir à des agents. Si une offre de la même ampleur que celle qu’on a reçue pour Jorginho arrive, à nous de réussir à l’accepter et éventuellement de voir si ce club qui l’achète ne veut pas nous le prêter jusqu’à la fin de la saison. Là, ce serait un jackpot pour tout le monde.
Un Stolz? C’est très intéressant. Mais il y a cet accord…
S’il devait partir, vous nous aviez indiqué que vous n’alliez pas forcément prospecter parce que c’est quasiment impossible de trouver son bonheur à ce moment de la saison. C’est toujours valable?
(Fataliste) Aaaah… bien sûr qu’on va essayer. Un joueur nous quitte, donc on va essayer d’en recruter un. Je rêverais de pouvoir en prendre un qui connaisse déjà le championnat national, mais, déjà, les anciens comme Bertino ou Castro ont de bons contrats et ne reviendront pas. Ce n’est de toute façon pas la voie qu’on choisirait.
Et puis, quand on fait notre marché en DN, on essaye de nous vendre les joueurs trois fois plus cher que ce qu’ils valent vraiment! Mais après, on va nous reprocher d’aller chercher au Brésil ou au Portugal !
On a entendu parler d’une rumeur Dominik Stolz, en rupture de ban au Swift…
Ah mais un Stolz, c’est très intéressant ! Ça le serait pour tout le monde. Mais il y a cet accord entre clubs de BGL Ligue (NDLR : en réaction à la grève des joueurs hesperangeois contre Mondorf, les clubs impliqués dans la LFL ont signé un gentlemen’s agreement indiquant que personne ne recruterait un seul joueur de ces grévistes) qui fait qu’on ne peut pas.
Le président nous l’a dit : on ne contacte personne du Swift. On s’y tiendra parce qu’on a engagé notre parole. Mais on fait quoi si d’autres clubs ne respectent pas cet engagement?
Commencez-vous à chercher d’ores et déjà un nouveau coach en vue de la saison prochaine, sachant que Pedro Resende termine son contrat en mai et qu’il a annoncé sa volonté de se trouver un challenge dans le monde professionnel ?
Non, pas encore. C’est un processus que l’on n’entamera que quand nous en serons sûrs à 100 %, parce qu’il serait impossible de mener cette recherche à bien tout en travaillant sur nos dossiers du moment. Même si l’on sait que ça va arriver, parce qu’en termes de statistiques, il est sûrement dans le top 3 européen des entraîneurs portugais.
Ce que Pedro fait est impressionnant. J’en entends certains dire que c’est grâce aux joueurs, mais j’ai vu d’autres coaches ne pas y arriver avec les mêmes joueurs à leur disposition. On sait bien que de très bonnes choses vont arriver pour Pedro Resende. Rien que cet été, il y avait plusieurs opportunités, dont une, justement, du Kazakhstan.
Le club a fait une offre pour racheter son année de contrat, mais on a dit non. On n’était pas prêts. Même aujourd’hui, je préfère encore perdre Jorginho plutôt que Resende.
