Il est la voix du blues de la 100.7, un bout d’Amérique au Luxembourg, ces bons vieux tubes qui ne meurent jamais. Rencontre avec Benny Brown !
«Ce n’est pas parce que la musique est « vintage » qu’il faut l’aimer, c’est parce que la musique est bonne», lance Benny Brown dès notre arrivée dans le studio de la 100.7, au Kirchberg.
On a traqué l’ours de Californie tout l’été. Moustache épaisse, cheveux ébouriffés, badge «anti-Trump» à la chemise : Benny Brown est un personnage, devant le micro comme derrière.
Difficile de ne pas reconnaître son émission en zappant vers 18 h 30 sur la radio. Entre deux tubes «boum-boum» des fréquences concurrentes, il y a ce type qui mâche ses mots façon «Good morning Vietnam», et… «le rock’n’roll». Benny Brown est arrivé en Europe, en 1979, pour assurer l’animation d’une radio militaire. «L’ANF de Francfort était une fréquence destinée aux G. I’s, explique-t-il. Je leur passais mes morceaux de rock préférés, les types adoraient ça! Ils étaient loin de chez eux, avec la menace d’une guerre froide à l’Est… L’AFN, c’était le pays dans leurs oreilles.»
Gamin de San Francisco
Le pays, parlons-en justement. Benny Brown a grandi à San Francisco, épicentre de tous les changements progressifs de l’Amérique. Être gamin dans le «Frisco» des années 60, ça devait être quelque chose non? «C’était fabuleux… la musique était partout, et l’idée d’entendre le futur groupe qui allait cartonner hantait nos esprits.»
La vocation de dénicher le bon son du rock est née dans cette ville. Benny se lance dans une énumération rapide : les Eagles, Earth, Wind and Fire, Santana, Electric Light Orchestra, et le groupe emblème de la contre-culture californienne, Grateful Dead. Des guitares saturées, de la créativité, des rêves furieux que rien ne peut arrêter. «Le rock dont je parle n’est pas cette catégorie « oldies ». C’est cette musique qui n’a pas de limite, et qui avance, comme un train.»
News locales et rock’n’roll
Sur la 100,7, Benny a opté pour une formule inédite qui connaît un succès depuis son lancement, il y a quatre ans : «Je parles des news du Luxembourg, en m’adressant à la communauté anglophone qui veut savoir ce qu’il se passe dans le pays. Et je rends le moment le plus agréable possible avec ce que j’aime, le rock’n’roll!»
Parfois, le mélange est surprenant. Il y a trois semaines, Benny raconte qu’un camion de migrants a été trouvé sur l’aire de Berchem. Puis enchaîne avec un son qui met la pêche… «Je n’ai qu’une heure, je n’ai pas le temps pour les transitions en douceur!» On lui fait la remarque : «D’un autre côté, faut-il forcément être cravaté et porter le poids du monde sur ses épaules quand on fait de l’info?» – «Peut-être pas, non…»
Benny a parfois des fans qui l’appellent, d’autres qui l’engueulent. «Les interactions directes restent assez rares, c’est dommage.» Certains veulent connaître le nom d’un titre ou le féliciter pour un moment de grâce. Comme le 16 août, lorsque Aretha Franklin est décédée et que Benny, la voix du blues, a balancé The House that Jack Built. En pleine canicule, et c’est comme si le Luxembourg était devenu le Tennessee.
«Je suis tellement bien au Luxembourg»
Benny n’est pas rentré aux États-Unis depuis dix ans. Il a parfois la nostalgie du pays, «un feeling de liberté, je ne sais pas, ce sentiment de camaraderie entre gens qui ne se connaissent pas», décrit-il. «Mais je suis tellement bien au Luxembourg. Quand je suis arrivé ici (NDLR : il montre le Kirchberg à la fenêtre), tout cela n’existait pas. Luxembourg était un « lovely » pays européen de campagnes calmes. Regarde aujourd’hui : Luxembourg est une ville d’acier et de verre, où le dynamisme est dingue, avec des gens qui viennent de partout.»
Benny précise que la nature garde toute sa place en ville, un concept qui lui plaît, une évolution écologique urbaine dans laquelle San Francisco (encore) est leader mondial. «Et puis, il y a encore des sacrés hommes et femmes politiques en Europe. Juncker, Emmanuel Macron ou Federica Mogherini : c’est une autre trempe que Trump! Je suis désolé pour Trump, c’est tellement gênant en tant qu’expatrié américain. J’étais un fan d’Obama moi, et là… ce type c’est : trop de monnaie, pas assez de confiance, pas assez de respect, notamment envers les femmes. Vous avez vu comme le président des États-Unis parle des femmes?, nous interpelle-t-il. Moi je suis de la vieille école du rock… et respecte les femmes mec, bon Dieu!»
Hubert Gamelon