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Belvaux : «Ce n’est pas logique de commencer à couper des routes»


Jusqu’à présent, les automobilistes qui empruntent cette rue à Belvaux, arrivent ensuite à Rédange en France. (Photo : alain rischard)

L’annonce de la prochaine fermeture de la route entre Belvaux et Rédange, prisée des frontaliers pour échapper aux embouteillages, n’en finit plus de faire parler. Mais qu’en pensent les riverains ?

Habiter une région près d’une frontière ou travailler chaque jour dans un pays limitrophe, c’est être un frontalier. Cette définition est somme toute assez sommaire, mais pour les habitants de la bien nommée rue de France à Belvaux au Luxembourg, il n’y a pas plus concret que cette notion. Une centaine de mètres à parcourir et les voilà passés côté français à Rédange.

Tout aussi concrète, la circulation importante dans cette large rue, bien connue des navetteurs à la recherche d’un raccourci pour relier le Luxembourg à la France. Résultat : aux heures de pointe, la chaussée est embouteillée et le reste du temps traversée à vive allure par des automobilistes pressés. Une portion de route qui, depuis le mois de mai, est sous le feu des projecteurs, après qu’une pétition s’est émue de sa fermeture annoncée dans le Plan national de mobilité 2035.

La bourgmestre de la commune, Simone Asselborn-Bintz, ne sait pas encore quand ni comment la fermeture sera effective – une interdiction de circuler aux heures de pointe, une barrière permanente, des bornes rétractables? –, mais la rue devrait trouver enfin une certaine quiétude. Quant aux conducteurs détournés, ils viendront grossir le flot des embouteillages à quelques kilomètres de là sur la liaison Micheville.

Une fermeture aux contours flous

Tout devrait être plus précis quand les députés luxembourgeois s’empareront du sujet le 10 octobre, la pétition demandant la non-fermeture de la route ayant obtenu les 4 500 signatures requises pour être débattue à la Chambre. «Ni le maire de Rédange ni moi-même ne voulions une fermeture, assure-t-elle. Mais je dois veiller à la sécurité.» Et qu’on ne lui dise pas qu’il s’agit de la fermeture d’une frontière, la bourgmestre le dément avec vigueur : «Les bus, les vélos, les urgences pourront toujours passer», assure-t-elle.

En attendant, que pensent les premiers concernés par cette fermeture, à savoir les riverains? Frédéric, 36 ans, partage l’avis de la bourgmestre, parce que selon lui, la sécurité des enfants est en jeu : «Alors qu’il y a une maison relais et une école dans la rue, les gens roulent extrêmement vite (…) et depuis un an, ils sont beaucoup plus agressifs.»

Mais ce discours, rares sont ceux à nous l’avoir tenu. Ou plus exactement, si tous s’accordent sur la dangerosité de cette route, la plupart s’accommodent des deux heures quotidiennes où les voitures avancent parechoc contre parechoc sous leurs fenêtres. Seule une minorité semble penser que la fermeture est la solution adéquate. D’autant que cette route menant en France, eux aussi l’empruntent.

«C’est n’importe quoi, il faut arrêter»

«C’est vrai que c’est parfois difficile de sortir ou rentrer dans le garage, les gens roulent excessivement vite», confie le dirigeant de l’entreprise de nettoyage, service et espaces verts dont la boutique donne sur la rue. «Mais c’est la seule chose. Au bureau, beaucoup de gens sont frontaliers et sont hyper-contents de l’existence de cette route. On passe quasiment tous par là et si je comprends bien, la liaison Micheville est souvent très encombrée.» «Si cette route-là est barrée, renchérit une de ses collègues, on mettra une demi-heure de plus pour venir.»

Pour Thierry et Karin, qui vivent rue de France depuis 32 ans, la sécurité pourrait être assurée par un radar de ville «et puis, ça serait fini», estime l’homme de 64 ans. Selon lui, les embouteillages se sont accentués depuis que le maire de Rédange a pris des mesures pour réduire la circulation dans son village. «Ça roulait pendant 30 ans. Il a commencé à mettre des stops, des ralentisseurs pour bloquer les voitures, eh bien, ça s’est répercuté jusqu’à Belvaux», analyse-t-il encore.

«J’ai travaillé, poursuit-il, je comprends très bien que les gens qui ont déjà passé trois heures dans les bouchons dans la journée aient envie de rentrer chez eux, et puis là, une commune les bloque. Non mais c’est n’importe quoi, il faut arrêter.»

«Il faut penser aux autres aussi»

Même opposition chez Joachim, chauffeur de bus, riverain depuis six ans, qui croit peu à la réalisation du projet : «Ils ne vont jamais la fermer», assène-t-il. «Ce n’est pas logique de commencer à couper des routes comme ça, explique-t-il. C’est vrai qu’il y a de la circulation ici, mais c’est partout au Luxembourg. C’est sûr que ça va être une rue beaucoup plus calme si on la ferme, mais il ne faut pas penser qu’à nous, il faut penser aux autres aussi.»

Quant au manque de sécurité lié au non-respect de la limitation de la vitesse, la solution pourrait passer par des ralentisseurs, propose-t-il. Une solution balayée par la bourgmestre : «Les gens roulent doucement au début puis foncent à nouveau… Sans compter le coût élevé de leur installation», dit-elle. Et d’espérer que le contournement de Bascharage, dont les travaux devraient débuter en 2025, et la mise en service en 2035 du tram jusqu’à Belvaux changent encore plus la donne. Ah! Si seulement, d’eux-mêmes, les automobilistes se mettaient à faire preuve de civilité, comme en rêvent tous les riverains rencontrés. Et la définition de frontalier inclurait aussi le mot solidarité.

Le sujet va être débattu

Mais que diable leur est-il passé par la tête? Cette question, Sandrine Mlodzieniak se la pose sans cesse depuis qu’elle a pris connaissance de ce projet porté par les Luxembourgeois. La Française, qui réside à Audun-le-Tiche, travaille au Luxembourg. Si elle n’emprunte pas la route de Belvaux pour se rendre à son travail, elle imagine sans peine ce que serait son quotidien si le projet allait à son terme : « Cinq mille voitures passent par là chaque jour. Si la route ferme, elles se reporteraient vers Audun-le-Tiche. Un axe déjà saturé! Il faut le vivre pour s’en rendre compte», rapporte-t-elle.

En mars dernier, la frontalière dépose une pétition sur le site petitions.lu, une plateforme publique qui permet aux pétitionnaires de porter un sujet à la Chambre des députés. 4 500 signatures sont requises pour que la question puisse être débattue. La barre est atteinte au mois de juin. Le 10 octobre, Sandrine Mlodzieniak ira donc défendre son point de vue à la Chambre. Elle espère convaincre les représentants luxembourgeois de retirer ce projet, inscrit dans le plan de mobilité grand-ducal 2035.

«On lance un pavé dans la mare, parce que ce qui nous attend à Rédange va être dupliqué partout, le long de la frontière», s’inquiète-t-elle. En quelques mois, son argumentaire a fait mouche auprès des frontaliers. Après le collectif, une association d’usagers est en passe d’être créée. Sandrine espère fédérer le plus largement possible «afin de parler d’une seule voix». Ce qui serait déjà, en soi, un petit exploit…

Damien Golini (Le Républicain lorrain)

La Moselle fustige une décision «unilatérale»

Les élus du département de la Moselle sont remontés contre la décision luxembourgeoise de fermer la route entre Rédange, en Lorraine, et Belvaux.  Patrick Weiten, président du conseil départemental de la Moselle (CD57) , n’a que très peu goûté à la décision «unilatérale» du Luxembourg de barrer cette route dont sa collectivité a la gestion. «Nous ne lâcherons rien et ne laisserons personne faire sans ou contre le Département», a-t-il fulminé lors d’une séance plénière programmée fin juin. Un point de vue partagé par l’ensemble des conseillers départementaux, alors que le CD57 n’a toujours aucun retour à ce sujet de la part du Grand-Duché.

Lors de cette même séance, les élus ont voté à l’unanimité une motion portée par le Fenschois Mathieu Weis. Celle-ci entérine le désaccord du Département sur ce projet. Sur la forme, le conseiller départemental déplore l’absence de dialogue entre élus luxembourgeois et français. Sur le fond, il conteste un projet «qui aura pour conséquence le report du nombre de véhicules sur Audun-le-Tiche, déjà saturé aux heures de pointe».

Fermement opposé à la fermeture de la route, le conseil départemental affiche sa détermination pour que le projet n’aille pas à son terme. «Il faut aussi se mettre à la place des usagers, des habitants, des élus. Ce que l’on souhaite, ce sont des solutions qui puissent réduire le trafic en amont de la frontière», comme l’ouverture de la ligne ferroviaire Fontoy/Audun, que Mathieu Weis plébiscite depuis plusieurs mois.

D. G. (Le Républicain lorrain)

Un commentaire

  1. Andlibertyforall

    un ou plusieurs radars-tronçon et hop, le tour est joué!