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Beckerich, le laboratoire écologique de Camille Gira


Le village de Beckerich est devenu emblématique de la transition énergétique... dans l'Europe entière ! (Photo : Armand Flohr / RL)

Comment un village de 2 500 âmes attire les experts et les journalistes de l’Europe entière ? Grâce aux impulsions politiques données par Camille Gira, bourgmestre de 1990 à 2013, qui nous a quitté mercredi. Retour sur une « success story ».

Des élus belges et français par bus entiers. Des représentants du parlement européen, casque de traduction sur les oreilles. Des journalistes venus d’Allemagne, des pays nordiques ou de Paris… avec en gloire ultime, en 2008, la page 2 du Monde. Une fierté absolue pour Camille Gira, qui ne manquait jamais de la glisser à ses interlocuteurs, une photo du quotidien français dans son GSM. Beckerich, 2 500 habitants, est régulièrement citée comme « laboratoire écologique ».

C’est bien l’élu Déi Gréng, au tournant des années 2000, qui donne l’impulsion pour faire de Beckerich une commune autonome en énergie propre. Un « rêve fou », diront ses détracteurs. Un rêve en voie de s’accomplir, 18 ans après.

Devenu secrétaire d'état, Camille Gira continuait à organiser des visites de sa commune (Photo : Armand Flohr . RL)

Devenu secrétaire d’état, Camille Gira continuait à organiser des visites de sa commune (Photo : Armand Flohr . RL)

Quels projets phares réalisés ?

En quoi consistent les projets réalisés, qui suscitent tant d’intérêt ? « Il faut noter deux structures importantes, nous explique ce jeudi matin Flore Reding, l’ingénieur des services techniques de Beckerich. La centrale à biomasse, mise en place en 2004. Puis la chaudière à copeau de bois, à partir de 2008 ».

Actuellement, les deux dispositifs permettent d’alimenter Beckerich (sept localités) à « presque 50% en chauffage écologique ». Sans compter la production d’électricité par la centrale de méthanisation, réinjectée dans le circuit national : 500 kilowatts produits en 2005, 1200 kilowatts en 2017 (comptez une consommation de 30 kilowatts pour un ménage moyen au Luxembourg, pour l’ordre de grandeur).

Plus précisément, la localité même de Beckerich est pourvue en chauffage vert à plus de 80%. Noerdange à plus de 50 %, tout comme Hovelange. Et l’entreprise d’embouteillage de l’eau consomme à elle-seule 1 500 kilowatts de chauffage ! Notamment pour faire « gonfler » ses bouteilles.

L'entreprise d'embouteillage d'eau minérale fonctionne avec la chaleur écologique du réseau (Photo Armand Flohr / RL).

L’entreprise d’embouteillage d’eau minérale fonctionne avec la chaleur écologique du réseau (Photo Armand Flohr / RL).

« Notre réussite tient à deux paramètres, poursuit Flore Reding. Nous sommes les seuls à proposer du chauffage écologique aux particuliers. D’autres communes réalisent des réseaux, mais c’est pour alimenter quelques bâtiments publics. L’autre paramètre important, c’est la dimension de notre réseau vert : plus de 20 kilomètres en aller-retour ! Pour une petite commune comme nous, c’est impressionnant. »

Esprit pionnier de Gira

Surtout, Beckerich fût pionnière. La méthanisation  ou le chauffage aux copeaux sont des options acceptées aujourd’hui. «À la fin des années 90, ça passait pour très alternatif… » Concrètement, comment fonctionne la méthanisation ? « 19 agriculteurs des environs déposent leur lisier et déchets verts au centre. Par création des gaz, on peut créer de l’électricité mais aussi reprendre la chaleur ». L’électricité est injecté dans le réseau national luxembourgeois, comme nous l’avons vu, mais elle sert aussi à faire fonctionner la centrale en elle-même. « La chaleur, on la reprend directement en local. Mais comme ça ne suffisait plus par rapport à la demande, on a crée la chaudière à copeau de bois par la suite. »

Le premier four est mis à feu en 2008, le deuxième en 2015. En tout, les deux fours proposent une chaleur équivalente à 4 000 kilowatts. Et là encore, ils sont alimentés avec de la matière première locale : déchets verts des Pont-et-Chaussées pour l’entretien des routes, tontes des particuliers, entreprises de jardinage ect. « À Noerdange, tout un nouveau quartier vit sur cette chaleur écologique ».

Alors, « un rêve fou » ?

Alors, était-ce un « rêve fou » que de se lancer dans un tel défi ? « Oui, dans le sens où il a fallu convaincre tellement de gens… les agriculteurs notamment. La centrale de méthanisation est leur outil aujourd’hui, elle fonctionne en coopérative. Mais au départ, ce n’était pas gagné. » Camille Gira était un pragmatique, il a su convaincre. Sa vision de l’autonomie écologique était inimaginable à la fin des années 90. « Vous pouvez dire que je suis un rêveur, mais je ne suis pas le seul », chantait John Lennon. Camille Gira a emmené des gens dans son rêve, et il est devenu réalité.

Hubert Gamelon.