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Bébé maltraité à Saeul : 8 ans pour le père


Le nourrisson, victime du syndrome du bébé secoué, était resté hospitalisé à la Kannerklinik pendant près d'un mois (illustration AFP)

Il est né début novembre 2013. À peine un mois plus tard, le nourrisson se retrouvait au Centre hospitalier de Luxembourg (CHL). Les séquelles diagnostiquées sur le corps de la petite victime étaient nombreuses : multiples fractures à la jambe gauche, un hématome à la joue avec une éraflure, une fracture de la clavicule droite et six côtes cassées.

« Je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal à mon fils.» À la barre de la chambre criminelle à Diekirch, le père (25 ans), poursuivi pour avoir infligé la série de blessures à son bébé de cinq semaines, à Saeul, avait parlé d’accidents. Le tribunal n’avait toutefois pas reçu d’explications sur l’origine de toutes les blessures.

«Sans doute, je l’ai serré trop fort.» Voilà sa version pour la fracture de la clavicule. La blessure à la joue c’est parce qu’il aurait été surmené à cause de ses pleurs. Il aurait fini par le pincer. Entre sa femme qui se remettait tout doucement de l’accouchement avec césarienne, le stress avec le nouveau-né et sa fatigue due au début de sa sclérose en plaques…

«Et votre chien vous a-t-il également surchargé?», avait fini par l’interroger le président. Sa réponse : «Non, à celui-là on s’était habitués.»
La mère vit aujourd’hui dans un foyer pour femmes avec leur deuxième enfant. Face aux juges, la trentenaire avait éclaté en sanglots : «J’avais peur que cela puisse arriver une nouvelle fois.» Elle contestait la non-assistance à personne en danger que le parquet lui reproche. «Quand j’ai vu sa jambe enflée, je lui ai mis de la crème», avait-elle appuyé.

D’après le médecin légiste en charge du dossier, la victime a encaissé l’ensemble de ces blessures sur une petite semaine. Le nourrisson était resté hospitalisé jusqu’au début du mois de mars 2014 avant d’être placé dans une famille d’accueil.

«On se trouve devant la chambre criminelle. Et il dit qu’il regrette ce qu’il a fait comme s’il avait volé un paquet de chewing-gum, avait martelé le premier substitut visant l’attitude du père. Les blessures n’ont pas été infligées par inadvertance. Tous les médecins qui ont examiné le nourrisson ont parlé d’actes de maltraitance. Je pense qu’il avait l’intention de lui faire du mal.»

Dans son réquisitoire, le parquet avait également soulevé l’absence d’aveu du prévenu. Mais relevé la ribambelle d’excuses livrées au fil de l’instruction : «D’abord il y a eu le syndrome d’Asperger, ensuite la mauvaise médication, puis la sclérose en plaques.»

Vu son trouble d’hyperactivité (TDAH), l’expert psychiatre s’était prononcé pour retenir une atténuation de la responsabilité pénale du père. Le parquet s’y était opposé. Il avait requis huit ans de prison, dont quatre assortis d’un sursis probatoire avec l’obligation qu’il suive un traitement pour son comportement agressif.

La mère acquittée

Contre la mère, le parquet avait requis deux ans de prison assortis éventuellement d’un sursis. «Une jambe bleue chez un nourrisson, c’est alarmant. Cela doit alerter. Elle avait connaissance du péril grave. Il y a eu abstention volontaire», avait rétorqué le premier substitut à Me Tania Cardoso qui avait plaidé l’acquittement de la mère.

Au final, la chambre criminelle n’a qu’en partie suivi les réquisitions du parquet. Jeudi matin, la mère a été acquittée. Le père, quant à lui, écope de huit ans de prison. Il est placé sous la régime du sursis probatoire pour la durée de cinq ans avec l’obligation notamment de se soumettre à une thérapie. La chambre criminelle a retenu l’article 71-1 du code pénal.

Ce qui signifie qu’elle a conclu qu’au moment des faits le père était atteint «de troubles mentaux ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes». La juridiction tient compte de cette circonstance lors de la détermination de la peine.

Pour en ce qui concerne la demande de la partie civile, le tribunal a ordonné la nomination de deux experts pour déterminer les dommages. En attendant, le père doit verser 5 000 euros à titre de provision à Me Josiane Eischen, l’administrateur légal de l’enfant.

Toutes les parties ont 40 jours pour interjeter appel.

Fabienne Armborst