Depuis 2022, la députée DP a repris un restaurant mobile aux Winterlights. Rencontre avec cette foraine au parcours atypique.

Malgré le froid ambiant, les visiteurs sont nombreux, ce jour-là, à investir les allées du marché de Noël de la capitale. Devant le restaurant mobile Kugener, place de la Constitution, les amateurs de vin chaud essaient tant bien que mal de se réchauffer. Dans l’établissement, les premiers convives sont assis, tous impatients de déguster les spécialités culinaires hivernales. Au milieu de cette effervescence, nous retrouvons Barbara Agostino. Depuis la fin de la matinée, l’entrepreneure de 43 ans a troqué sa tenue de femme politique pour celle de foraine. Une double casquette, étonnante, qu’elle porte depuis 2023.

«J’ai racheté l’établissement en novembre 2022, c’est mon quatrième marché de Noël», s’enthousiasme-t-elle. Surprenant sur le papier, cela ne l’est pas forcément dans la vie de la députée DP. Cet attrait pour le commerce? La femme politique «l’avait dans le sang» depuis son enfance. «J’ai grandi dans un café-restaurant à Rodange. On habitait tous au-dessus de l’établissement : mes parents, ma tante avec son mari, mes arrière-grands-parents. Dix autres pensionnaires vivaient aussi avec nous. Je me souviens de ces repas conviviaux où nous recevions plus de 20 personnes (…). C’était une belle leçon de vie en tant qu’enfant», se remémore Barbara Agostino.

Des années plus tard, les souvenirs du café-restaurant «Chez Liliane» ne l’ont jamais quittée. Alors quand elle rachète le restaurant Kugener, elle pense immédiatement à l’histoire de ses arrière-grands-parents italiens venus dans les années 1950 au Luxembourg. «Le café était un milieu d’hommes, mais j’ai vécu entourée de femmes (…). Cela me tenait à cœur de reprendre l’établissement d’une femme qui l’a dirigé pendant près de 25 ans.» Un aveu presque féministe? «Je m’engage beaucoup pour les droits des femmes (…). Mais je ne dirais pas que je suis féministe, car je n’aime pas que l’on me colle une étiquette.»

«On vous réduit à des frites»

Depuis les dernières élections de juin 2023, Barbara Agostino concilie ces deux professions atypiques. «En tant que femme, députée et foraine, je suis souvent confrontée à des remarques désobligeantes. Avec le métier de forain, on vous réduit souvent à des frites. C’est une image très réductrice», confie-t-elle.

Pourtant, elle l’avoue, exercer une profession à côté de sa fonction de députée est pour elle un vrai avantage. «Je suis confrontée de manière quotidienne au monde du travail. Je suis dans le concret. C’est généralement ce que les citoyens me demandent (…). C’est assez atypique, car la plupart des députés sont fonctionnaires et n’ont pas forcément de métier à côté. Il est toujours assez surprenant de se retrouver la veille à présenter un texte très important à la Chambre et le lendemain en plein rush dans le restaurant, avec des clients à gérer», explique Barbara Agostino.

Quatre vies en une 

Mais la foraine et députée n’en est pas là à sa deuxième vie, mais plutôt à sa troisième. Avant de se lancer en politique en 2023, la Luxembourgeoise a été pendant huit ans institutrice avant d’ouvrir une entreprise de crèches privées. «Ce sont deux métiers très différents. Le monde de l’enseignement permet d’avoir un bon timing pour sa vie personnelle. Tandis que l’entrepreneuriat demande beaucoup de travail», précise-t-elle.

Institutrice, entrepreneuse, députée et foraine, Barbara Agostino a aussi marqué le football féminin luxembourgeois en devenant la première capitaine de la sélection nationale. «J’avais commencé plus jeune par le tennis. Avoir fait beaucoup de sport m’a donné un équilibre entre mes 6 ans et mes 20 ans. J’avais deux activités : le sport et l’école. Mes premières sorties ont commencé vers l’âge de 23 ans (…). Je pense que le sport m’a aussi aidée dans ma carrière politique à être patiente et à avoir une grande endurance.»

 

Alors, à 43 ans, difficile pour la députée DP de choisir entre toutes ces professions. «Chaque étape de ma vie a été un défi, un match qu’il fallait gagner. Dans ce monde d’hommes, ça n’a pas toujours été facile. Mais je me suis toujours dit que ma grand-mère avait réussi dans les années 1960, alors pourquoi est-ce que je n’y arriverais pas, moi aussi?»

Comme foraine, Barbara Agostino pourrait entreprendre sa dernière année. «2026 sera ma cinquième année. J’avais dit que je m’arrêterais au bout de cinq ans. On verra ce qu’il se passe. Après ces vies à cent à l’heure, j’ai envie de profiter un peu», conclut-elle derrière son chalet en bois