Accueil | A la Une | [Bande dessinée] «Salut la Terre», notre planète dans tous ses états!

[Bande dessinée] «Salut la Terre», notre planète dans tous ses états!


(Photo : war and peas/les requins marteaux)

Maître du «comic strip», le duo War and Peas jette un regard politiquement incorrect sur le dérèglement climatique et le mal que l’humain fait à la planète dans son dernier livre, Salut la Terre. Un bijou d’humour noir qui donne matière à réfléchir.

Le duo War and Peas, formé par Elizabeth Pich et Jonathan Kunz, vient d’entamer sa treizième année d’existence. Le 7 septembre 2011, les deux dessinateurs, qui vivent et travaillent à Sarrebruck, avaient inauguré leur site internet, alors appelé L.I.N.S. (du nom de leur maison d’autoédition) avec leur tout premier «comic strip». De ces petits gags publiés en ligne et en anglais à raison d’un par semaine, ils sont devenus des maîtres, tout en s’offrant – grâce, notamment, à Instagram, vitrine de choix pour leur travail – une visibilité qui a largement dépassé les frontières de la Grande Région. Il faut dire que le tandem, qui a changé son nom pour War and Peas en 2016, respecte parfaitement les principes du «strip» à l’américaine : quatre cases, une économie de mots, un dessin minimaliste au trait épais, une chute souvent hilarante. C’est dans cette dernière que l’on reconnaît la touche War and Peas; car si le dessin est enfantin, leurs petites histoires se démarquent avec une «punchline» finale riche d’un humour noir et politiquement incorrect.

– Salut la Terre, comment ça va?
– Oh, moi, ça ira. Mais vous les gars, je sais pas

Féminisme, racisme, sexualité… Rien n’est tabou pour War and Peas, qui compte parmi ses personnages fétiches Slutty Witch («sorcière salope»), Officer McSexy ou encore la Faucheuse. En solo, Elizabeth Pich avait déjà sorti en volume Fungirl, un puissant scud féministe, trash et mélancolique publié en 2021 chez Les Requins Marteaux; c’est la même maison d’édition bordelaise qui publie aujourd’hui Salut la Terre, recueil en forme de foisonnant bestiaire qui confronte, sans ordre de préférence, l’infiniment petit à l’infiniment grand, symbolisé par un dessin de couverture qui suffit à présenter le propos : la Terre, transformée en petit bonhomme de BD, est assise sur une chaise en bois au milieu des flammes. La référence au célèbre mème «This is fine» est éloquente, autant qu’elle met dans le mille. Tout au long des 128 pages (et en presque autant de «strips»), War and Peas commente le dérèglement climatique, la disparition des espèces animales, la déforestation… Et refuse décidément de tenir sa langue!

Mieux : le duo prête le don de parole à tout ce qui existe sur notre planète. Arbres, montagnes, animaux, insectes, mais aussi des extraterrestres ou des vampires! War and Peas s’éloigne ponctuellement du sujet principal du livre pour quelques détours amusants, en révélant les grands secrets des sirènes (si elles aiment s’asseoir sur un rocher en solitaire, c’est pour pouvoir péter tranquillement) ou des pères qui, après être allés chercher des cigarettes, se sont volatilisés. Mais au cœur de l’ouvrage, c’est bel et bien d’écologie dont il est question et de tout ce qui s’y rapporte. On y croise trois montagnes faisant un concours d’ego («– Je suis une montagne majestueuse! – Je suis une montagne encore plus majestueuse! – Je suis si majestueuse que je suis jonchée des cadavres de tous ceux qui ont osé m’escalader!»); deux arbres craignant d’être abattus («– Oh non, Ronald! Voilà un bûcheron! – Mais non Marsha, c’est juste un hipster!»); des icebergs réfléchissant à la fonte des glaces; le soleil rectifiant les fausses idées qu’on se fait à son propos («Pardon, mais je ne me lève pas; vous tournez tous autour de moi!»); des dinosaures faisant le vœu d’être «ensemble pour l’éternité» (et qui se réincarnent, 150 millions d’années plus tard, en plastique).

Les auteurs décalent constamment le regard en abordant le sujet urgent par excellence, et parviennent à tirer des larmes de rire tout en prévenant de l’imminence de la fin du monde. On laissera le mot de la fin à ces deux extraterrestres qui passent devant notre planète à bord de leur vaisseau, après l’extinction de l’humanité. «Que s’est-il passé?», demande le premier. Réponse : «Orgueil, stupidité… et pets de vaches.»

Salut la Terre, de War and Peas.
Les Requins Marteaux.

L’histoire

Salut la Terre sort des quatre mains et des deux cervelles de Jonathan Kunz et Elizabeth Pich, duo connu par des millions d’internautes sous le nom de War and Peas, mais dont ils n’ont encore rien vu! Car ce n’est pas un recueil de «fan zone» qui se déploie sous vos yeux, mais une sorte de bestiaire tentaculaire, un herbier grimpant… Ainsi défilent tout au long de saynètes mordantes chats, chiens, arbres, abeilles, escargots, fleurs, mantes religieuses mâles, sirènes, extraterrestres, vers de terre… ridiculisant les êtres humains qui, en retour, ne cessent de s’autohumilier. Et tout ça posé sur le dos de qui? Notre planète!