Dès le 7 mai, et pour 6 mois, des jardins urbains, des installations artistiques et agricoles sont à découvrir à Luxembourg et à la Nordstad.
Luxembourg, il est 9 h ce matin. Comme chaque journée, vous prenez le tramway ou le bus. «Hamilius Quai 1», annonce la voix. Une fois descendu, vous vous retrouvez en plein cœur de la Ville-Haute. Le trafic est dense et ininterrompu. Des klaxons retentissent ici et là, au bout de la rue. Les bruits des moteurs et de la foule envahissent l’avenue. Les gens vont et viennent. Certains sont pressés, d’autres attendent leur navette. Pendant un instant, vous observez le tumulte de la vie urbaine.
Une ville bétonnée où tout s’accélère et où tout est concentré. Les immeubles vous entourant accentuent ce sentiment d’enfermement. Alors, vous cherchez un endroit pour souffler, un espace à l’écart pour échapper au rythme infernal de la ville. En vous éloignant de ce vacarme, vous arrivez avenue Marie-Thérèse et descendez vers la vallée de la Pétrusse. Sur la petite colline, en contrebas, de drôles de poches végétales parsèment le terrain.
Des chemins tracés dans des herbes hautes et parmi des fleurs, permettent d’approcher ces étranges formes. Vous vous asseyez sur l’un des bancs en pierre pour mieux contempler le lieu. Le calme règne, les sons parasites ont disparu. Bienvenu dans «Life on the verge», l’un des jardins urbains de l’exposition LUGA.

«Un projet de longue date»
Du parc municipal Édouard-André, au Kirchberg, en passant par les vallées de la Pétrusse, de l’Alzette et la Nordstad, l’exposition LUGA (Luxembourg Urban Garden) s’apprête à révéler de multiples installations artistiques, paysagères et agricoles. «C’est un projet de longue date, les idées ont commencé en 2012 puis se sont poursuivies en 2019», relatait fin avril 2025 Lydie Polfer.
La LUGA transforme le paysage et nos perceptions
Avec l’objectif initial de terminer le projet en 2023, la crise du covid obligera les organisateurs à reporter l’inauguration en 2025. Désormais, nous y sommes. «Le cœur de notre ville, son histoire et sa beauté, nous souhaitons à nouveau les rendre visibles», lançait la bourgmestre de Luxembourg en présentant la LUGA. Un mot qui résonne et qui forme le titre de l’exposition : «Rendre visible l’invisible».

«Quand on connaît très bien un lieu, un bâtiment, on ne le remarque même plus, on n’y fait plus attention. L’idée est de mettre en valeur le patrimoine de Luxembourg-Ville et de repenser la ville avec la nature», poursuivait Lydie Polfer. À ses côtés, Ann Muller, la coordinatrice générale, a mis en avant l’aspect ludique de l’évènement, fruit de longues années de travaux. «C’est le plus grand parcours de jardins éphémères d’Europe et c’est aussi un laboratoire. Il permet de penser les villes de demain avec des projets artistiques, des jardins partagés, des plantations, pour que les gens puissent s’émerveiller et partager.»
L’immense exposition de 57 œuvres se veut écologique, inclusive et humaine. Pour faire venir des architectes et des entreprises, la Ville et ses partenaires ont ainsi veillé à ce que l’empreinte carbone soit la plus faible possible. En parallèle, l’accent a été mis sur les produits régionaux. «On a une charte à respecter, cela comprend l’antigaspillage, le fait de privilégier et de mettre en avant les produits régionaux», expliquait Ann Muller. Dès lors, la LUGA réserve une grande part à l’économie circulaire, que cela soient des artisans ou des produits vendus. Il s’agit donc d’un vaste projet d’art culturel et d’écologie urbaine. «La LUGA va permettre de montrer Luxembourg-Ville comme une ville verte. Notre souhait serait aussi que ces installations perdurent», ponctuait-elle.
Les jardins de la Pétrusse
«Life on the verge» est représentative de l’exposition. Cette installation paysagère se concentre sur les accotements de bords de routes. Des habitats dont de nombreuses espèces sauvages se servent pour s’abriter et y trouver de la nourriture. Comme pour les insectes ou les oiseaux, l’artiste Léon Kluge souhaite que les visiteurs y trouvent refuge, au milieu des fleurs et des plantes. Après avoir traversé ces reliefs alvéolés, et en longeant la Pétrusse, vous trouverez une large toile blanche au milieu de la vallée.
L’artiste suédois Henrik Håkansson a installé «A Painting for Insects». Une œuvre monumentale, qui a pour but d’être peinte par les innombrables insectes qui vont s’incruster sur le tissu. Dans quelques mois, le drap sera méconnaissable. En passant de l’autre côté du cours d’eau, vous arriverez parmi les jardins urbains.

Dix installations artistiques végétales, portant les noms de «Jardin partage», «Jardin germinatif» ou encore «Nice to Bee». La plupart de ces structures sensibilisent le public quant au rôle de l’humain sur la nature. Le jardinage, les défis environnementaux, la biodiversité et l’alimentaire constituent les thèmes principaux de ces espaces de verdures.
En sortant de la vallée de la Pétrusse, il faut se rendre dans la ville basse pour découvrir une installation remarquable. «Les périscopes», de l’atelier LJN, est un projet inspiré de l’histoire militaire, lorsque les officiers surveillaient depuis les rochers. Cette construction fait ainsi référence aux tours pendant la guerre, qui comportaient des miroirs.
Vous pouvez alors observer sur les surfaces de la structure en bois des miroirs qui dévoilent la faune et la flore présentent dans les parois de la forteresse. Un peu plus loin, une autre installation attire les regards : «Grow Together Grow Green». Face à nous, des gradins sur lesquels sont installés des milliers d’arbustes. Le projet a pour finalité de sensibiliser le public au reboisement dans les villes. Étant reproductible, passé six mois, l’installation sera reconstruite et remontée à un autre endroit.

Le monde animal

Si vous vous rendez au Kirchberg, vous remarquerez probablement l’œuvre d’Agnes Denes, «The Living Pyramid». Une autre installation d’envergure, nichée en haut du fort DräiEechelen, face au Mudam Luxembourg, partenaire du projet. Avec une vue imprenable sur la ville, la pyramide de neuf mètres de haut révèlera les 2 000 plantes de 33 espèces locales réparties sur les surfaces de la structure. À travers cette œuvre, l’artiste américano-hongroise nous offre une vision du futur, plus viable, plus durable. Interrogeant la condition humaine, son rapport à l’environnement et à l’architecture.

Étape importante de la LUGA, le parc municipal Édouard-André. Lieu emblématique de la capitale, l’espace vert offre un cadre idéal pour allier culture, nature et loisirs. Au gré de la promenade, le visiteur sera transporté dans l’univers «Animal of the Mind», mettant à l’honneur la figure animale sur l’ensemble du parc. La sculptrice Anna Hulačová présente ainsi «Harvest», une structure de monoculture, où se côtoient treize sortes d’espèces d’oiseaux en argile fixés sur des poteaux en acier.
L’artiste a décidé de représenter des espèces en danger. Anna Hulačová invite donc le public à s’aventurer dans cette cage qui est un «paradoxe de leur vie» selon elle. «Ils doivent vivre dans leur environnement naturel, car ils sont dépendants de cet environnement. Mais de l’autre côté, ils sont traînés de force dans ce lieu», explique l’artiste tchèque.

À proximité, de cet emplacement, l’Atelier Van Lieshout présente aussi un projet d’animal à plumes intitulé Le Cri. Le gallinacé est généralement de petite taille, peu impressionnant et qu’on remarque à peine. Le cri inverse toute cette description. Vous vous retrouvez ainsi devant un animal doré énorme aux proportions hors normes. Une sculpture ressemblant à un trophée, mais qui nous questionne sur l’élevage industriel.

Parmi les diverses œuvres du parc, «La Serre merveilleuse» demeure une installation son et lumière étonnante. Le public trouvera à l’intérieur de la sphère immersive de multiples plantes bioluminescentes. Créée par l’agence Aglaé, cette réalisation cherche à représenter ce que serait la ville sans électricité.
De notre collaborateur Quentin Théophile
À Ettelbruck aussi
La LUGA est un projet de longue date. En 2016 déjà, une étude de faisabilité avait été organisée. Il faudra attendre ensuite 2019 pour que l’ASBL LUGA soit créée. En 2021, Ann Muller rejoint le projet et en devient la coordinatrice. «On a fait de nombreux appels à projet nationaux et internationaux, pour mobiliser des architectes et des artistes», relate-t-elle. Le projet se compose alors de seize thèmes, divisés en trois parties : les jardins urbains, les installations paysagères et artistiques, et les projets agricoles.
Ainsi, en 2022, la ville d’Ettelbruck s’est proposée afin de rajouter les terrains manquant pour accueillir l’ensemble des œuvres, intégrant alors la Nordstad dans la LUGA. À la veille du lancement, la Ville de Luxembourg rappelle que l’exposition éphémère en plein air est entièrement gratuite, à l’exception de «The Lower World». Plus d’informations sur le site officiel de la LUGA (luga.lu) ou au LUGA Science Hub dans la vallée de la Pétrusse.
