La vie des Rotondes redémarrera en août ! Le centre culturel de Bonnevoie a dévoilé mardi le programme complet de sa saison 2020/2021 ainsi que son nouveau site internet, et si les conditions ne sont, pour l’instant, toujours pas idéales pour le public, l’agenda du lieu, lui, promet du très lourd.
Elles ont toujours eu ce petit plus qui les définit. Une programmation qui se place à l’avant-garde des scènes musicales européennes, un savant mélange, tout au long de la saison, de concerts, d’expositions, de spectacles, en dégotant ses perles ici comme ailleurs. Mais ce que les Rotondes ont véritablement de plus que les autres lieux de culture cette année, c’est un festival d’été. Oui, le centre culturel accueillera bien, à partir du 1er août, sa nouvelle édition des Congés annulés !
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Rotondes se sont pliées en quatre, depuis mars et la fermeture des institutions culturelles pour cause de pandémie de coronavirus, pour proposer à leur public confiné une programmation hebdomadaire sur mesure avec des activités à faire chez soi, mais aussi de la musique et tout ce qui permet de faire vivre «l’esprit Rotondes». Et mardi, le lieu accueillait une conférence de presse pour présenter sa saison 2020/2021 – toute particulière, puisqu’elle était organisée sur le principe du drive-in, l’équipe du lieu se déplaçant de voiture en voiture pour prêcher la bonne parole de leurs prochaines «explorations culturelles» – et, par la même occasion, son nouveau site web. Congés annulés, Fabula Rasa, foire aux disques, Eat It, On Stéitsch, Lokale Maart… Tous les rendez-vous incontournables (ou presque) de Bonnevoie gardent leurs quartiers dans une période où l’incertitude semble encore attendre au tournant.
Pas d’annulation pour les Congés annulés
«À la mi-mars, on avait plus ou moins 60 % des Congés annulés», explique Marc Hauser, programmateur du volet «Concerts» des Rotondes. «Puis, au fur et à mesure, les groupes ont annulé, et nous nous sommes retrouvés avec… plus personne ! On a donc dû repenser tout le festival. On ne savait d’ailleurs pas si on allait pouvoir le faire, par rapport aux contraintes sanitaires. Mais en attendant, on a quand même commencé à faire une programmation.» «Au final, poursuit le programmateur, les concerts auront bien lieu, mais en extérieur, avec un public assis et obligé de porter un masque. Ce ne sont pas des conditions idéales mais en attendant que la situation revienne à la normale, c’est déjà pas mal.»
La dernière fois que Marc Hauser s’est exprimé dans Le Quotidien, c’était en avril, à un moment où la situation était bien plus incertaine. Pourtant, l’optimisme qu’il affichait alors passe presque aujourd’hui pour de la clairvoyance, tant tous ses espoirs, que l’on imaginait impossibles, sont devenus réalité. Avec, cependant, un prix à payer, celui d’annulations difficilement récupérables et des complications de programmation qui en découlent. «Ça prend du temps, mais il y a quelques groupes que j’essaie de reprogrammer. J’aime beaucoup la programmation qu’on va proposer cette année, mais ce que je regrette, c’est que l’année dernière, on avait 24 groupes internationaux; cette année, il y en a juste cinq.»
Une programmation très locale, «plus calme», du propre aveu du programmateur, puisque même les groupes internationaux ont quelque chose de familier : ils viennent «de Belgique, d’Allemagne, de Suisse» et répondent aux sonorités jazz (les Belges de Glass Museum), «electro-chill» (les Berlinois de Kuf) et krautrock (les Suisses de One Sentence. Supervisor). Pour ce qui est des locaux, ils sont 21 cette année – «exactement comme l’année dernière, fait remarquer Marc Hauser, à la différence qu’ils sont mis plus en avant cette année, d’abord parce qu’ils ne jouent pas en première partie d’un groupe international» – et on ne s’étonne pas de voir quelques-uns des actes musicaux les plus chauds du moment, de l’electro de Napoleon Gold au R’nB hybride d’Edsun, en passant par Autumn Sweater, qui comptent parmi les meilleurs rockeurs actuels du Grand-Duché, retrouver le public des Rotondes, «leur» public en quelque sorte. Le petit plus ? C’est gratuit !
Des expos aux labos
Les autres volets de la programmation des Rotondes ne changent pas non plus : du théâtre pour petits et grands – à noter la pièce Identity, coproduite par les Rotondes et dont la première aura lieu à Bonnevoie le 18 octobre, à la suite de l’annulation de sa création à Stuttgart en avril – des expos, avec la possibilité de voir, jusqu’au 31 août, le triptyque «Loop, Cube, Spot», installé quelques jours avant le confinement, et des ateliers pour les jeunes publics, de 1 an et demi à 20 ans. Ces derniers font la part belle à l’éveil musical, au théâtre (deux ateliers, le 6 février, feront écho au spectacle de cirque Natchav présenté dans le cadre de Fabula Rasa), mais aussi à la radio.
Le programme complet, très riche, est à découvrir dès maintenant sur le nouveau site des Rotondes (l’adresse est restée la même, mais le relooking est total). Et il s’agirait de ne pas perdre de temps pour prévoir ses sorties à Bonnevoie, car la saison, pour eux, redémarre dans un tout petit mois avec les Congés annulés ! D’ailleurs, Marc Hauser, notre guide dans la jungle éclectique de l’agenda des Rotondes, y va de ses propres conseils d’expert : «Piocher un artiste dans tout le festival, c’est compliqué. En tout cas, je ne peux que conseiller de venir à la soirée d’ouverture. C’est elle qui donne véritablement une image de ce que proposeront les Congés annulés.»
Et pour le reste de la saison, en attendant de voir sur scène le post-punk du septuor anglais fou furieux Black Country, New Road (amenez-y votre bien-aimé(e), c’est le 14 février), on peut déjà goûter à ce que les Rotondes offrent de plus décalé avec «un week-end (NDLR : du 4 au 6 décembre) avec le « desert blues » des Filles de Illighadad, un groupe anglais qui monte, Sorry, et qui a eu le malheur de sortir son album pendant le confinement, et l’electronica doux et calme de Pantha Du Prince». Rien que ça.
Valentin Maniglia
Les Rotondes font leur cinéma avec de vraies dures à «queer»
«A queer-feminist film series in Luxembourg» : c’est le nom sobre et sauvage qui a été donné à la série de projections de films que les Rotondes accueilleront pour cette nouvelle saison. Sept films, cinq soirées, qui auront lieu entre octobre et le mois de mai 2021. Car à Bonnevoie, le cinéma n’est pas seulement l’objet du plaisir cinéphile, il est aussi celui de la réflexion sur des sujets actuels de société. Organisées par l’ASBL Queer Loox, les séances seront aussi l’occasion pour les spectateurs de rencontrer les membres de l’association et d’ouvrir la discussion.
Pour la première projection, le 20 octobre, c’est la culture du «queer» en cuir qui est mise à l’honneur avec un double programme : le récent Tom of Finland (2017), excellent biopic sur le légendaire dessinateur et peintre finlandais qui a immortalisé le fétichisme masculin gay à partir des années 1950, et le documentaire culte, féroce et engagé Bloodsisters (1995), sur la scène «goudou cuir» de San Francisco.
Le 24 novembre, retour à la Plateforme des Rotondes pour Die Dohnal (2019), un documentaire qui arrive à point nommé puisqu’il s’intéresse à la femme politique autrichienne Johanna Dohnal, figure du féminisme qui a notamment lutté activement pour les droits des femmes et notamment contre le viol conjugal. Un autre double programme le 9 mars 2021 offrira une soirée trans avec le court métrage français De la terreur, mes sœurs ! (2019) et le survolté Tangerine (2015), qui suit en temps réel (et filmé à l’iPhone) l’odyssée de deux prostituées transsexuelles au cœur de Los Angeles le soir de Noël.
Et avant de finir en beauté, le 4 mai, avec le trop méconnu The Duke of Burgundy (2014) du grand Peter Strickland, petit bijou anglais qui traite d’une relation lesbienne sadomasochiste à l’univers visuel qui rappelle la grande époque du cinéma d’horreur italien (avec une composition artistique enivrante autour du fétichisme, poursuivant l’exploration de ce même imaginaire entamé il y a plus de 40 ans par Dario Argento ou Lucio Fulci), impossible de passer à côté de la plus petite des grandes dames du cinéma engagé et féministe, Agnès Varda. Le chassé-croisé musical L’une chante, l’autre pas (1977), l’un des chefs-d’œuvre de son auteure, sera présenté, lui, le 6 avril. On est déjà conquis.
V. M.