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[Auto] Grégoire Munster : «Un rallye dont je me souviendrai toute ma vie»


Malgré son abandon, puis son accident, Grégoire Munster peut être satisfait : il repart de ce Monte-Carlo avec sa toute première victoire dans une spéciale en WRC.

APRÈS LE RALLYE DE MONTE-CARLO Grégoire Munster revient sur cette première manche de la saison où il a écrit l’histoire en remportant sa toute première spéciale.

Quel est le sentiment qui prime? La satisfaction ou la déception ?

Grégoire Munster : Forcément un peu des deux, évidemment. Maintenant, honnêtement, vu notre abandon le vendredi soir à cause de la casse moteur, on n’avait plus grand-chose à jouer, mis à part des points le dimanche. Mais sinon, je pense qu’on a montré une belle pointe de vitesse. Ça a commencé jeudi avec deux quatrièmes temps. Le lendemain matin, on fait deux fois deuxièmes et samedi, pour la première fois, un Luxembourgeois réalise le meilleur temps sur une spéciale en WRC. C’est d’office un rallye dont je me souviendrai toute ma vie.

Vous êtes passés par toutes les émotions. Avec notamment un très bon vendredi matin où vous signez deux deuxièmes temps d’affilée.

Oui, ça montre qu’on est dans la bonne direction. Qu’on est capables d’avoir le niveau de performance nécessaire. On a fait un choix de pneus audacieux. On a décidé de partir sans clous alors que tous les autres en avaient. La première étape était très verglacée, la deuxième à 80 % sèche et 20 % verglacée. Sur la première, on avait choisi de partir avec deux clous en moins que les autres et deux pneus neige sans clous. Et on a fait le deuxième temps. Et sur la deuxième, on a mis deux pneus neige sans clous et on les a croisés avec deux pneus super softs. Ça nous a permis de gagner beaucoup de temps sur la partie sèche. Mais sur les 20 % verglacés, c’était très compliqué. Tu peux très vite faire une erreur. Mais on n’en a pas fait. Notre choix s’est avéré payant.

En revanche, c’est plus compliqué le vendredi après-midi ? 
On restait les pieds sur terre. On savait qu’on avait réussi ces chronos grâce à notre audace et à notre choix de pneus. Mais voilà, ça reste des champions du monde. On voulait bien commencer l’année et ne pas commettre d’erreurs. Ensuite, on a une crevaison, il reste encore 7,5 km dans la spéciale. On sait que si on change le pneu, ça nous prend 1’40«  environ, alors on décide de continuer et on a perdu entre 40 et 45 secondes.

Et, malheureusement, la journée s’est mal terminée. 

Oui. Après la dernière spéciale, on est sur une liaison en direction du parc fermé. Elle doit faire 40-50 km et, d’un coup, le moteur lâche. On a essayé plein de trucs, on a fait appel à l’équipe technique. Et une fois qu’on a vu qu’on ne pourrait pas rentrer à temps au parc fermé, on s’est fait tirer par les mécanos et on a dû abandonner.

Mais vous avez pu repartir ?

Oui. On utilise la règle du super rallye. On peut repartir, mais avec une pénalité de dix minutes pour chaque spéciale qu’on n’a pas terminée. On a donc pris dix minutes de pénalité pour la dernière du vendredi.

Vous aviez bon espoir de pouvoir repartir ?

Oui. On nous a dit qu’on pourrait repartir et qu’on nous enverrait un message. Ils ont envoyé le message à 3 h du matin et on l’a vu à 5 h, quand on s’est levés.

Qu’est-ce qu’on se dit dans la tête à ce moment-là ?

Déjà, pouvoir repartir, c’était top ! C’était important, car on a de nouveaux pneus et il faut les tester. En plus, c’était aussi crucial de pouvoir rouler sur des spéciales qu’on ne connaissait pas, à la différence de nos adversaires. On ne pouvait pas se permettre de louper une nouvelle occasion de les faire alors que les autres les auraient déjà effectuées deux ou trois fois.

Et vous avez profité à fond de votre position ?

Oui. Comme on était derniers des Rallye 1, on était les premiers à s’élancer. Et sur l’asphalte, contrairement à la terre, c’est un gros avantage. On passe sur des routes propres. Et quand tu prends tes cordes, tu rapportes des graviers. Tu pollues la route pour les suivants. On s’est dit qu’on avait une bonne carte à jouer. Et que c’était un bon moyen de remercier l’équipe pour tout le taf de la veille. On avait déjà montré qu’on avait un bon rythme. Qu’on était dans le bon élan au niveau de la perf et on ne voulait pas laisser passer cette opportunité.

Et vous ne l’avez pas laissée passer ! Étiez-vous conscients d’être en train de faire une énorme performance ? 

En fait, il y a déjà eu des spéciales sur lesquelles j’ai eu un meilleur feeling. Sur celle-là, je dirais qu’à 90 % j’avais un très bon feeling. Et sur 10 %, sur un secteur, j’ai senti un petit drop où j’ai perdu deux secondes. Ça m’a inquiété jusqu’à la fin. J’avais peur de me faire rattraper. Et d’ailleurs on l’a vu. Au split, on avait une avance de 2« 7 sur (Sébastien) Ogier et, d’un coup, il est revenu à deux dixièmes. Là, je me suis dit « merde, c’est foutu« . Mais finalement on lui reprend six dixièmes et on gagne avec huit dixièmes.

Un scratch, ça veut dire que, sur cette spéciale, tu es l’équipe la plus rapide de toutes!

Où êtes-vous quand vous apprenez votre victoire ? 

On était en route vers la prochaine spéciale. On s’est arrêtés sur le côté et on était en train de rafraîchir le site internet tout le temps pour voir si on nous rattrapait ou pas. Et non!

Alors, qu’est-ce qu’on se dit à ce moment-là ?

Ça fait plaisir! Ça fait un long moment qu’on travaille. Déjà, pour arriver jusqu’en WRC. Mais faire un scratch, ça veut dire que, sur cette spéciale, tu es l’équipe la plus rapide de toutes. Alors qu’en face il y a des Neuville, Tänak, Rovanperä, Ogier, tous des champions du monde. Ça veut dire que tu as un peu ta place parmi eux. Que tu ne bosses pas pour rien. Ça prouve que tu as du potentiel. Mais après, ce n’est qu’une spéciale.

Avez-vous été félicité ? 

J’ai entendu, quand il est arrivé, Sébastien Ogier dire à la TV qu’il me félicitait, qu’on avait un très bon rythme et qu’il trouvait que c’était chouette pour nous. Ça fait toujours plaisir. Ogier, c’est mon héros. Loeb a gagné beaucoup de choses, mais tout le temps avec Citroën. Alors qu’Ogier, il a gagné avec toutes les marques. Peu importe l’équipe. C’est une machine à gagner. 

Et après ce coup d’éclat, vous êtes rentré dans le rang ?

De nouveau, on a fait un choix de pneus osé le matin. Tous avaient pris des mixtes softs et super softs et avaient pris six pneus. Moi, j’ai pris cinq softs. Je voulais être 20 kg plus léger. Quand on voit qu’on gagne pour huit dixièmes, c’est peut-être aussi ce qui a fait la différence. Les deux spéciales suivantes étaient bien plus mouillées, et avec mes pneus softs, plus durs, j’ai galéré, mais je m’en foutais. Le samedi, à part prendre de l’expérience, ne servait pas à grand-chose. Et puis, je ne voulais pas prendre tous les risques le samedi. Je l’ai fait une fois, ça a payé, mais après je ne voulais plus le faire.

Ogier, c’est mon héros. Peu importe l’équipe, c’est une machine à gagner!

Vous vous réserviez pour le dimanche. Mais ça ne s’est pas bien passé.

Désormais, seuls les cinq meilleurs du dimanche prennent des points. Avec quatre champions du monde, ça laissait une place. Et ça voulait dire battre Adrien Fourmaux ou Elfyn Evans. Ogier a dit qu’il savourait vraiment ce 10e sacre au Monte-Carlo, car c’était probablement l’un des plus durs qu’il ait faits. En fait, il n’y avait pas suffisamment de glace pour rouler avec des clous et il fallait souvent faire des choix audacieux de pneus. Et c’est comme cela que j’ai été piégé. Sur la première spéciale, j’ai une nouvelle fois décidé de ne prendre aucun clou. Et je fais un super bon temps. Comme ça avait payé les jours précédents, je me suis dit que j’allais continuer. Mais en fait, il avait gelé davantage que prévu. Sur la deuxième spéciale, on part à nouveau les premiers et quand j’arrive sur un « droite«  en quatrième, je me fais piéger par une black ice, une plaque de verglas invisible, et j’ai volé tout droit dans la montagne. Je n’ai rien eu, mais on ne peut pas en dire autant de la voiture. 

Pas trop déçu ?

Ça m’est déjà arrivé de sortir de la route. Parfois, on a fait un troisième temps et plus grand-chose. Parfois, tu ne montrais pas de perf et tu commettais une erreur. Ici, j’ai montré de la performance. À la régulière, je pense qu’on pouvait jouer un top 5, le tout en se battant contre des Rovanperä et Tänak. Dans ce scénario, faire une erreur est plus acceptable. L’an passé, j’avais fait une troisième place et, sur le deuxième passage, j’avais commis une erreur de pilotage. Cette fois, je fais une fois quatrième, deux fois deuxième, je remporte une spéciale avant de glisser avec des slicks sur de la glace invisible. Le sentiment n’est pas le même que l’an passé.

Et ça vous permet d’aborder le prochain rendez-vous en confiance ? 

Oui. Même si ce sont deux environnements totalement différents. On passe de l’asphalte avec des pneus super softs à des pneus neige avec d’énormes clous. Ça fait du bien d’avoir affiché ce niveau de performance. Mais, pour la Suède, sur une surface qu’on connaît beaucoup moins bien, on n’aura peut-être pas la même approche.