Un constat répété année après année : depuis trois ans, le Luxembourg poursuit sa dégringolade dans le « Rainbow Index », ce classement qui répartit les pays européens selon leur progression en matière de droits et de libertés des personnes LGBTQIA+. Un fait que regrette l’association Rosa Lëtzebuerg.
Ce mercredi 17 mai marque la journée internationale contre l’homophobie. Une date importante pour la communauté LGBTQIA+ puisqu’il y a 33 ans jour pour jour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) retirait l’homosexualité de la liste des maladies mentales.
Encore en recul. Alors que le Luxembourg a occupé la troisième place du classement « Rainbow Index » trois fois de suite ces dernières années, il semble que le podium s’éloigne d’année en année. Déjà refoulé à la cinquième place en 2022, voilà que le pays perd encore des points et occupe actuellement la septième place de ce classement, avec un score de 68%.
Pour rappel, l’association publie chaque année une carte évaluant les progrès ou les reculs de 49 pays européens (dont les 27 États membres) en ce qui concerne la mise en œuvre des exigences visant à améliorer la situation juridique des personnes LGBTIQIA+, sur une échelle allant de 0% (violations graves des droits humains, discrimination) à 100% (respect des droits humains, égalité complète).
Un bilan «décevant»
Le recul du Luxembourg dans ce classement est toutefois à nuancer. «Il n’est pas le résultat d’une détérioration de la législation», tempère ainsi l’association Rosa Lëtzebuerg, mais plutôt la conséquence d’une «quasi stagnation du travail législatif». En effet, au cours des 24 derniers mois, l’association luxembourgeoise reproche qu’il n’y ait eu «aucune avancée notable dans la législation, ni aucun nouveau projet de loi introduit au Parlement pour renforcer les droits des personnes LGBTIQIA+ au Luxembourg.»
Une «stagnation» déjà constatée l’an dernier par le président de l’asbl, Tom Hecker, qui jugeait alors que la crise du Covid-19 avait certainement donné un coup d’arrêt aux projets du gouvernement. Mais force est de constater, un an plus tard, que la situation n’a pas bougé. «Le bilan du gouvernement sur les droits LGBTQIA+ est décevant. La crise du Covid-19 ne peut pas être entièrement tenu pour responsable de cette stagnation» déclare le conseil d’administration de Rosa Lëtzebuerg.
Rosa Lëzebuerg asbl est l’organisation nationale LGBTIQ+ du Luxembourg, qui défend les intérêts et les droits de la communauté LGBTIQ+ locale depuis sa création en 1996.
Outre la recherche de l’égalité juridique et la lutte contre la discrimination, ses responsabilités incluent divers projets socioculturels, tels que la «Luxembourg Pride», qui visent à créer un environnement sûr pour tous les membres de la communauté et à éradiquer les préjugés.
Les demandes urgentes de l’asbl luxembourgeoise, que la communauté queer attend depuis longtemps et qui ont été soulignées à plusieurs reprises au cours de l’année, n’ont pas encore été mises en œuvre : par exemple, l’interdiction des opérations sur les enfants présentant des variations des caractéristiques sexuelles sans leur consentement éclairé ou la reconnaissance automatique de la parentalité pour les couples de même sexe.
La mise en œuvre d’une interdiction des thérapies de conversion n’a pas non plus été abordée «comme une nécessité», déplore Rosa Lëtzebuerg. «Particulièrement dans la catégorie de l’intégrité corporelle des personnes intersexes, le Luxembourg n’a pas encore établi de cadre juridique et n’a donc obtenu aucun point.»
«Les crises récentes nous ont montré encore plus clairement combien il est important d’avoir une législation cohérente pour protéger les minorités. La rapidité avec laquelle les lois peuvent être renversées ou érodées et la discrimination légale peut ressurgir est observable en Pologne ou en Hongrie», prévient le conseil d’administration. «Un ancrage dans la Constitution aurait été une étape depuis longtemps nécessaire.»
Le classement « Rainbow Index »
- Pour la huitième année consécutive, Malte continue d’occuper la première place, avec un score de 89%,
- La Belgique progresse de quatre places et occupe désormais la deuxième place de ce classement, avec un score de 76%,
- Le Danemark arrive en troisième position, avec un score identique à la Belgique,
- L’Espagne est quatrième, après l’introduction d’une législation complète pour la reconnaissance juridique du genre sur la base de l’autodétermination, avec 74%
- L’Islande se classe cinquième avec un score de 70%.
Nos voisins français et allemands figurent, eux, à la 10ᵉ et 15ᵉ places.
Le classement complet est à retrouver sur le site dédié.
Insultes, crachats, discriminations et mêmes violences physiques : la haine contre les personnes LGBTQIA+ reste « ancrée » dans la société française, s’alarme, dans son rapport annuel, l’association SOS Homophobie, qui appelle le gouvernement à « agir beaucoup plus résolument » contre ce fléau.
Grâce à sa ligne d’écoute et ses espaces numériques, l’association a recueilli en 2022 quelque 1 500 signalements relatifs à des situations de haine homophobe ou transphobe, soit un niveau à peu près stable par rapport à l’année précédente.
L’évolution est en revanche « préoccupante » concernant les agressions physiques, en hausse de 28% entre 2021 et 2022, soit une tous les deux jours, a souligné Joël Deumier, co-président de l’association. « Malgré l’évolution des lois et des mentalités, aujourd’hui les personnes LGBTQIA+ ne peuvent toujours pas vivre librement, telles qu’elles sont », a-t-il déploré.
La violence, qui peut prendre la forme de « guets-apens tendus via des applications de rencontres », s’abat parfois sur les victimes « pour des motifs futiles et souvent inexistants », résument les auteurs du rapport. Ils citent de nombreux cas, comme celui d’un couple d’hommes agressé à coups de couteau dans le métro, de deux femmes ayant découvert une vingtaine de crachats sur leur voiture, d’un jeune homme roué de coups par cinq agresseurs ou encore d’un autre harcelé par son voisin qui lui a lancé : « tu es d’une race qui ne mérite pas de vivre ».
Les actes transphobes en hausse
De nombreux témoignages font état de discriminations, concernant par exemple des agences immobilières, « qui refusent de louer ou de vendre à des couples ou familles » LGBTQIA+. Un couple gay n’a pas pu louer une chambre dans un hôtel parisien, au motif que « ce n’est pas possible, deux hommes dans une chambre avec un grand lit ». De la même manière, une personne non binaire s’est vu refuser l’entrée d’une bibliothèque publique et une octogénaire transgenre celle d’une boutique de prothèses auditives.
Après une hausse de 13% en 2021, les actes transphobes ont encore augmenté de 26% en 2022, une forme de rejet « banalisé » et entretenu par les établissements scolaires qui « refusent souvent toute modification administrative » du genre des élèves transgenres, dénonce le rapport.