La Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale (LLHM) accompagne chaque année une soixantaine de personnes en souffrance psychique. Comme Vicky, 26 ans, qui avance pas à pas sur le chemin de l’autonomie malgré son handicap.
Elle était en miettes ce jour-là. Des mois qu’elle ne sortait plus : un burn-out doublé d’une dépression aiguë l’avait mise à terre. Prête à se briser, Vicky avait rassemblé ses forces pour pousser la porte du service de jour de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale (LLHM) dans le quartier Gare à Luxembourg. C’était en 2019.
À 23 ans à peine, son corps était épuisé par dix années de combat contre une maladie psychosomatique invalidante qu’aucun médecin n’a jamais pu expliquer. «Ça s’est déclenché quand j’avais 13 ans à la suite d’un stress important. Une sorte de fibromyalgie», explique-t-elle. «Face à l’anxiété, j’ai des contractures musculaires généralisées qui entraînent notamment la paralysie de mes jambes. J’ai donc vécu une bonne partie de ma vie avec des béquilles», raconte Vicky, d’une voix douce et posée.
À cette époque, elle ne supporte plus cette maladie chronique invisible et ses douleurs que personne ne prend au sérieux. Impossible de garder un emploi stable dans ces conditions : elle enchaîne quatre jobs dans la restauration puis la vente en moins d’un an, avant de se renfermer et de finir par ne plus sortir de chez elle. Ses symptômes l’envahissent et son état de santé se dégrade rapidement.
Le travail en groupe m’a permis de m’accepter
C’est sa mère qui trouve l’adresse de la Ligue et l’encourage à se faire aider. Elle accepte et prend rendez-vous avec le responsable du service, Rémy Denis (lire ci-contre). «Il m’a tout de suite mise en confiance, je me suis sentie protégée, et surtout, j’ai retrouvé l’espoir de m’en sortir», se souvient-elle.
À la suite de ce premier bilan, l’équipe définit avec elle un programme complet de réhabilitation psychosociale : «J’ai commencé une thérapie intensive comportant plusieurs activités par semaine, avec chacune un objectif précis en fonction de mes besoins», détaille Vicky, qui mesure très vite les effets bénéfiques de cette cure.
«Une maladie psychosomatique, tant qu’on ne l’a pas acceptée, on lutte contre et ça ne fait qu’empirer. Le travail en groupe m’a permis de m’accepter, avec mon handicap, de prendre confiance en moi, et d’apprendre à vivre avec mes béquilles», estime-t-elle. En quelques mois, la jeune femme va beaucoup mieux et, avec le soutien de l’équipe, reprend son envol.
Début 2021, déterminée à retrouver une activité professionnelle, elle décroche un emploi de secrétaire. Mais très vite, c’est la rechute. «Je pense que je n’étais pas prête tout simplement : à temps plein, c’était trop pour moi. J’ai brûlé les étapes», comprend-elle avec le recul.
Je suis si fière de moi. Aujourd’hui, mes béquilles sont au placard
Pas question de se laisser sombrer: elle rappelle la Ligue et réintègre le service. «C’était comme revenir à la maison. Toute seule, je n’aurais pas réussi à remonter la pente.» Vicky participe à nouveau aux différents ateliers et s’ouvre encore un peu plus, reprenant lentement les rênes.
Grâce au travail en groupe sur la communication, elle parvient à mieux exprimer ses émotions et son ressenti, lui permettant de se créer un vrai cercle d’amis et de renforcer les liens avec ses proches. Elle entame aussi des démarches auprès de l’Adem et obtient enfin un statut de travailleur handicapé. De quoi faire taire ses symptômes.
«Aujourd’hui, mes béquilles sont au placard. La dernière fois que j’en ai eu besoin, c’était en janvier, une journée seulement, alors que mes crises duraient jusqu’à trois semaines. Je suis si fière de moi et de mon parcours. C’est comme gravir l’Himalaya : je ne suis pas encore au sommet, mais je sais que j’y arriverai», sourit Vicky, ajoutant que, cette fois, elle prendra son temps.
«Tout pour moi est une victoire. L’année prochaine, je reprendrai sans doute un travail ou j’entamerai une formation. Le domaine artistique m’attire beaucoup. Mais ce sera une activité adaptée», insiste-t-elle, infiniment reconnaissante envers les membres du service de jour, et assez forte pour quitter enfin sa «bulle» comme elle l’appelle. «Le jour où je reviendrai, ce sera pour leur montrer qui je suis devenue.»
Une thérapie ciblée, en forme de coaching
Les 13 professionnels du service de jour de la Ligue luxembourgeoise d’hygiène mentale – infirmiers, éducateurs, ergothérapeutes, assistants sociaux, psychiatres et psychologues – prennent en charge chaque année une soixantaine d’adultes souffrant de troubles psychiatriques divers.
Âgés de 40 ans en moyenne, les patients sont atteints de psychoses, de troubles de l’humeur, de troubles anxieux, de troubles de la personnalité, de l’adaptation, ou de dépression, et viennent suivre une thérapie ciblée et concrète, centrée sur leurs problématiques du quotidien, à l’image d’un coaching personnalisé.
«Ces gens viennent avec l’objectif d’avancer. Notre programme est donc conçu pour faire en sorte que leur pathologie ait le moins d’impact sur leur vie quotidienne», explique Rémy Denis, responsable du service. La durée de cette thérapie moderne et réactive est de neuf mois en moyenne, tandis que l’évolution des patients est passée au crible toutes les cinq semaines, pour s’assurer que les activités collent toujours à leurs besoins. «Socialisation, pose des limites, autonomie, prise de parole : chacun suit un planning qui lui est propre et qui peut changer», poursuit-il. Le but étant d’atteindre la réintégration sociale et professionnelle de ces personnes, très jeunes pour la plupart.
Depuis 1956, la Ligue offre à toute personne souffrant de difficultés psychologiques ou de troubles psychiatriques une prise en charge à travers l’écoute, le soutien et l’accompagnement. Elle dispose pour cela de nombreux services et structures, dont des logements. Plus d’infos sur le site internet llhm.lu.