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Au Portugal, le forage pétrolier ne coule pas de source


"Pourquoi chercher du pétrole ? C'est une énergie du passé !", s'insurgent les organisateurs du mouvement sur la plage de Carcavelos. (photo AFP)

Opposés au forage pétrolier au large des côtes portugaises, les défenseurs de l’environnement s’en remettent à la justice tout en faisant pression sur un gouvernement qui veut jouer les bons élèves en matière de transition énergétique.

Sous le slogan « stopper le forage », des dizaines de manifestants aux joues barrées d’une croix noire se sont rassemblés samedi sur une trentaine de plages du nord au sud du Portugal.

« Pourquoi chercher du pétrole ? C’est une énergie du passé ! », s’insurge Margarida Mendes, une des organisatrices du mouvement sur la plage de Carcavelos, une des plus populaires de la région de Lisbonne.

Les militants qui se sont mobilisés contre le projet de forage pétrolier à 46 km au large d’Aljezur, une commune située au cœur du parc naturel qui s’étend au long du littoral sud-ouest du Portugal, ont remporté la semaine dernière une importante victoire contre le consortium formé par le groupe pétrolier italien ENI et son partenaire portugais Galp.

Saisi par la Plateforme pour un Algarve libre de pétrole (PALP), qui regroupe une vingtaine d’ONG de défense de l’environnement, le tribunal de Loulé (sud) a décidé en référé de suspendre les travaux de préparation du forage, censé avoir lieu entre le 15 septembre 2018 et le 15 janvier 2019.

Le pays « perd de sa crédibilité »

Mais la plateforme redoute que le gouvernement socialiste accorde un nouveau délai à un projet successivement reporté depuis 2007.

Les ONG reprochent notamment à l’exécutif socialiste d’avoir cautionné la décision de l’Agence pour l’environnement de se passer d’une étude évaluant l’impact du forage sur l’environnement.

« Alors que le ministère de l’Environnement déroule le tapis rouge au secteur pétrolier, les tribunaux pourraient retarder ou même empêcher le forage », résume Francisco Ferreira, président de l’ONG Zero.

D’après ce vétéran de la défense de l’environnement, le Portugal « perd de sa crédibilité » alors même qu’il figure « parmi les pays les plus ambitieux d’Europe en matière de lutte contre le changement climatique ».

Après des années d’investissement dans les énergies renouvelables, le Portugal surgit au 7e rang des États membres de l’Union européenne dont la part d’énergies propres dans la consommation totale d’énergie est la plus importante, à près de 25%.

« Désastre » annoncé

Ce ratio monte à plus de 50% si l’on considère uniquement l’énergie électrique consommée par le pays. Et, à la faveur d’un printemps particulièrement pluvieux, au cours du mois de mars la production d’énergies renouvelables a dépassé la consommation d’électricité de ses quelque 10 millions d’habitants.

Dans ce contexte, l’autorisation du forage pétrolier représente un « désastre de marketing sur le plan international », regrette Francisco Ferreira. « Et, sur le plan interne, le mouvement de contestation reste assez fort car il y va de protéger une des régions côtières les plus préservées du pays », poursuit-il.

Les municipalités de la région s’opposent également à l’exploitation d’hydrocarbures car elle risquerait de plomber une filière touristique vitale pour l’économie locale.

Le gouvernement confiant

De son côté, le gouvernement fait valoir que le fond marin en cause n’est pas particulièrement sensible et que le risque d’accident est extrêmement réduit, mais il a tout de même décidé en mai dernier d’un moratoire sur tout nouveau projet de forage et réaffirmé l’objectif d’une neutralité carbone à l’horizon 2050.

« Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au stade où l’intéressé cherche à savoir s’il y a ou non du pétrole. S’il y en a, alors il faudra faire une étude d’impact environnemental préalable », s’est défendu le ministre de l’Environnement, Joao Pedro Matos Fernandes, lors d’une audition au Parlement le 27 juin dernier.

« Le taux de succès d’un nouveau forage est de 15% », a indiqué le directeur du département d’exploration et production de Galp, Thore Kristiansen, en précisant dans un entretien au Jornal de Negocios qu’il était « très très sûr » de creuser ce type de puits de forage, qui coûte environ 100 millions de dollars (85 millions d’euros).

Le Quotidien/AFP