Accueil | A la Une | Attentats à la pudeur sur deux fillettes : le parquet réclame l’acquittement

Attentats à la pudeur sur deux fillettes : le parquet réclame l’acquittement


La défense a émis l’hypothèse que les deux fillettes auraient pu mal interpréter les intentions de leur père étant donné le contexte de conflit dans lequel elles ont grandi. (Photo Sophie Kieffer)

Retournement de situation. Le parquet estime que les faits reprochés à un père de famille ne sont pas suffisamment circonstanciés pour réclamer une condamnation à son encontre.

Jaime est accusé d’avoir commis des attentats à la pudeur et des actes de violence sur ses deux filles de 9 et 11 ans entre les mois de juin et de novembre 2021. Le père nie. «Je les massais avec de la crème chaque soir pour les aider à s’endormir. Il n’y avait aucune intention sexuelle. C’était la caresse d’un père, pas d’un pédophile», a-t-il indiqué face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg vendredi matin. Pourtant, l’expertise de crédibilité n’a pas permis de dégager de raison plausible qui aurait pu pousser les deux sœurs à faire un faux témoignage.

Les faits ont eu lieu sur fond de divorce houleux du couple parental après 23 ans de mariage en 2017. L’experte psychiatre a toutefois exclu la possibilité d’un complot ourdi par la maman pour récupérer la garde des enfants ou de leur sœur aînée pour se venger du père. La véracité de leurs témoignages ne peut, selon elle, pas être mise en doute. «Les filles nous ont avoué avoir peur qu’il crie, qu’il les frappe ou les force à faire autre chose», comme les obliger à dormir avec lui, a rapporté un enquêteur du service de protection de la jeunesse de la police judiciaire. «Elles n’ont pas donné beaucoup de détails, mais je n’ai pas eu l’impression qu’elles récitaient une leçon.»

«Parler et dénoncer les faits est difficile. Elles ont eu le courage de le faire», a souligné leur avocate en se portant partie civile. «Leur père a dépassé toutes les limites.» «En niant sa responsabilité ou en la minimisant, leur père nie la parole de ses filles et leur souffrance pourtant bien réelle», a ajouté sa consœur. Elles ont réclamé 25 000 euros de dommages et intérêts pour chacune des filles et 10 000 euros pour leur maman.

«J’ai fait mon travail de père»

Questionné par la présidente, Jaime se présente comme un père dépassé aux méthodes éducationnelles maladroites face à des gamines turbulentes. «C’était notre rituel du vendredi soir. Je ne les ai jamais forcées à dormir avec moi dans le même lit. Ce sont elles qui le demandaient», jure le prévenu. «Mon aînée avait la peau très sèche. J’ai arrêté de lui passer de la crème sur la poitrine quand elle est devenue pubère. Tirer sur l’élastique du slip était un jeu.» «Ce sont des choses qu’on arrête de faire quand les enfants atteignent un certain âge. Il faut respecter leur intimité», le sermonne la juge. «Qui est l’adulte?»

Le père de famille semble tomber des nues face aux accusations qu’il repousse les unes après les autres. «J’ai fait mon travail de père», insiste-t-il. «C’était un acte d’affection.» Il n’a plus aucun contact avec ses filles depuis trois ans. Elles ont réussi à échapper à la situation conflictuelle dans laquelle elles ont grandi depuis le divorce de leurs parents, ont estimé le substitut du procureur et l’avocate de la défense qui, c’est rare, sont du même avis.

Tous deux ont plaidé en faveur de l’acquittement de Jaime. «La question centrale de ce dossier est de savoir si les attouchements ont eu lieu dans un contexte sexuel ou pas» ou s’il s’agissait «d’actions physiques contraires aux bonnes mœurs», a noté le magistrat debout derrière son pupitre et convaincu du contraire. Tout ne serait qu’une question d’interprétation de deux enfants dans un contexte caractéristique. Rien dans le dossier ne permettrait, selon lui, d’attribuer une quelconque intention criminelle ou sexuelle au père de famille. Quant aux infractions de coups et blessures volontaires, elles ne seraient pas suffisamment caractérisées pour mériter une condamnation.

Le prévenu serait un père mal avisé confronté aujourd’hui à de graves accusations face à une chambre criminelle sur la base «d’un dossier extrêmement mince», a regretté son avocate, Me Gomes Matos. «On ne devient pas pédophile du jour au lendemain», a-t-elle affirmé en citant un expert psychiatre connu des tribunaux. «Mon client n’a jamais eu de comportement pédophile. Ce n’est pas un attentat à la pudeur, vous ne pouvez pas le condamner.» Idem en ce qui concerne les coups et blessures volontaires qui sont tout au plus des violences légères. «Ce n’était qu’un mode d’éducation duquel on peut penser ce qu’on veut», même s’il était très maladroit.

Le prononcé est fixé au 7 novembre prochain.