Stéphane ne se sent pas pris au sérieux. Le quinquagénaire a, selon lui, juste posé la main sur la cuisse d’une mineure autiste dans un bus et réchauffé ses mains sous son écharpe.
Lucie* portait une jupe ce matin-là. La jeune fille de 14 ans, «transie de peur», n’a pas réagi quand Stéphane aurait abusé d’elle dans le bus 175 reliant Mondorf-les-Bains à Luxembourg. Des signes que le prévenu semble avoir interprétés comme une invitation à poursuivre ses gestes déplacés, selon le président de la 7e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg hier matin. Porter une jupe quelle que soit sa longueur ou être pétrifiée de peur ne sont pas des invitations aux hommes de disposer des femmes comme ils l’entendent.
Il pleuvait le 28 janvier 2020. L’adolescente atteinte d’autisme a accepté de partager un coin de parapluie avec Stéphane jusqu’à l’arrêt de bus. Elle embarque dans le bus et Stéphane s’installe à ses côtés. Sur la fenêtre embuée, Lucie aurait dessiné une figure féminine et un bonhomme qui sourit. Un signe supplémentaire selon le prévenu qui a posé sa main sur la cuisse de l’adolescente avant de dénouer son écharpe et de la placer sur leurs genoux pour cacher ses mains baladeuses des autres passagers. Jusqu’à l’arrivée du bus en gare de Luxembourg et malgré les larmes de l’adolescente, il lui aurait caressé ses parties intimes.
Un appel à témoins a été lancé par la police pour retrouver Stéphane sur base des images de vidéosurveillance enregistrées dans le bus. Le prévenu s’est présenté au commissariat, mais ne reconnaît pas l’entièreté des faits qui lui sont reprochés. «Je n’ai pas souvenir de l’avoir touchée à l’entrejambe», explique-t-il à la barre. Deux jeunes femmes ont contacté la police pour signaler avoir constaté des comportements déplacés ou déviants de la part du prévenu sur la même ligne de bus ou aux thermes de Mondorf. Vingt-cinq images à caractère pédopornographique ont en outre été retrouvées sur son ordinateur.
«C’est quelqu’un de très empathique. Il a voulu consoler et réconforter la jeune fille», a tenté de le défendre son ancienne épouse. «Je ne crois pas à cette histoire. Il ne prenait jamais le bus.» Un argumentaire qu’avait déjà évoqué le prévenu à l’expert psychiatre qui a dressé son profil sans relever assez d’indices pour conclure avec certitude à des tendances pédophiles. Pour lui, Stéphane est un frotteur. Une personne qui ne peut s’empêcher de toucher des personnes non consentantes pour obtenir une excitation sexuelle.
Méditation guidée
Stéphane a une autre explication. Il s’était lancé dans un programme «de méditation guidée pour changer sa destinée» qui lui aurait occasionné «un manque de discernement» au moment des faits. «À vous de rapporter la preuve que ce programme modifierait le comportement», lui suggère le président. «Ce sont de pures allégations et je n’ai pas l’intention de suivre ce programme pour les vérifier.» Les vidéos pornographiques sur son téléphone, le quinquagénaire n’en aurait regardé que pendant ses vacances au ski, jamais dans un bus. «Pour vous réchauffer?», questionne le président.
Le prévenu rejette toutes les accusations. Il n’aurait pas non plus eu connaissance des photographies d’ordre pédopornographique sur son ordinateur. «Je suis à 300 % pour un renforcement de la protection des mineurs, pour que vous me situiez», lance Stéphane pour se dédouaner une énième fois. «Cette histoire est une tragédie pour moi.» Il aurait très mal vécu l’appel à témoins de la police.
Il n’y a pas «de début de preuve objective que mon client a touché les parties intimes de la victime présumée», insiste Me Kreutz. «Les images de vidéosurveillance du bus montrent uniquement l’écharpe sur leurs genoux.» L’avocat a plaidé l’acquittement de son client de l’attentat à la pudeur et demandé au tribunal de ne pas retenir la circonstance aggravante due à la déficience psychique de la victime présumée. Idem en ce qui concerne les deux autres faits qui sont reprochés au prévenu envers d’autres femmes et la détention de matériel à caractère pédopornographique. Me Kreutz évoque un téléchargement involontaire. Son client les aurait d’ailleurs supprimées. «On ne télécharge pas ce type d’images quand on consulte des vidéos de chats en ligne. Il a dû chercher des chattes au lieu de chats», s’amuse le président incrédule.
La représentante du parquet s’est fiée au témoignage «invariable» de Lucie et aux images de vidéosurveillance «incontestables» pour réclamer une peine de 36 mois de prison et une amende appropriée contre Stéphane pour attentat à la pudeur, outrage public aux bonnes mœurs et détention de matériel à caractère pédopornographique. Elle ne s’est pas opposée à un sursis à condition qu’il soit assorti d’une obligation de soins.
Le prononcé est fixé au 6 juillet.
* Prénom modifié par la rédaction.
En lisant les déclarations de l’accusé et les explications de son avocat on se croirait au Moyen-Age. Monsieur, si vous n’êtes pas à même de contrôler vos pulsions, restez à la maison!