Accueil | A la Une | Atteint de psychose induite, Éric agresse sept personnes en 40 minutes

Atteint de psychose induite, Éric agresse sept personnes en 40 minutes


Le trouble psychotique au moment des faits justifie l’altération du discernement, indépendamment de la consommation de drogue, selon la défense. (Photo : archives lq)

Éric n’avait peut-être pas l’intention de tuer un policier, mais en consommant du cannabis, il a accepté l’éventualité de commettre un acte répréhensible, selon le parquet.

On l’a accompagné jusqu’à la camionnette de police. Le reste, je ne m’en souviens pas. Je me souviens d’un coup dans le dos et de m’être réveillé au milieu du rond-point avec du mal à respirer.» Le 4 novembre 2020, le policier a été poussé sous un camion en mouvement par Éric, qui lui a ensuite asséné deux coups de pied à la tête. Quatre ans après les faits, il n’est pas remis de cette agression et conservera des séquelles à vie.

En à peine une heure, le prévenu a réussi à mettre Lamadelaine sens dessus dessous. Victime d’une psychose après avoir consommé du cannabis, il a agressé plusieurs personnes. Éric passait la soirée avec deux amis quand «il a pété un câble». Le jeune homme de 24 ans à l’époque prétend avoir été victime d’une tentative de viol de leur part. Cela l’aurait mis hors de lui. Il a agressé ses amis avant d’attraper par les cheveux une jeune femme qui promenait son chien, de la pousser au sol et de l’embrasser. Il a ensuite sauté à pieds joints sur une voiture à l’arrêt. Sa course folle s’est terminée au rond-point du PED, où il a agressé cinq policiers.

Quelques jours avant les faits, Éric était revenu différent d’un voyage à Vienne. Les amis qui l’accompagnaient et ses parents s’en étaient alarmés. «À Vienne, nous avons fumé un peu plus de cannabis que d’habitude», témoigne Éric, face à la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, hier. «Je fumais de temps en temps pour me calmer. Je ne connaissais pas les conséquences et les risques de la consommation de cannabis.»

Le jeune homme dit avoir oublié ses agissements le jour des faits. «Seules quelques images restent et je suis incapable de vous expliquer ce qui m’est passé par la tête à ce moment-là», indique le jeune homme, honteux. «Je me souviens d’avoir mordu un policier au doigt dans la camionnette. Ce n’est pas moi. Je ne suis pas capable de telles choses. Je n’étais plus maître de moi.» Éric dit avoir été choqué par les témoignages et par l’accusation de tentative de meurtre. Aujourd’hui, il est «clean». Des tests réguliers, réalisés dans le cadre de son contrôle judiciaire, en attestent.

Un article, deux lectures

Coups et blessures volontaires, attentat à la pudeur, destruction d’objets matériels, coups à agents avec et sans blessures, rébellion, outrage et tentative de meurtre… Pour le parquet, tous ces délits et crimes sont à retenir à l’encontre du prévenu. «En 40 minutes, il a agressé sept personnes et neuf policiers ont eu du mal à le maîtriser», rappelle sa représentante. Pour elle, «Éric avait envisagé et accepté les conséquences de ses actes» en consommant du cannabis. La psychose dont il souffrait est de son fait. «Son trouble psychotique a été induit par sa consommation de cannabis, qui a conduit à l’altération de son discernement relevé par le psychiatre.»

La magistrate coupe l’herbe sous le pied de la défense, qui envisageait d’invoquer l’article 71-1. En se droguant, le prévenu a accepté l’éventualité de mettre la vie d’autrui en danger. Elle requiert une peine de 10 ans de prison avec un sursis le plus large possible et une amende appropriée à l’encontre du jeune homme si le tribunal retient la tentative de meurtre, et une peine de 6 ans, si ce n’est pas le cas.

Éric est en aveux sur toute la ligne, mais conteste la tentative de meurtre. «Cela s’est passé lors d’un excès de violence», pour son avocat, Me Lentz. Son client se débattait face aux policiers. «Son geste n’était pas volontaire et conscient.» D’ailleurs, selon lui, les témoignages des policiers eux-mêmes soulèveraient un doute quant à la volonté du jeune de donner la mort en poussant l’un des leurs au passage du camion. Tout s’est passé lors «d’une bousculade».

Comme l’avait déjà subodoré la représentante du parquet, la défense a invoqué l’article 71-1 et soulevé la jurisprudence Halimi. Éric ne pouvait anticiper «sa bouffée délirante». Le trouble psychotique au moment des faits justifie l’altération du discernement, indépendamment de la consommation de drogue. En France, lors de l’affaire Sarah Halimi, les parties civiles avaient demandé de retenir la responsabilité du prévenu, compte tenu de son intoxication volontaire. La défense et l’avocate générale défendaient «la nécessité de maintenir une distinction entre l’ivresse causée par la prise volontaire de psychotropes aux effets prévisibles et le trouble psychiatrique inattendu… qui abolit le discernement».

«Il n’a pas consommé de cannabis pour faciliter son passage à l’acte», a, en outre, souligné l’avocat avant de demander au tribunal de condamner son client à une peine inférieure à celle requise par le parquet et de l’assortir du sursis intégral ou probatoire.

Le prononcé est fixé au 19 décembre.