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« Attaque chimique »: Damas et Moscou réfutent les accusations occidentales


Le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a assuré que l'armée syrienne "n'a pas utilisé et n'utilisera jamais" des armes chimiques contre son propre peuple. (photo AFP)

Le régime syrien et son allié russe ont rejeté en bloc les accusations des pays occidentaux sur l’attaque chimique présumée en Syrie, alors que se multiplient les efforts pour faire voter une résolution de condamnation à l’ONU.

Deux jours après l’attaque ayant fait 86 morts, Moscou a affirmé jeudi que Washington ne disposait pas d’information « objective », « fiable » et « réaliste, au moment où Américains, Français et Britanniques pointent du doigt le régime de Bachar al-Assad.

Le Conseil de sécurité doit de nouveau se réunir dans la journée après le report la veille du vote de la résolution, le temps pour les Occidentaux de négocier avec la Russie.

Allié indéfectible du régime depuis le début de la guerre en Syrie il y a six ans, Moscou a opposé son veto à plusieurs reprises à l’ONU pour éviter une condamnation de Damas.

« Justice internationale »
Au cours d’une conversation téléphonique avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le président russe Vladimir Poutine a jugé « inacceptable » la formulation « d’accusations non fondées contre qui que ce soit avant la mise en œuvre d’une enquête internationale impartiale et minutieuse », selon un communiqué du Kremlin.

D’après le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, « juste après la tragédie, personne ne pouvait avoir accès à cette zone » de Khan Cheikhoun, petite ville de la province rebelle syrienne d’Idleb (nord-ouest), où une attaque chimique présumée a eu lieu. Il a toutefois qualifié l’attaque de « crime monstrueux ».

Dans le même temps, le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem a assuré que l’armée syrienne « n’a pas utilisé et n’utilisera jamais » des armes chimiques contre son propre peuple, « pas même contre les terroristes », mot utilisé par le régime pour désigner rebelles et jihadistes.

D’après le ministre, l’armée de l’air a frappé « un entrepôt de munitions appartenant » à des jihadistes et « contenant des susbtances chimiques ». Cette explication concorde avec la version de l’armée russe qui a en partie disculpé le régime.

Mais pour des pays tels la France, la responsabilité de Damas dans l’attaque ne fait aucune doute.

« Un jour viendra où la justice internationale se prononcera sur Bachar al-Assad, qui massacre son peuple », a lancé le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault.

Paris, Londres et Washington font pression pour faire passer la résolution appelant à enquêter sur le drame, qui a donné lieu à des images choc d’enfants pris de convulsions sous leur masque à oxygène ou de personnes inertes gisant dans les rues et saisies de spasmes, de la mousse se dégageant de leur bouche.

« Il faut obtenir la condamnation des armes chimiques, et enquêter pour savoir ce qui s’est passé réellement, savoir quelles armes ont été utilisées, quelles substances, et faire en sorte que ça s’arrête », selon M. Ayrault.

« Souffrance »

Le caractère chimique de l’attaque semble se préciser même si les circonstances restent encore indéterminées et controversées. En Turquie, où de nombreux blessés ont été évacués, des autopsies ont confirmé l’utilisation d’armes chimiques, a indiqué jeudi l’agence de presse Anadolu.

Des médecins présents sur les lieux ainsi que des ONG internationales comme Médecins sans frontières (MSF) ont évoqué l’utilisation d' »agents neurotoxiques ».

Khan Cheikhoun ressemblait à une ville fantôme lorsqu’un correspondant s’y est rendu mercredi. Ses habitants sont sous le choc et des animaux morts gisent encore dans les rues. Une équipe portant masques et gants effectue des prélèvements dans un cratère causé par la frappe aérienne de mardi. « Je ne peux raconter ma souffrance qu’à Dieu (…) Les Européens ne peuvent rien faire, sauf condamner », témoigne Abdelhamid al-Youssef.

Ce jeune homme de 28 ans a perdu 19 membres de sa famille dont son épouse Dalal et ses deux enfants Ahmad et Aya. Une photo le montrant avec ses enfants morts dans les bras, écrasé par la douleur, a fait le tour des réseaux sociaux depuis mardi.

Trente enfants figurent parmi les 86 civils ayant été tués à Khan Cheikhoun, selon le dernier bilan de l’Observatoire syrien des droits de l’Homme. Quelque 160 autres ont été blessés et transportés dans les hôpitaux de la province d’Idleb ou dans le sud de la Turquie.

« Lignes franchies »

« Ces actes odieux par le régime d’Assad ne peuvent pas être tolérés », a martelé le président Donald Trump, qui a reconnu que son « attitude vis-à-vis de la Syrie et d’Assad avait nettement changé ». Car de « nombreuses lignes » ont été « franchies », a-t-il ajouté en faisant allusion à la « ligne rouge » que s’était fixée son prédécesseur Barack Obama à propos des attaques chimiques du régime syrien.

L’ambassadrice américaine à l’ONU Nikki Haley est allée plus loin. « Quand les Nations unies échouent constamment dans leur mission d’action collective, il y a des moments dans la vie des Etats où nous sommes obligés d’agir nous-mêmes », a-t-elle martelé au Conseil de sécurité devant lequel elle a brandi ce qu’elle a présenté comme étant deux photos d’enfants victimes.

Mme Haley s’est cependant gardée d’expliciter ce qu’elle entendait par une action unilatérale, même s’il s’agit là d’une des déclarations les plus fortes des Etats-Unis depuis longtemps sur le conflit syrien.

L’administration Trump peine encore à présenter une stratégie claire sur la meilleure manière de mettre fin à cette guerre qui a fait plus de 320.000 morts.

Le Quotidien / AFP