Le ministère public a rejeté les explications de Baosong et retenu la tentative de meurtre. Le Chinois aurait eu l’intention de tuer son compatriote avec un couteau à sushi.
Xinhao aidait dans la cuisine d’un restaurant chinois de Hobscheid le 14 mai 2021 quand le frère du patron lui aurait planté un couteau à sushi dans le dos. Les deux hommes se connaissent à peine. «Baosong m’avait fait une remarque. Son frère l’a repris et remis à sa place», témoigne la victime présumée à la barre de la 13e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg mercredi après-midi. «Il est arrivé vers moi en courant. Je n’ai pas immédiatement remarqué qu’il m’avait poignardé. Le chef m’a fait remarquer que j’avais un couteau planté dans le dos.»
Le jeune homme de 22 ans témoigne avoir retiré le couteau lui-même. Mardi, le prévenu avait indiqué l’avoir retiré lui-même. Ce qui expliquerait ses graves blessures à la main. La lame de 25 centimètres était plantée à 6 centimètres dans les tissus mous de la victime présumée. La blessure n’était pas grave, mais Xinhao n’a pas pu travailler pendant deux mois. Il n’a cependant pas souhaité se porter partie civile.
Baosong maintient s’être emparé du couteau pour intimider le jeune homme, pas pour le blesser. Il aurait glissé en s’approchant de lui. Le prévenu de 42 ans émergeait, selon lui, d’une crise de grand mal et était persuadé d’avoir été battu par le personnel du restaurant pendant qu’il était inconscient. Une version des faits infirmée par un neurologue et un médecin légiste. Ainsi que par les témoins de la scène. De précédentes condamnations à des peines de prison, notamment pour des faits de coups et blessures volontaires, jettent également un doute sur les intentions du prévenu qui se décrit lui-même comme impulsif et dit avoir du mal «à se défendre avec des mots». Baosong a déjà passé cinq ans derrière les barreaux.
Le prévenu est au Luxembourg depuis une dizaine d’années. Après un périple de quelques années depuis la Chine, il y a finalement rejoint son frère aîné. «Il venait de temps en temps au restaurant pour dormir dans une chambre à l’étage et donnait parfois un coup de main», explique Baozhen. Sans papiers, Baosong ne pouvait pas travailler. Le jour des faits, le restaurateur rentrait des courses. À la barre, il regrette de ne pas avoir vu l’attaque au couteau et de ne pas avoir pu l’empêcher. Il a juste eu le temps de séparer les deux hommes. Un employé du restaurant s’est emparé du couteau à sushi, l’a nettoyé et l’a rangé avec les autres couteaux. «Il y avait un peu de sang sur le bout de la lame», précise-t-il.
L’euthanasie plutôt que la prison
Baosong préparait une commande de sushis quand son humeur a vrillé, témoigne-t-il. Un peu comme c’est le cas avant une crise d’épilepsie. «Il se souvient avoir couru vers la victime présumée, avoir tenu le couteau et c’est tout», traduit un interprète du mandarin. Le prévenu assure ne plus du tout se souvenir des faits, ni à quel endroit il a planté le couteau ou même comment il s’est blessé à la main. Il manque des cases dans son récit, comme dans celui des trois témoins des faits.
La représentante du parquet a estimé que «sa version n’est pas compatible avec la réalité des faits» qu’il ait été victime d’une crise d’épilepsie ou de confusion. Par contre, il y aurait bien eu tentative de meurtre. L’acte en lui-même étant potentiellement létal, de même que l’arme employée et la manière dont elle a été maniée, entre autres, selon la magistrate. «Le coup a été porté de manière ciblée et délibérée sur une partie vulnérable du corps» en absence d’altercation entre le prévenu et sa victime. Ce ne serait que grâce à l’intervention de son frère que l’agression a trouvé un terme. Au vu du casier judiciaire du prévenu «qui répète les erreurs du passé», la représentante du ministère public a requis une peine de 20 ans de réclusion.
Elle a par contre requis l’acquittement de Baosong dans le deuxième volet de l’affaire qui s’est déroulé une année plus tôt dans un restaurant d’Echternach, les présumées victimes ayant refusé de venir témoigner au tribunal. Elles avaient accusé le quadragénaire d’insultes, de menaces de mort et d’avoir frappé un des employés avec une pince de cuisine.
Me Sadler, l’avocate du prévenu, a relevé des doutes concernant la profondeur de la blessure, l’intention de Baosong de donner la mort et l’origine de sa blessure à la main. Elle a demandé à la chambre criminelle de ne pas retenir la circonstance aggravante de l’incapacité de travail, mais les troubles de la personnalité identifiés par l’expert psychiatre en tant que circonstances atténuantes, de même que sa situation précaire au Luxembourg qui a pu influer sur son humeur. «Je vous demande de ramener cette peine à de plus justes proportions.»
Baosong a renouvelé à la barre son souhait d’être euthanasié. Sa situation en prison serait insupportable. «Il s’y sent désorienté et perdu», confirme l’interprète.
Le prononcé est fixé au 8 juin.