Après l’exploit, l’heure est venue de revenir sur la performance de Patrizia Van der Weken. Et la suite pour elle.
A-T-ON ASSISTÉ À UN MOMENT HISTORIQUE?
Oui. Même si on a parfois tendance à accoler le mot «historique» à tout et n’importe quoi, ce que l’on a vécu, dimanche en fin d’après-midi à Apeldoorn, est un moment historique. À double titre : c’est la première médaille de l’athlétisme luxembourgeois dans un grand championnat indoor. Et c’est la toute première fois que c’est une athlète et pas un athlète grand-ducal qui repart avec une breloque. En effet, jusqu’à présent, ils n’étaient que deux (et même trois si on inclut Michel Théato, vainqueur du marathon olympique en 1900 à Paris), à savoir Josy Barthel, médaillé d’or sur 1 500 m aux JO d’Helsinki en 1952, et David Fiegen, vice-champion d’Europe à Göteborg en 2006. Donc, voir Patrizia Van der Weken décrocher une médaille de bronze aux championnats d’Europe en salle est effectivement un moment historique.
EST-CE UNE SURPRISE?
Non. Dès la présentation de la compétition, il avait été clairement identifié qu’elles seraient quatre pour trois places. Même si, durant les séries et la demi-finale, d’autres noms ont émergé (la Belge Rani Rosius ou encore la Hongroise Boglarka Takacs notamment), au final, on retrouve bien les quatre favorites aux quatre premières places. Avec la victoire de l’Italienne Zaynab Dosso, qui établit la meilleure performance mondiale de la saison en 7“01, devant la Suissesse Mujinga Kambundji, arrivée aux Pays-Bas avec la meilleure perf européenne de la saison (7“03), qui a couru en finale en 7“02. Et derrière, on retrouve donc Patrizia Van der Weken (7“06) et la Polonaise Ewa Swoboda (7“07). Les deux jeunes femmes ne se quittent décidément plus, puisque à Rome, c’est Swoboda qui avait privé Van der Weken d’une médaille pour… un petit centième : «Ça devrait être très serré. Ça pourrait même se jouer au centième», prophétisait Arnaud Starck.
Voir Patrizia Van der Weken médaillée n’est donc pas une surprise. Mais ce n’était pas non plus une évidence. Et pour aller chercher cette première breloque internationale chez les seniors, l’Ettelbruckoise a dû s’employer, en courant deux fois le record national, puisqu’elle l’avait abaissé d’un centième pour le porter à 7“06 en demi-finale, où elle termine juste derrière Kambundji.
PEUT-ELLE FAIRE ENCORE MIEUX?
Pour Arnaud Starck, son entraîneur, la réponse est oui : «Il y avait moyen de faire mieux en finale. L’objectif ultime, ce n’était pas d’aller chercher une médaille de bronze aux championnats d’Europe.» C’est la manière, pour le technicien français, plutôt du genre réservé, de dire qu’il est content pour Patrizia. Mais que le boulot n’est pas encore terminé : «On va fêter ça deux jours et ensuite on s’y remet!», confiait-il quelques minutes après que son athlète fut tombée, en larmes, dans ses bras : «C’est grâce à Arnaud», expliquera-t-elle, encore très émue, au moment de revenir sur sa folle journée. Patrizia Van der Weken a réalisé jusqu’à présent une saison très solide, en étant invaincue jusqu’aux championnats d’Europe et avec plusieurs chronos sous les 7“10. Et, comme l’expliquait son coach : «Quand tu es régulière sous les 7“10, ça veut dire que tu as le potentiel pour aller chercher un gros chrono à un moment donné. Et ça, elle en est capable.» Bien sûr, 7“06 est un très beau chrono. Mais on imagine qu’Arnaud Starck pense que son athlète est capable d’aller encore plus vite. Et ça tombe bien, elle aura encore l’occasion de le démontrer dans deux semaines, en Chine, où se déroulent les championnats du monde.
EST-CE QUE CETTE MÉDAILLE EN APPELLE D’AUTRES?
«C’est la première et certainement pas la dernière», expliquait, lui aussi au bord des larmes, Jean-Sébastien Dauch, le directeur général de la FLA. Un sentiment qui avait été également partagé, pas exactement dans ces termes, par le DTN Jean-Baptiste Souche, qui expliquait que Patrizia Van der Weken, pur produit de l’école luxembourgeoise, n’était pas arrivée là par hasard : «Elle a construit sa carrière dans le temps et le travail. Belgrade, Istanbul, Glasgow : tous les championnats outdoor. Elle a passé les étapes au fur et à mesure. Avec de la sueur et du travail.»
Même si elle n’a que 25 ans, l’Ettelbruckoise a déjà une énorme expérience. Et à chaque championnat, elle a fait un pas supplémentaire. En 2022, elle est demi-finaliste mondiale en salle à Belgrade et demi-finaliste européenne à Munich en été. L’année suivante, elle s’arrête encore en demi-finale aux Europe indoor d’Istanbul, devient championne du monde universitaire en Chine et se qualifie pour les JO.
En 2024, elle est finaliste mondiale en salle à Glasgow, où elle termine 7e, puis échoue au pied du podium aux championnats d’Europe de Rome, où l’argent ou le bronze lui échappent pour un malheureux centième. Elle est demi-finaliste olympique, gagne une étape de Diamond League à Paris et est finaliste de cette même compétition.
Et en 2025, elle abaisse son record national indoor à deux reprises, au CMCM et à Apeldoorn, elle s’impose à Ostrava, Karlsruhe, Madrid et remporte le classement final du World Indoor Tour avant de décrocher sa toute première médaille en grand championnat senior. Cette récompense est le fruit d’années de travail. Et comme Patrizia Van der Weken travaille bien, il n’y a pas de raison pour qu’elle ne poursuive pas sur cette lancée.
FAIT-ELLE PARTIE DES MEILLEURES AU MONDE?
Encore une fois, la réponse est oui. Factuellement. Certes, il y a moins de concurrence que sur le 100 m et certaines filles qu’on retrouve sur la ligne droite en été n’ont pas fait de saison en salle, à moins qu’elles se réservent pour la Chine. Toujours est-il que pour Patrizia Van der Weken, les performances parlent d’elles-mêmes. Et si ses 7“07 étaient la meilleure performance mondiale de la saison en janvier, le fait qu’au mois de mars, alors que la saison en salle touche à sa fin, elle soit quatrième meilleure performeuse mondiale sur 60 m est significatif. Le tout, comme aime à le rappeler Arnaud Starck, alors «qu’elle n’est pas une spécialiste de la salle».
La double sportive de l’année, bien partie pour réaliser le triplé en fin d’année, est en effet plus à l’aise, par son morphotype et ses qualités intrinsèques, sur 100 m. En salle, elle peut être pénalisée par une explosivité moindre que celle de certaines pures spécialistes de l’exercice indoor. Alors qu’à l’extérieur, la distance lui laisse le temps de mettre en place sa longue foulée.
Et de profiter de son point fort, qui se situe davantage dans la seconde partie de la course. Quand on sait que la saison en salle doit, avant tout, servir de préparation à la saison en plein air, on se dit que de belles choses sont encore à venir, avec, en point d’orgue, les championnats du monde, qui se tiendront cette année à Tokyo… en septembre!
POURQUOI SA MÉDAILLE FAIT AUTANT PLAISIR?
Dimanche, tout le monde avait le sourire. Patrizia Van der Weken, bien sûr, mais également tout le staff autour d’elle, ses proches venus la soutenir. Mais d’une certaine manière, tout le monde. En effet, la jeune femme est une très belle ambassadrice du sport luxembourgeois : «Elle a décidé de rester au Luxembourg et de s’y entraîner. C’est un très bel exemple pour les jeunes. Ça leur montre que c’est possible d’atteindre le haut niveau comme cela», confiait encore Jean-Sébastien Dauch.
«C’est un pur produit de l’école luxembourgeoise», souligne Jean-Baptiste Souche. Désormais athlète professionnelle, une rareté au Grand-Duché, Patrizia Van der Weken a signé un contrat avec Nike, ce qui en dit long sur la notoriété grandissante qui est la sienne. Pour ne rien gâcher, c’est une jeune femme humble, affable, très agréable et bien élevée, qui donne une très belle image de son sport. Et de son pays. Qui est toujours restée simple et fidèle à ses principes au fil des années. Et cela, c’est tout à son honneur. Et forcément, on a envie de la voir aller loin. Très loin.